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Interprétation de l’effet des potentiels moléculaires

2.4.1 La relaxation dipolaire : une sonde déportée

Afin d’interpréter les résultats précédents, intéressons-nous au caractère localisé de la relaxation dipolaire. En effet, on peut remarquer que les paramètres de relaxation dipolaire calculés éq. (2.39) et éq. (2.40) sont proportionnels au carré de la fonction d’onde radiale de l’état d’entréeFintrap(r)décrite par éq. (2.37), pour une distance inter-atomique particulière :

βj ∝ |Fintrap(r=R(j)RD)|2 (2.41) oùR(j)RD est une distance inter-particules différente selon le canal de relaxation dipolaire

j considéré, telle que ( 1 a6 R(RDj) ) = ( 1 3a6k(fj)π 16 )

. On en déduit les expressions de ces distances : R(j)RD = 16 3πk(j)f = 16~ 3πmCr(j×gSµBB) 1 j 1 B (2.42)

Cette dépendance du taux de relaxation dipolaire avec la fonction d’onde radiale de l’état d’entrée à une distance particulièreR(j)RD reflète le caractère localisé de ce type de collision. L’évolution du taux de relaxation dipolaire dépend donc de la probabilité de présence de la paire de particules à cette distance relative typique R(j)RD.

De plus, il est possible de modifier la valeur de cette distance typique R(j)RD, car son expression dépend de la norme du champ magnétique : R(j)RD 1

B. En mesurant le taux de relaxation dipolaire en fonction du champ magnétique, nous allons donc sonder la probabilité de présence de deux particules à une distance relative variable. Ainsi, l’interaction dipôle-dipôle est longue portée, mais la relaxation dipolaire a un caractère localisé : la relaxation dipolaire peut servir de sonde déportée mesurant la probabilité de présence de deux particules à une distance inter-atomiqueR(j)RD.

2.4.2 Allure des potentiels moléculaires

Il est possible de comprendre le caractère localisé de la relaxation dipolaire en étudiant l’allure des potentiels moléculaires en jeu dans la collision, tracés sur la figure Fig.2.2. Nous avons pris sur cette figure l’exemple du canal 2 de relaxation dipolaire. Les états en entrée et en sortie ont respectivement pour moments angulaires orbitaux

l= 0 et l= 2, pour lesquels nous avons tracé les potentiels moléculaires associés. Ce schéma montre qu’il existe un croisement entre les deux potentiels, de par la pré-sence de la barrière centrifuge de potentiel existant pourl = 2. Nous avons représenté sur ce schéma le croisement évité [95], dû au potentiel d’interaction dipôle-dipôle, qui explique le passage par relaxation dipolaire d’un état à l’autre. Le caractère localisé de la relaxation dipolaire vient de l’aspect localisé de ce croisement évité, à la distance inter-atomique notée R. En effet, la distance inter-particule typique R(j)RD pour la re-laxation dipolaire est très proche de cette distanceR. La positionR de ce croisement est donnée par R =~ l(l+1)

mCr(j×gSµBB). Pourl = 2, nous obtenons RRD/R 0.7. A grande distance inter-particule, l’écart en énergie entre les deux potentiels molé-culaires provient de l’énergie Zeeman (∆E = 2×gSµBB pour le canal 2 de relaxation) : en modifiant la valeur du champ magnétique, l’écart en énergie entre ces deux poten-tiels est modifié, et ce faisant, la position du croisement évité est déplacée, et donc la distance typique de collision par relaxation dipolaire est elle aussi modifiée.

Notons que dans le cas extrême de valeurs très faibles du champ magnétique, il n’est plus possible de parler du caractère local de la relaxation dipolaire. En effet, les parties asymptotiques des potentiels moléculaires sont dans ce cas très proches l’une

Figure2.2 –Schéma des potentiels moléculaires pour le canal 2 de relaxation dipolaire : l’état d’entrée |3,3 a pour moment angulaire orbital l = 0, et l’état de sortie |2,2 a l = 2. A grande distance inter-particules, l’écart en énergie entre ces deux états est égal au décalageE =gSµBB dû à l’effet Zeeman (×2). Le trait vertical en pointillé donne la positionR où s’effectue le croisement évité entre les états initial et final, très proche de la valeur RRD(2) (cf. texte).

de l’autre, et si cet écart en énergie ∆E gSµBB est comparable au couplage créé par le potentiel Vdd d’interaction dipolaire, alors la région du croisement évité est très large, et ainsi le caractère local de la relaxation dipolaire est perdu pour de très faibles champs.

Cependant, à champs suffisamment élevés, l’étude des potentiels moléculaires per-met bien d’expliquer le caractère localisé de la relaxation dipolaire, ainsi que sa fonction de sonde à différentes distances inter-particules (suivant le champ magnétique).

2.4.3 Domaines de validité

Le caractère localisé de la relaxation dipolaire permet d’interpréter l’évolution du taux de relaxation dipolaire (présenté Fig. 2.1) en fonction du champ magnétique cal-culé par le modèle théorique, introduit section 2.3.2. Nous distinguons les cas selon la valeur du champ magnétique par rapport à la position Bmin du minimum local de relaxation dipolaire, dû aux potentiels moléculaires.

