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LES METHODES D’EVALUATION DE LA PRODUCTION ISSUE DES ACTIVITES SOUTERRAINES

3.1.2. Analyse et évaluation des comptes

3.1.2.2. Estimation de la limite supérieure

3.1.2.2.1. Limite supérieure – Optique des dépenses

Dans Statistique Canada (1994) Gervais décrit les procédures utilisées pour évaluer la limite supérieure de l‟économie souterraine au Canada en 1992. Toutes les composantes du PIB calculées selon l‟optique des dépenses sont reprises. Pour chacune des composantes, une limite supérieure de la production dissimulée est calculée et comparée aux données correspondantes, saisies dans l‟établissement des estimations du PIB. On additionne alors les différences pour définir une limite supérieure indiquant jusqu‟à quel point les calculs publiés sous-estiment la production dissimulée dans le PIB.

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Les points qui suivent tentent qu‟expliquer le raisonnement qui soutant cette analyse. Même si les raisons propres à l‟activité économique souterraine dans notre pays ainsi que ses spécificités sont différentes, le type de raisonnement derrière cette analyse reste appréciable.

Considérant le PIB selon l‟optique des dépenses, Gervais dans Statistique Canada explique que les secteurs les plus exposés aux activités souterraines sont la construction résidentielle et les dépenses des ménages pour consommation finale propre. Les activités souterraines ont un impact limité sur les importations et les exportations, et négligeable sur les autres composantes du PIB en termes de dépenses. Le raisonnement est le suivant, les composantes étant classées par ordre d‟importance, en partant de la moins significative.

Dépenses publiques courantes en biens et services et investissement des administrations : La limite supérieure est de zéro, car il est impossible d‟exercer des activités souterraines dans ces domaines.

Investissement des entreprises en stock : La limite supérieure est de zéro. Les entreprises peuvent être incitées sur le plan fiscal à gonfler les pertes de détention et à minimiser les gains de détention. Toutefois, les bénéfices ou les pertes de détention ne sont pas pris en compte dans le calcul des variations de stocks, car ils ne concernent pas la production courante. Par conséquent, si les entreprises gonflent leurs pertes de détention ou minimisent leurs gains de détention, cela ne devrait avoir aucune incidence sur l‟évaluation des variations en comptabilité nationale.

Importations : Au canada, les seuls biens légaux entrant en contrebande dans le pays dans des volumes suffisants pour être dignes d‟intérêt sont le tabac, les boissons alcoolisées et la joaillerie. Des sources de données relatives aux produits de base fournissent des estimations des quantités en jeu. On établit, par exemple, des estimations des quantités d‟alcool de contrebande à partir des données communiquées par la Régie des alcools de l‟Ontario. Au canada, on suppose que le prix au marché noir équivaut à 60% du prix normal et le prix des importations varie entre 40% et 60% du prix au marché noir.

Exportations : Au canada, les entreprises ne sont guère, voire nullement incitées à dissimuler les biens exportés. Il n‟y a pas de droits sur les exportations. Les exportations canadiennes sont

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constituées pour 90% de véhicules et de pièces de détachées, de pétrole brut, gaz naturel, de bois de charpente, de pâte à papier, de papier, de minerais et alliages. Aucune de ces productions n‟est susceptible d‟être exportée et réglée «de main en main».

Construction résidentielle : Le rapport entre les ventes nationales de bois de charpente et de matériaux de construction et la valeur déclarée des constructions résidentielles réalisées donne, sur la durée, une indication générale de la croissance de la construction résidentielle non enregistrée. Néanmoins, toute hausse de ce ratio peut également être due à une contraction des marges bénéficiaires et/ou à une diminution des salaires, ou encore à une augmentation des transactions souterraines. La limite supérieure des activités souterraines est déterminée à partir de trois composants :

 Construction neuve. Les estimations concernant la construction neuve se fondent sur les mises en chantier, la valeur moyenne des permis de construire et les travaux effectués. Il est quasiment impossible de construire une maison sans permis. Les constructeurs ont tout intérêt à minimiser les valeurs en jeu, mais les autorités locales basent les impôts à payer sur les valeurs et, par conséquent, ne délivreront pas de permis si elles estiment que la valeur est peu élevée. Par conséquent, il n‟y a pas vraisemblablement sous-estimation que dans 15% des cas en moyenne, tout au plus, auxquels il faut ajouter 5 à 10% pour les travaux supplémentaires réalisés après la délivrance du permis. Pour obtenir les limites supérieures des logements saisonniers (c'est-à-dire qui ne sont utilisés que pendant les mois d‟été), on multiplie le nombre de permis délivrés par 5 et on ajoute 25% aux valeurs des permis signalés. Le nombre des permis délivrés pour la conversion de logements saisonniers en habitations à l‟année doit être multiplié par 2. Les conversions plus importantes doivent être déclarées, car elles passent difficilement inaperçues.

