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Interaction dipôle-dipôle et relaxation dipolaire

2.2.1 Le potentiel d’interaction dipolaire

L’énergie d’interaction dipôle-dipôle entre deux atomes possédant chacun un mo-ment magnétique ⃗µ = gSµBS provient de la force (⃗µ2 ·∇⃗)B1 exercée sur l’un de ces

atomes par le champ magnétique B1 créé par le dipôle magnétique de l’autre atome (et inversement). Le champ magnétique créé à la position⃗r par un dipôle situé en ⃗r

s’écrit, pour⃗r̸=⃗r : B(⃗r) =µ0 4π ( |⃗r−⃗r|2⃗µ−3(⃗µ·(⃗r−⃗r)) (⃗r−⃗r) |⃗r−⃗r|5 ) (2.1) Dans un nuage d’atomes, un dipôle en présence du champ magnétique BTot-1 créé par l’ensemble des autres dipôles subit alors un couple ⃗µ∧BTot-1, qui peut entraîner

une précession de Larmor du spin de l’atome.

En considérant le cas où les dipôles sont tous orientés selon le même axe (défini par exemple par un champ magnétique externe B⃗u, sur lequel s’alignent les dipôles), le potentiel d’interaction dipôle-dipôle entre deux atomes éloignés de⃗r vautVdd(⃗r) =

−⃗µ·B(r) et s’écrit : Vdd(r, θ) = d 2S2 r3 ( 13 cos2θ) (2.2) où θ est l’angle (⃗u ·⃗r), avec r = |⃗r|, S est le spin d’un atome, et la constante de couplage est notéed2 = µ0(gSµB)2

.

Cette expression montre le caractère anisotrope et non central du potentiel d’in-teraction dipôle-dipôle. Ceci implique que les collisions par le biais d’un tel potentiel d’interaction peuvent engendrer un changement du moment angulaire orbital de la paire de particules, ce qui dans le cas d’une collision par relaxation dipolaire se traduit par une possible mise en rotation de la paire effectuant cette collision inélastique.

Réécrivons le potentiel d’interaction dipôle-dipôle dans le formalisme quantique pour deux atomes séparés l’un de l’autre de⃗r, possédant chacun un moment magnétique

ˆ

µ1 =gSµBSˆ1 etµˆ2 =gSµBSˆ2Sˆ1 et Sˆ2 sont les matrices des opérateurs de spin :

Vdd(⃗r) = d 2 r5 ( r2Sˆ1·Sˆ23( ˆS1·⃗r)( ˆS2·⃗r) ) (2.3) Nous prenons alors le cas de deux dipôles 1 et 2 orientés selon l’axe de quantification

z, puis nous décomposons la partie tensorielle de ce potentiel d’interaction dipôle-dipôle en terme d’opérateurs Sˆ+, = ˆSx±iSˆy capables de changer la projection du spin des atomes. Nous obtenons :

ˆ S1Sˆ23( ˆS1rˆ)( ˆS2rˆ) = ˆS1zSˆ2z + 1 2( ˆS1+ ˆ S2+ ˆS1Sˆ2+) 3 4[(2ˆz ˆ S1z+ ˆrSˆ1++ ˆr+Sˆ1) ×(2ˆzSˆ2z+ ˆrSˆ2++ ˆr+Sˆ2)] (2.4)

avec rˆ± = x±riy et zˆ = zrr = |⃗r| = √

x2+y2+z2 est la distance inter-particule, etx, y et z sont les opérateurs positions. Grâce à cette décomposition, nous pouvons isoler trois termes dans le potentiel d’interaction dipôle-dipôle.

Le premier terme Sˆ1zSˆ2z, ainsi que la partie en zˆSˆ1zzˆSˆ2z du terme produit, consti-tuent la partie de l’interaction dipôle-dipôle qui conserve le spin de chacune des deux particules. Il s’agit de termes engendrant des collisions élastiques, mais longue portée (car le potentiel varie en r13). Le deuxième terme de éq. (2.4) de la forme Sˆ1+Sˆ2 +

ˆ

S1Sˆ2+ autorise l’échange de spin entre les particules, le spin total étant conservé. L’exemple usuel d’échange de spin est donné pour le cas d’un état à deux particules de spin 1 : |mS1, mS2 =|0,0⟩ → 1

2(|1,−1+| −1,1), où l’on remarque que le spin total est bien conservé. Ce phénomène d’échange de spin se produit également pour les alcalins, mais dans ce cas ce sont les interactions de contact qui autorisent cet échange. Enfin, l’aspect de l’interaction dipôle-dipôle qui nous intéresse particulièrement dans cette thèse correspond au troisième terme (le terme produit) de l’expression éq. (2.4). Ce terme, lui, autorise le changement de la projection du spin de la paire de particules. Ce potentiel d’interaction accorde ainsi un degré de liberté supplémentaire au système, par rapport aux condensats où les interactions de contact dominent : la magnétisation est libre. Ces collisions médiées par le potentiel d’interaction dipôle-dipôle, lorsqu’elles font varier le spin total de la paire de particules en diminuant l’énergie interne de magnétisation, sont appelées relaxation dipolaire.

