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NOTIONS RELATIVES À L’ECONOMIE SOUTERRAINE

2.1. Production dissimulée

Certaines activités peuvent être à la fois productives d‟un point vue économique, tout à fait légal d„un point vue administratif et réglementaire mais délibérément soustraites au regard des pouvoirs publics et de l‟administration fiscale pour différentes raisons [Gaertner, W. et A. Wenig (éd.) (1985)] :

 échapper au paiement des impôts sur le revenu ;

 ne pas payer les taxes ( Tva,Taic,Tipp, etc.) ou les contributions sociales ;

 afin de ne pas se conformer à certaines normes juridiques, comme le salaire minimum, le nombre d‟heures de travail ou les normes en matière d‟hygiène et sécurité etc. ;

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 de ne pas se conformer à certaines procédures administratives, telles que répondre à des questionnaires statistiques ou remplir des formulaires.

A titre d‟exemple d‟activités faisant partie de l‟économie dissimulée, on peut citer les cas où les entreprises choisissent de ne pas déclarer tout ou une partie de leur chiffre d‟affaires afin d‟échapper à la fiscalité directe ou indirecte ou de pas respecter les certaines réglementations concernant l‟emploi à savoir le travail des mineurs ou la non déclaration du personnel. Parfois et à cause des longues tracasseries administratives forts complexes dans notre pays, certaines unités décident d‟exercer leurs activités de production de façon non officielle pour se soustraire justement à la lourdeur bureaucratique qui sévit dans notre environnement économique.

La frontière entre l‟économie dissimulée et l‟économie illégale ne peut pas être tracée avec exactitude [Albakin, A. et J. Walley (1999)]. C‟est ainsi, par exemple, que la production qui ne respecte pas certaines normes, notamment en matière de santé et de sécurité, pourrait être qualifiée d‟illégale. De même, la fraude fiscale en elle-même constitue généralement un délit. Selon Laungani, P. et P. Mauro (2000), pour délimiter cette frontière, deux observations s‟imposent. Premièrement, l‟absence d‟autorisation administrative ne suffit pas pour qualifier une activité d‟illégale. Deuxièmement, on peut faire une distinction entre les différents types d‟activités qui sont contraires à la loi. D‟une part, l‟illégalité au sens strict désigne des actes qui enfreignent un code pénal. C‟est ce type d‟illégalité qui caractérise les activités illégales telles qu‟elles sont définies dans le SCN de 1993. D‟autre part, l‟illégalité au sens large renvoie à toutes les autres activités qui sont contraires à la loi, comme le fait d‟enfreindre des règles relatives à la fiscalité, aux cotisations de la sécurité sociale, à la santé et à l‟hygiène, au salaire minimum ou à l‟horaire maximum, etc. D‟une manière générale, les activités dissimulées sont celles qui ne se conforment pas aux règles administratives, tandis que les activités illégales sont associées à un comportement délictueux.

Comme on l‟a souligné précédemment, il peut y avoir des recoupements entre ces différentes catégories d‟activités productives – elles ne sont pas toutes mutuellement exclusives. En particulier, la production peut relever à la fois des secteurs informel et dissimulé. Ce chapitre s‟attache à analyser les activités productives dissimulées sans considération pour leur éventuelle appartenance au secteur informel.

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Jusqu‟ici, le terme d‟économie souterraine a été utilisé dans le strict respect de la définition donnée dans le SCN de 1993. Cela étant, ce terme a une acception beaucoup plus large en dehors du contexte de l‟établissement des comptes nationaux et du PIB. Il est couramment utilisé par les sociologues, les analystes du marché du travail, les législateurs, les médias et par le grand public. Ses diverses acceptions dépendent du point de vue et des préoccupations respectives de chaque utilisateur. La section 2.1.1 explore certaines de ces acceptions et les liens qu‟elles entretiennent avec la définition du terme figurant dans le SCN de 1993. Elle évoque également des termes synonymes ou proches et aborde certaines activités non productives qui sont parfois associées (à tort) à la production souterraine, afin d‟expliquer dans quelle mesure elles ne sont pas productives et comment elles peuvent être considérées.

2.1.1. Variantes, synonymes et termes apparentés.

Il faut noter qu‟en dehors du cercle relativement restreint des comptables nationaux et des économistes cette définition n‟est pas communément acceptée. Il existe de nombreuses autres acceptions valables de ce terme, dont chacune reflète le point de vue particulier de son utilisateur. Cette multiplicité peut être une source de confusion, car les différentes acceptions du terme ne sont pas toujours différenciées. Les paragraphes ci-après abordent quelques-unes des variantes les plus courantes, ainsi que ce qui les distingue.

2.1.2. Inclusion inappropriée d’activités non productives.

La principale et aussi la plus courante des causes de confusion sur le sens d‟économie souterraine résulte du fait que ce terme couvre des activités non productives, mais considérées comme souterraines dans le sens où elles impliquent une dissimulation aux autorités fiscales ou à l‟administration publique [Van Eck, R. (1987)]. On trouve dans cette catégorie, par exemple, l‟exportation illégale de capitaux ou la dissimulation d‟intérêts perçus ou de plus-values réalisées. Si ces activités peuvent être qualifiées de souterraines au sens large du terme, elles ne devraient pas être considérées comme faisant partie de la production dissimulée. Du même coup, elles ne peuvent faire partie de la production telle qu‟elle est définie et communément acceptée par le SCN de 1993.