 Améliorations et modifications. La source de données des améliorations et modifications est l‟enquête sur les réparations et les rénovations effectuées par les propriétaires-occupants (au Canada). Les propriétaires-occupants n‟ont pas particulièrement intérêt à dissimuler les réparations et rénovations, car ils ne sont responsables du paiement des impôts sur le revenu qui en découlent. On suppose donc que ce sont 20% maximum du total des dépenses de matériel et de main-d‟œuvre qui sont déclarés. Il est impossible de vérifier si

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la limite supérieure est vraisemblable en estimant tout d‟abord le montant total des améliorations apportées au logement. Ces estimations sont basées sur les achats de matériaux réalisés par les propriétaires (en supposant que tous les achats sont faits dans la légalité) et sur les estimations des ratios de la composante en matériaux par rapport à la valeur totale des travaux. Puis, on soustrait la valeur estimée des travaux réalisés par les propriétaires eux-mêmes (reposant sur les données de l‟enquête sur l‟emploi du temps) pour aboutir à une estimation de la valeur des travaux sous-traités dans la cadre de l‟économie souterraine.

 Coûts de transfert. Les commissions immobilières sont calculées en appliquant des taux de commission moyens aux ventes déclarées. Les taux de commission moyens sont communiqués par l‟Association canadienne de l‟immobilier. On estime que la valeur des ventes n‟est pas sous-estimée, car les agents immobiliers préfèrent faire de la publicité plutôt que de cacher qu‟ils réussissent à conclure des ventes.

Les activités souterraines dans ce domaine sont de trois ordres :

achats de la main à la main, également qualifié de règlement en espèces ;

dissimulation de revenu : les entreprises omettent de déclarer une partie de leur revenu commercial légitime aux autorités fiscales ;

pourboires.

Les dépenses sont divisées en 140 catégories, qui sont regroupées par type de biens et de services et en fonction des possibilités de réaliser des transactions souterraines. Pour certains groupes de biens et services, il est quasiment impossible d‟effectuer des transactions souterraines. Les achats automobiles neufs en sont un parfait exemple. Les groupes de dépenses qui bénéficient d‟un traitement spécial sont le tabac, les boissons alcoolisées, les loyers, l‟hébergement et la pension, les services professionnels, les aliments, les soins aux enfants et les services domestiques et ménagers. Dans chacun de ces groupes, la valeur convenable maximale des achats de la main à la main, des dissimulations de revenus et des pourboires est estimée et comparée aux chiffres déjà inclus dans les estimations officielles du PIB.

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La sous-déclaration des recettes des entreprises (dissimulation) ne se traduit pas nécessairement par une sous-estimation du PIB. Dans le cas des ventes d‟entreprises à entreprises, l‟entreprise acquéreuse trouvera un moyen de répercuter les coûts d‟achat sur ses propres clients, qu‟il s‟agisse ou non d‟achats de la main à la main. Les prix du marché des biens et services vendus aux consommateurs finals tiennent donc automatiquement compte de toute dissimulation ayant eu lieu à un niveau intermédiaire. Ce raisonnement implique que seules les dissimulations concernant les ventes des entreprises aux ménages doivent être prises en compte.

Les travailleurs indépendants et les petites entreprises ont davantage d‟occasions de dissimuler leurs revenus que les grands groupes. Il est très peu probable que les entreprises de la grande distribution, employant des centaines ou des milliers de personnes, se livrent à une quelconque dissimulation, car le coup qui serait alors porté à leur réputation (si cette dissimulation venait à être découverte) dépasserait de loin les avantages qu‟elles pourraient en retirer. Par conséquent, les grandes entreprises se consacreront probablement davantage sur l‟évasion fiscale que sur la fraude fiscale et on peut supposer que la dissimulation concerne uniquement les petites entreprises. Le niveau de dissimulation est estimé pour cette catégorie : 25% des recettes brutes pour les services ; 15% pour les taxis et la plupart des commerces de détail ; 25% pour les exploitants de distributeurs automatiques, les spécialiste de la vente directe et des ateliers de réparations.