2.2.2 La relaxation dipolaire

La relaxation dipolaire est un type de collisions inélastiques qui change la ma-gnétisation. La présence d’un champ magnétique externe B produit un décalage en énergie des différents sous-états Zeeman. En l’absence de structure hyperfine, l’écart entre deux sous-états consécutifs est égal à ∆E = gSµBB, dépendant de la norme du champB. Ainsi, le changement de magnétisation dû à la relaxation dipolaire peut s’accompagner d’une variation de l’énergie cinétique∆E du système. Dans le cas d’un condensat (d’énergie cinétique négligeable dans les conditions de l’approximation de Thomas Fermi) créé dans le sous-état ZeemanmS =3de plus basse énergie, les colli-sions inélastiques dipolaires (à champ magnétique non nul) vers des étatsmS >−3sont alors interdites par conservation de l’énergie totale : l’énergie cinétique nécessaire pour compenser la variation d’énergie interne lors du changement de magnétisation n’est pas suffisante (cf. cependant les expériences du chapitre4pour un contre-exemple). La condition de conservation de l’énergie s’écrit pour un système de deux particules :

~2k2

f 2µ =

~2ki2

2µ + ∆MS×gSµBB (2.5) oùki,f sont les vecteurs d’onde des états initial et final,µ= mCr

2 est la masse réduite du chrome, et∆MS =MSi−MSf est associé à la variation de la projection du spin total de la paire de particules. Dans toutes les études exposées dans cette thèse, nous considérons

un condensat produit initialement dans le sous-étatmS =3de l’état fondamental7S3. Le spin des atomes est alors basculé par un unique balayage rf (analogue aux balayages utilisés dans la section1.2.6) vers le sous-état Zeeman de plus haute énergiemS = +3. Un tel passage adiabatique rapide (ARP) permet en pratique de transférer près de 95% des atomes dans le sous-étatmS = +3 (efficacité mesurée par une procédure de Stern et Gerlach [90]), où la relaxation dipolaire est énergétiquement possible. Considérons alors un système à deux particules |mS1 = 3, mS2 = 3. L’expression éq. (2.4) nous donne les canaux de collisions dipolaires possibles ainsi que les variations d’énergie∆E

associées :

|3,3⟩ → |3,3⟩ ≡ |0E(0) = 0 (2.6)

1

2(|3,2+|2,3)≡ |1E(1) =gSµBB (2.7)

→ |2,2⟩ ≡ |2E(2) = 2×gSµBB (2.8)

Notons que pour cet état initial |0, il n’y a pas d’échange de spin possible, par contre la collision élastique |0⟩ → |0 peut bien avoir lieu, qui, elle, conserve le spin de chaque particule. Pour un champ magnétique B, le gain en énergie cinétique de la paire après collision est, d’après l’équation éq. (2.5), de ∆MS = 0, 1 ou 2 fois l’écart d’énergie Zeeman∆E =gSµBB.

Les canaux de collision |0⟩ → |1 et |0⟩ → |2 sont les deux canaux de relaxation dipolaire possibles ici. Les produits des collisions par ces canaux doivent respecter la conservation du moment angulaire total. En effet, le premier canal est décrit par les opérateurszˆSˆ1zrˆ+Sˆ2+ ˆr+Sˆ1zˆSˆ2z dont la composante en ˆr+ = x+iy

r implique une mise en rotation de la paire de particules. De même, le deuxième canal de collision est décrit par le terme rˆ+Sˆ1rˆ+Sˆ2, ce qui implique une mise en rotation doublement chargée. La relaxation dipolaire induit un changement de magnétisation (changement de pro-jection du spin total), couplé à une mise en rotation du système : ce phénomène est analogue à l’effet Einstein-de Haas en physique du solide [42] où par exemple l’inver-sion brutale, par inverl’inver-sion du champ magnétique appliqué selon l’axe du cylindre, de l’aimantation d’un barreau cylindrique fait d’un matériau ferromagnétique entraîne la mise en rotation du cylindre autour de son axe.