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Toutes les opérations monétaires ne sont pas productives et, inversement, toutes les activités productives ne sont pas de nature monétaire. Cette distinction est importante.

2.1.3. Inclusion/exclusion de la production illégale.

La question de savoir si la production dissimulée est censée couvrir les activités illégales est également une source d‟ambiguïté [OCDE, (1997)]. Au regard des concepts du SCN de 1993, bien sûr, elles en sont exclues. Cependant il faut signaler que si le SCN de 1993 constitue la référence pour ce qui est de la définition de la production, il ne fait pas autorité en ce qui concernant le sens de «dissimulée». Du point de vue de l‟application des lois fiscales, par exemple, ce n‟est pas la légalité des activités qui importe, mais la dissimulation délibérée d‟activités productives (et non productives) à l‟administration fiscale. Par conséquent, dans certaines publications, «l‟économie souterraine» couvre à la fois des productions légales et illégales, sans aucune distinction.

Si, conformément au SCN de 1993, il faut distinguer production illégale et production dissimulée, la frontière entre les deux doit être clairement définie. Comme cela a été souligné, les cas limites posent certains problèmes, qui sont abordés plus en détail dans le paragraphe 2.2.

2.1.4. Inclusion/exclusion de la production marchande à petite échelle.

Un troisième type d‟activités rapporté parMasakova, I. (2000) vient ajouter à la confusion, à savoir les activités de production marchande pratiquées à une échelle tellement restreinte, que les entreprises qui en sont à l‟origine ne sont pas obligées, implicitement ou explicitement, de les déclarer aux pouvoirs publics. Bien que ces activités ne fassent pas partie de la définition de la production dissimulée formulée par le SCN de 1993, dans la mesure où elles n‟impliquent aucune dissimulation délibérée, elles peuvent être incluses dans la production dissimulée dans le cadre de certains travaux.

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2.1.5. Production dissimulée, production non imposée et revenus non imposés.

Le terme de production dissimulée est quelquefois utilisé dans le sens de production non imposée, c‟est-à-dire la production pour laquelle les revenus correspondants n‟ont pas été déclarés à l‟administration fiscale, alors qu‟ils auraient dû l‟être. Définie ainsi, la production non imposée ne coïncide pas tout à fait avec la production dissimulée telle qu‟elle est définie dans le SCN de 1993, dans la mesure où cette dernière suppose la dissimulation à d‟autres administrations que l‟administration fiscale.

L‟assimilation de l‟économie souterraine aux revenus non imposés est plus problématique. Les revenus non imposés ne peuvent être mis en relation directe avec la production non imposée, car le revenu imposable peut être généré par des activités non productives. Il existe également une distinction importante entre la production non imposée et la production dissimulée non mesurée, qui sont, comme l‟indique United States Internal Revenue Service (1979), quelquefois confondues. La production non imposée correspond à une perte de recettes pour les pouvoirs publics, alors que la production non mesurée induit une lacune dans les estimations du PIB.

2.1.6. Production dissimulée exprimée en pourcentage.

L‟expression de l‟ampleur des activités souterraines en pourcentage est également source de confusion. Les pourcentages sont généralement définis comme le rapport entre l‟élément étudié et le tout. Dans le cas de l‟économie souterraine, cela suppose que la production dissimulée soit exprimée en pourcentage de la production totale. Or, la production dissimulée est souvent exprimée en pourcentage des estimations officielles du PIB plutôt qu‟en pourcentage du PIB total (officiel + dissimulé). Ce décalage augmente donc proportionnellement aux pourcentages concernés.

2.1.7. Autres termes.

Van Eck (1987) dresse une liste d‟une trentaine de synonymes anglais ou de termes proches du concept de «underground economy» (économie souterraine). Voici une liste non exhaustive des équivalents français de ces termes :

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Alternative De l‟ombre Invisible Non imposée Secondaire

Cachée Duale Autre économie Non officielle Sous-marine

Autonome Dissimulée Irrégulière Parallèle Illégale

Clandestine Fantôme Marginale Occulte Souterraine

Contre économie Grise Noire Périphérique Voilée

Informelle Non mesurée Non enregistrée Submergée Non déclarée Le sens de ces termes peut avoir des nuances différentes. On pourrait supposer qu‟économie dissimulée signifie la même chose qu‟économie souterraine, qu‟économie grise englobe la production des secteurs souterrain et informel et qu‟économie invisible couvre aussi la production illégale, mais ce ne serait que pure spéculation car chaque pays (particulièrement le notre) et chaque région d‟un pays a ses spécificités économiques. Il n‟y a aucun moyen de savoir ce que signifie l‟un de ces termes dans une publication particulière, à moins que l‟auteur ne le précise.

2.1.8. Synthèse.

Dans le contexte de la comptabilité nationale la définition convenable de la production dissimulée est celle avancée par le SCN de 1993. Cela étant, en dehors de ce contexte particulier, il n‟existe aucune définition unique «correcte». Par conséquent et en règle générale, il est convient pour un auteur de définir le terme utilisé et pour le lecteur, de vérifier cette définition. Pour notre part, nous utilisons la définition du SCN de 1993.