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Les biens produits par les ménages pour leur propre usage final

NOTIONS RELATIVES À L’ECONOMIE SOUTERRAINE

2.4. Production des ménages pour usage final propre

2.4.1. Les biens produits par les ménages pour leur propre usage final

Dans sa définition du domaine de la production, le SCN de 1993 (§ 6.25) recommande de quantifier la production d‟un bien pour usage final propre à partir du moment où cette production est censée représenter une proportion importante de l‟offre totale de ce bien dans le pays. Le SCN propose (§ 6.24) une liste non exhaustive des types de biens les plus courants.

 la production et le stockage de produits agricoles ; la cueillette et le ramassage de divers herbes comestibles et d‟autres produits agricoles non cultivés ; l‟abattage de bois, la collecte de bois pour la fabrication de charbon de chauffage ; la chasse et la pêche ;

 la production d‟autres produits primaires comme le sel gemme, l‟extraction de tourbe, l‟approvisionnement en eau, etc. ;

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 la transformation des produits agricoles ; le battage des céréales ; la mouture de grains ; le séchage de peaux et la fabrication de cuir ; la production et la conservation de produits agricoles ; la production de biens de consommation tels que le couscous et autres denrées conservables ; la conservation de fruits par séchage, mise en conserve, etc. ; la production de produits laitiers comme le beurre ou le fromage ; la production d‟huile ; la production de paniers ou de nattes, etc. ;

 d‟autres types de transformation comme le tissage ; la confection et la fabrication de vêtements sur mesure ; la tapisserie ; la fabrication de chaussures ; la fabrication de poteries, d‟ustensiles de ménage ou de biens durables ; la fabrication de meubles ou de mobiliers, etc.

Quoique non exhaustive, cette liste est instructive à deux titres [Blades, J. (1989)]. Tout d‟abord, elle montre bien que la production pour usage final propre est susceptible de représenter, dans notre pays comme dans la plupart de ceux en développement, une part importante des secteurs primaire et secondaire. Ensuite, un grand nombre, si ce n‟est la totalité de ces activités sont exercées par des femmes ; ce sont des activités secondaires et, dans la plupart des cas, la main-d‟œuvre qu‟elles nécessitent ne figure pas dans les statistiques de la population active. La prise en compte de ces activités dans la comptabilité nationale est donc importante, en particulier en période de crise économique ou d‟ajustement structurel, lorsqu‟elles peuvent contribuer de manière décisive au maintien du niveau de vie. Par exemple, en 1994, lorsque le franc CFA a été dévalué, le pouvoir d‟achat de la population des pays d‟Afrique francophone a diminué de moitié. Beaucoup de pays en transition ont eux aussi enregistré une baisse spectaculaire de leurs revenus monétaires réels au début des années 90, ce qui a provoqué une forte augmentation de la production agricole et de l‟élevage de subsistance.

2.4.1.1. Production agricole pour consommation propre.

L‟agriculture de subsistance a longtemps constitué l‟essentiel de la production non marchande des ménages. Charmes, J.(200a) a étudié les estimations de la comptabilité nationale de 70 pays en développement d‟Afrique, d‟Asie et d‟Amérique latine et a montré que presque tous incluaient la production agricole et l‟élevage de subsistance dans leur comptabilité, plus de 70 % d‟entre eux y

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incluant également la pêche et la sylviculture de subsistance. L‟agriculture de subsistance est généralement exclue du champ des enquêtes sur le secteur informel, non seulement parce que celles-ci écartent le plus souvent de leur champ de couverture l‟agriculture dans son ensemble, mais aussi parce qu‟elles ne retiennent pas les entreprises qui n‟exercent que des activités non marchandes.

En ce qui concerne la collecte de données et les estimations, il convient de distinguer deux situations. Dans les pays en développement, l‟agriculture de subsistance occupait une place très importante il y a quelques dizaines d‟années, mais aujourd‟hui, les exploitants qui ne pratiquent qu‟une agriculture de subsistance sont de plus en plus rares. Le plus souvent, et cette situation ne se limite pas aux pays en développement, les agriculteurs conservent et stockent une partie de leur production pour leur propre consommation et vendent le reste. (Ici agriculteurs est pris dans un sens large, comprenant les personnes engagées dans des activités d‟élevage, de chasse, de pêche, de sylviculture, etc.) Néanmoins, les agriculteurs sont de plus en plus souvent contraints de vendre l‟ensemble de leur récolte pendant la moisson et de racheter en temps utile les produits dont ils ont besoin. La partie de la récolte conservée pour consommation propre est évaluée dans les comptes nationaux, à l‟aide de ratios spécifiques. Les enquêtes sur la production agricole, basées sur le calcul des surfaces et des rendements pour les grandes cultures, permettent d‟obtenir une estimation de la production agricole dans son ensemble, tandis que les parts respectives de la production commercialisée et de la production conservée par les agriculteurs sont calculées grâce aux réponses aux enquêtes sur la production ou sur les revenus et les dépenses.

