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LES METHODES D’EVALUATION DE LA PRODUCTION ISSUE DES ACTIVITES SOUTERRAINES

1. Stupéfiants. Longtemps passé sous silence à cause de sensibilités religieuses et politiques, le phénomène des stupéfiants connait un développement très rapide dans notre

3.2.1.2.2. Problèmes de double comptabilisation

Le point précédent propose différentes méthodes pour établir des estimations explicites des activités illégales. Dans les comptes nationaux, on ne peut pas simplement additionner ces estimations aux données sur les activités légales dès lors qu‟on peut supposer qu‟une partie de la production illégale y est déjà incluse. Ce qui va suivre traite du problème de la double comptabilisation.

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En ce qui concerne la production et la valeur ajoutée des activités illégales, on peut distinguer plusieurs cas de double comptabilisation. Premièrement, les unités fournissant des biens et des services illégaux peuvent figurer dans le registre des entreprises. Par conséquent, une partie au moins de leur production sera couverte par les enquêtes auprès des entreprises. Ce cas de figure concerne notamment les activités qui se situent entre la légalité et l‟illégalité. A titre d‟exemple, on cite les entreprises qui fournissent des services de prostitution mais qui sont enregistrées en tant qu‟institut de massage, bain maure, service de location de chambres, café, studio cinématographique, etc.

Une autre raison pour laquelle les activités illégales peuvent être incluses dans les comptes nationaux, est que les unités qui perçoivent des revenus de ces activités veulent en légitimer au moins une partie. A cette fin, elles peuvent fournir des données à l‟office des statistiques ou à l‟administration fiscale, mais en imputant leur production et leurs revenus à d‟autres activités que celles qu‟elles exercent effectivement.

Il est également possible que les activités illégales soient partiellement incluses dans d‟autres sources de données, comme les enquêtes sur le budget des ménages et les statistiques fiscales. Par exemple, les sommes versées par des entreprises pour des services de prostitution et pour la corruption peuvent apparaître dans les comptes de l‟entreprise au poste «autres dépenses» en tant que consommation intermédiaire. Une telle surestimation de la consommation intermédiaire légale peut affecter le PIB de plusieurs manières, selon les modalités de rapprochement des ressources et des emplois lors de l‟établissement des comptes nationaux.

A partir d‟une estimation explicite d‟activités illégales, la seule façon d‟éviter de compter la production deux fois consiste à analyser minutieusement le contenu des données de base utilisées dans le processus normal d‟établissement des comptes nationaux et de recenser systématiquement les ajustements effectués au titre des activités illégales dans les trois optiques du PIB, en tenant compte des éventuelles différences que peuvent présenter leurs champs de couverture respectifs. Parmi les entreprises inscrites au registre des entreprises, il convient d‟identifier et d‟examiner celles qu‟on peut supposer les plus susceptibles à être impliquées dans des activités de production

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illégales. Celles dont on pense qu‟elles sont impliquées dans des activités de production illégales et pour lesquelles des estimations distinctes sont établies, doivent être exclues du processus normal d‟estimation par le biais d‟enquêtes. Cette approche vaut également pour d‟autres données de base. Bien qu‟une telle analyse soit susceptible de nécessiter d‟importantes ressources, elle semble constituer la seule approche permettant de déterminer si les activités illégales ont été incluses implicitement dans le PIB. De plus, les résultats de cette analyse peuvent fournir de précieux renseignements lors de l‟établissement des estimations de la production illégale.

Les dépenses engagées par des unités impliquées dans des activités illégales pour l‟acquisition d‟un bien légal posent un problème d‟un autre ordre en matière de double comptabilisation. Dans ce cas de figure, l‟utilisation de biens et de services légaux pour la production de produits illégaux peut soulever des problèmes particuliers. Par exemple, la consommation intermédiaire nécessaire à la production de services de prostitution est en partie prise en compte dans les comptes nationaux à l‟heure actuelle, en tant que consommation finale des ménages. Un autre exemple est l‟utilisation de matières premières et de produits semi-finis pour la production de drogues douces, comme l‟énergie, les lampes, les engrais, les semences et les systèmes de ventilation et de nutrition nécessaires à la culture de cannabis. Certaines de ces dépenses sont probablement incluses dans la consommation finale ou dans la formation brute de capital fixe des ménages ou enregistrées en tant que consommation intermédiaire de l‟horticulture.