Cas à faibles champs B << Bmin

Pour le cas B << Bmin, les collisions s’effectuent à des distances typiques RRD(j)

supérieures à la longueur de diffusiona6. Les résultats trouvés par le modèle analytique prenant en compte les potentiels moléculaires concordent bien avec ceux donnés par l’approximation de Born, à un facteur 2 près expliqué précédemment. Danss ce cas,

a6

RRD 1, donc la fonction d’onde radiale de l’état d’entrée Fin(r) pour l = 0 est presque constante, et indépendante de a6, Fin(r)

v0. Quant à la fonction d’onde

Fout(j) de l’état de sortie, elle non plus ne dépend pas de la longueur de diffusion. Cette indépendance vis à vis des potentiels moléculaires assure que l’on retrouve bien les mêmes résultats pour les deux modèles développés.

D’autre part, si nous considérons l’aspect localisé de la relaxation dipolaire, la valeur

k(j)f ×R(j)RD reste toujours constante, égale à 16. L’expression de la fonction de Bessel sphérique J2(k(m)f r) varie donc peu avec le champ magnétique, et en fin de compte la fonction d’onde radiale de l’état de sortie Fout(j)(RRD) varie comme

k(j)f B14.

Sachant de plus qu’à champ faible, la fonction d’onde radialeFin(r) est indépendante de B, nous retrouvons alors bien, avec le calcul de l’intégrale de recouvrement éq. (2.32) une dépendance de βj en k(j)f B. C’est cette même dépendance qui est présentée dans les expressions éq. (2.23) et éq. (2.24) calculées par le premier modèle, dans l’approximation où k

(j)

f

ki → ∞.

A bas champs B << Bmin, le taux de relaxation dipolaire dans un condensat ne dépend pas des potentiels moléculaires, et vérifie β B.

Cas à hauts champs B > Bmin

Dans le cas B > Bmin, les limites de validité du modèle analytique sont atteintes, car le caractère localisé de la relaxation dipolaire fait que la distance typique de collision

RRD 1

B devient inférieure au rayon de van der Waals. Il n’est plus alors possible d’utiliser la fonction d’onde approchée Fin(r)(1 a6

r

)

, qui néglige la partie interne des potentiels moléculaires. Pour estimer correctement le taux de relaxation dipolaire, il faut alors utiliser un modèle numérique (basé sur un calcul à N-corps) prenant en compte les potentiels moléculaires à courtes distances, modèle qui a été développé par Anne Crubellier, et dont la description se trouve dans la référence [37].

Champ au minimum de relaxation dipolaire B ≈Bmin

Dans le cas intermédiaireB ≈Bmin, les collisions s’effectuent à une distance inter-nucléaireRRD proche de la longueur de diffusiona6. A cette distance, il y a un noeud dans la fonction d’onde radialeFin(r) =

v0 ( 1 a6 r )

associée au potentiel moléculaire pour l = 0. Lors du calcul de l’intégrale pour la règle d’or de Fermi éq. (2.32), c’est

la présence de ce noeud qui diminue la valeur de la section efficace de collision (cf. éq. (2.41)).

Le minimum local de relaxation dipolaire est donc dû à l’effet des potentiels mo-léculaires et il dépend de la valeur de la longueur de diffusion a6, et sa position Bmin

correspond à une distance inter-particules proche de a6. Il est alors possible, en me-surant expérimentalement la position de ce minimum, d’en déduire la valeur de la longueur de diffusion. En calculant la position du minimum du paramètre total de relaxation dipolaireβ(B) = β1(B) +β2(B) grâce aux expressions éq. (2.39) et (2.40), nous trouvons la relation entre le champ magnétique Bmin et la longueur de diffusion

a6 : a6 = 16(2 +S)~ 3π(2 2 +S) mCrgSµBBmin (2.43)

Nous avons obtenu expérimentalement l’évolution du paramètre de relaxation dipo-laire en fonction du champ magnétique (cf. section2.5suivante, présentant le protocole d’acquisition et les données expérimentales). Ces mesures nous permettent d’obtenir une première estimation de la longueur de diffusiona6 = 117aB grâce à la formule éq. (2.43).

Cette valeur doit être comparée avec la mesure a6 = (112±14)aB obtenue [94] en analysant les positions de certaines résonances de Feshbach, et avec la mesure a6 = (102.5±0.4)aB découlant des résultats d’une spectroscopie précise de l’une de ces résonances [96]. La comparaison confirme que cette mesure donne une valeur approchée pour la valeur dea6. Cependant, étant donné que pour B = Bmin la distance typique de collision RRD est proche du rayon de van der Waals (car pour le chrome, a6 est proche de RvdW), alors le modèle que nous utilisons ici n’est plus bien adapté : de même que pour le casB > Bmin, il faut tenir compte de la partie interne des potentiels moléculaires (c’est-à-dire des distances inférieures à la portéeRvdW du potentiel).

Nous pouvons envisager deux solutions pour remédier à ce problème :

– Développer un modèle théorique numérique prenant en compte ces potentiels moléculaires à courte distance r < RvdW. C’est cette solution que nous avons choisie [37], et elle nous a permis de mesurer précisément la longueur de diffusion (cf. section 2.6).

– Mesurer précisément le taux de relaxation dipolaire sur une gamme de champs

B < Bmin telle que la distance typique de collision RRD reste toujours

supé-rieure à RvdW et donc que le second modèle analytique reste valide : dans ce cas la dépendance en a6 du taux de relaxation dipolaire sera faible, ce qui devrait nécessiter une grande précision sur les données expérimentales.