Dans les pays en transition, les jardins familiaux jouent un rôle important dans la consommation des ménages. En Fédération de Russie, par exemple, on estime que plus de 90 % de la production des ménages est destinée à leur propre consommation. La mesure de la production pour consommation propre nécessite des enquêtes supplémentaires spécifiques ou du moins l‟ajout de certaines questions dans les enquêtes auprès des ménages, en particulier lorsque la production constitue une activité secondaire pour les membres du ménage.

La valorisation de la production primaire pour consommation propre se fonde le plus souvent sur les prix du marché, généralement collectés et disponibles, pour les produits primaires, sur les marchés

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ruraux comme sur les marchés urbains. Il en va tout autrement de la collecte du bois de chauffage et de l‟approvisionnement en eau, puisque, s‟il existe un marché pour ces produits dans les zones urbaines, il n‟en existe pas dans les zones rurales. La valorisation monétaire de la production aux prix du marché, préconisée par le SCN de 1993 (§ 6.84 et 6.85), est donc artificielle, d‟autant plus que, grâce aux progrès récents des enquêtes sur l‟emploi du temps, le temps consacré à ces activités est mieux connu que les volumes de production concernés.

2.4.1.2. Autre production de biens pour consommation propre.

Comme on l‟a déjà vu, la plupart des activités de transformation agricole sont prises en charge par les femmes. Cette production non marchande, qui constitue souvent une activité secondaire, est rarement mesurée par les enquêtes sur la production ou sur les ménages [Goldschmit-Clemont,L. (1998)]. La plupart des enquêtes sur la population active sous-estiment les activités secondaires entreprises par les femmes et, habituellement, les enquêtes sur les revenus et les dépenses des ménages ne prennent en compte l‟autoconsommation que dans le cas des produits primaires. Les informations disponibles ne fournissent donc pas de données sur les volumes produits et la valorisation monétaire de la production aux prix du marché en est d‟autant plus difficile. Là encore, les enquêtes sur l‟emploi du temps peuvent s‟avérer particulièrement utiles pour une valorisation aux coûts des facteurs, le travail constituant le principal facteur.

Bien que l‟évaluation aux prix du marché soit plus aisée pour la production par les ménages de biens autres que les produits de transformation agricole et que la collecte de données sur les volumes de production soit également plus facile pour ces biens, on manque probablement là aussi d‟informations. C‟est pourquoi il convient de déduire les estimations nécessaires en procédant indirectement à partir de la compilation des tableaux des ressources et des emplois. Par exemple, le Département d‟État des statistiques de l‟Ouzbékistan a récemment décidé d‟inclure la production de pain des ménages pour leur propre consommation dans les comptes nationaux, parce qu‟il y existait un fort déséquilibre entre la production et la consommation. Ce choix est conforme aux recommandations du SCN de 1993, car le pain peut être préparé une semaine à l‟avance et consommé pendant la semaine et peut, à ce titre, être considéré comme un bien manufacturé dont la production et la consommation vont au-delà de la préparation et de la consommation de repas.

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La construction pour compte propre est un type de production pour usage final propre qui a, lui aussi, depuis longtemps été compris dans le calcul du PIB. La valorisation monétaire de cette production pose les mêmes problèmes que dans le cas des autres biens non primaires. Lorsqu‟il existe un marché local, la valeur des logements est connue. En l‟absence de marchés, comme par exemple dans les zones rurales des pays en développement, les coûts de production comprennent essentiellement le travail individuel et collectif. Quant aux autres consommations intermédiaires et matériaux gratuits, – perches de construction, briques séchées au soleil, chaume ou feuillages pour les toitures – il convient de les estimer en termes de temps consacré à leur collecte et à leur transformation. Ainsi les enquêtes sur l‟emploi du temps peuvent-elles jouer un rôle essentiel dans l‟estimation et la valorisation.