Les problèmes posés par la double comptabilisation résultent de la tentative de rapprochement des ressources et des emplois, lorsque les données utilisées comme entrée du processus de rapprochement ne sont pas complètes, c‟est-à-dire quand les emplois de biens et de services légaux à des fins de production illégale sont exclus. Les écarts entre les ressources et les emplois qui en résultent seront enregistrés dans les «autres emplois». Ce problème est automatiquement résolu par l‟inclusion de données sur l‟économie dans son ensemble, c‟est-à-dire incluant la production illégale, dans le système des ressources et des emplois.

126 3.2.1.2.3. Conclusion.

Le SCN de 1993 recommande l‟inclusion des activités productives illégales dans le PIB, car elles génèrent des revenus qui sont réinvestis dans des activités légales. Afin de préserver l‟identité comptable entre le PIB en tant que somme des valeurs ajoutées et le PIB en tant que total des dépenses d‟utilisations finales, les activités tant légales qu‟illégales doivent être intégrées dans son calcul. La prise en compte des activités illégales est également nécessaire pour pouvoir comparer les situations entre pays. Toutes les activités illégales ne revêtent pas un caractère productif : ce qualificatif ne s‟applique qu‟à celles qui se traduisent par des échanges entre des vendeurs et des acheteurs consentants. En ce sens, l‟extorsion de fonds et la plupart des formes d‟escroquerie ne sont pas des activités productives. Elles se traduisent par des transferts forcés mais ne font pas augmenter le PIB. Le vol n‟est pas productif en soi, mais la revente par un receleur de biens volés est normalement prise en compte comme une activité productive. La production brute est alors assimilée à la marge bénéficiaire du receleur, c‟est-à-dire à la différence entre le prix auquel il acquiert les biens volés et celui auquel il les revend. Pour l‟heure, seuls quelques pays de l‟UE incluent des estimations explicites des activités illégales dans leurs statistiques de PIB, même si la plupart d‟entre eux procèdent à des estimations expérimentales depuis un ou deux ans. En revanche, de nombreux pays en transition réalisent maintenant des estimations régulières d‟activités illégales. En général, leur inclusion dans le PIB induit une augmentation de moins de 1 % de sa valeur. L‟Office statistique des Communautés européennes (Eurostat) demande avec insistance que soit rigoureusement appliquée la version européenne du SCN de 1993, ce qui signifie qu‟à terme, tous les États membres de l‟UE incluront les activités illégales dans leur PIB. Par ailleurs, la revente de véhicules volés est intégrée dans les comptes nationaux des pays d‟Europe centrale et orientale. Concernant la question du trafic de stupéfiants la méthode généralement utilisée consiste à estimer la consommation annuelle de chaque type de drogue, soit en exploitant des informations relatives aux quantités saisies par les autorités pondérées par un taux de saisies estimé, soit en se fondant sur des estimations du nombre d‟usagers de stupéfiants et de la consommation moyenne par personne.

Le tableau tiré de l‟article intitulé „Measuring the non-observed economy‟ élaboré par Derek Blades and David Robert (2002) dresse un bilan des values ajoutées générées des activités illégales en

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pourcentage du PIB dans quelques pays européens et montre ainsi l‟importance de ces activités souterraines.

Tableau 3.7. Valeur ajoutée d‟origine illégale dans certains pays en pourcentage du PIB

Pays Année Activité concernée %

Estonie 1998 Stupéfiants, prostitutions et marchandises de contrefaçon audiovisuelles 0.8

Lettonie 1998 Stupéfiants, prostitutions 0.97

Lituanie 1998 Stupéfiants, prostitutions et revente de biens volés (Véhicules) 0.5

Pologne 1998 Stupéfiants Prostitution

Contrebande et revente de biens volés

0.13 0.12 0.21 République

slovaque 1998 Stupéfiants, prostitution, contrebande et revente de biens volés 0.59

Royaume-Uni 1996 Stupéfiants Prostitution

Jeux d‟argent et revente de biens volés

0.5-1.1 0.2 0.2

Source : Inventory of National Practices in Estimating Hidden and Informal Activities for National Accounts, Nations Unies, Genève, 2002.