Aux dissimulations s‟ajoutent les ventes directes réalisées par des personnes non enregistrées comme entreprises. Elles sont également étudiées catégorie par catégorie. Dans le cas des produits alimentaires, par exemple, on augmente de 20% les ventes directes des agriculteurs déclarés par les départements de l‟agriculture des diverses provinces.

Les tableaux 3.4 et 3.5 indiquent, respectivement, les limites supérieures ainsi obtenues pour les dépenses personnelles omises des estimations publiées et pour les transactions souterraines omises du PIB en termes de dépenses.

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Tableau 3.4. Limite supérieure des transactions souterraines omise des dépenses personnelles (Cannada, 1992). Transaction souterraines en millions de dollars Estimations publiées en

millions de dollars Proportions %

Dissimulation des revenus par des entreprises 10 836

Tabac de contrebande 1 057

Spiritueux de contrebande 768

Vin illégal 515

Marges sur alcool illégal 565

Loyers, hébergement et pension 269

Pourboires 312

Services professionnels 208

Aliments 50

Services domestiques et ménagers 250

Sous-total 14 830 393 052 3.8

TPS et taxes de vente provinciales 0 26 483

Total 14 830 419 536 3.5

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Tableau 3.5. Limite supérieure des transactions souterraines omise du PIB en termes de dépenses (Cannada, 1992). Transaction souterraines en millions de dollars Estimations publiées en millions de dollars Proportions %

Dépenses personnelles en bien et services 14 830 419 536 3.5

Dépenses publiques en bien et services 0 148 377

Investissement des administrations 0 16 508

Investissement des entreprises en capital fixe 3 578 113 440 3.2

Construction résidentielle 3 578 43 992 8.1

Construction résidentielle neuve 1 883 20 934 9.0

Améliorations et modifications 1695 12153 13.9

Coûts de transfert 0 10 905

Construction non résidentielle 0 30 189

Machine et matériel 0 39 259

Investissement des entreprises en stocks -15 - 2 258 -0.6

Exportations 1 100 181 948 0.6 Marchandises 800 156 567 0.5 Invisibles 300 25 381 1.2 Moins : Importations 1 300 185 751 0.5 Marchandises 1 300 147 588 0.7 Invisibles 0 38 163 0

PIB aux prix du marché 14 830 688 541 2.7

101 3.1.2.2.2. Limite supérieure – Optique de la production.

Broeshuizen (1985) décrit l‟estimation de la limite supérieure de la production souterraine selon l‟optique de la production. Il désigne cette approche par le terme «analyse de sensibilité» dans son analyse du cas des Pays-Bas en 1985. Les points suivants donnent les grandes lignes de la procédure utilisée. Le PIB est divisé en six catégories, en fonction des méthodes d„estimation et/ou de la branche d‟activité d‟origine. Les catégories n‟ont pas toutes la même propension à la production souterraine.

1. Catégorie 1 : branches donnant lieu à des estimations par des méthodes indirectes. Habituellement une partie importante du PIB est calculée de manière indirecte, c‟est-a-dire sans faire appel aux déclarations des producteurs. Dans le cas des Pays-Bas, ce principe s‟applique à l‟agriculture, à la production et à l‟exploration de gaz naturel et de pétrole brut, au raffinage du pétrole et à l‟immobilier.

 La production de l‟agriculture est calculée en multipliant les volumes de production (mesurés par des observateurs indépendants) par les prix du marché connus.

 La valeur ajoutée brute de l‟industrie pétrolière aux Pays-Bas dépend presque entièrement des importations et des exportations de pétrole brut et de produits de charbon. Les données concernant ces importations et exportations sont extraites des déclarations en douanes. L‟étude décrit la situation telle qu‟elle apparaît en 1979. Depuis, les conditions ont changé puisqu‟il n‟y a plus de déclaration en douane pour les échanges internationaux.

 La production et l„exploration nationale de gaz et de pétrole brut sont si rigoureusement contrôlées par les pouvoirs publics que les activités dissimulées sont peu probables.

 La valeur ajoutée de l‟immobilier est presque intégralement calculée par des méthodes indirectes.

Selon les conclusions des cherches, les activités souterraines menées dans ces secteurs, qu‟elle que soit leur ampleur, n‟ont aucune incidence notable sur le PIB.

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2. Catégorie 2 : estimation concernant les administrations et les établissements publics.