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I. La période coloniale : élaboration et transplantation de modèles et de normes sanitaires

1.4 Le processus politique et législatif

Les mesures autour de la procréation s'inscrivent également dans un processus politique et législatif de « démocratisation des soins de santé » (Rollet-Echalier 1990 : 470). Ce processus prend en considération les facteurs environnementaux au sens large qui ont été identifiés comme pouvant constituer des risques autour de la procréation. Ils se rapportent aux conditions socio-économiques et de travail des femmes. Ce processus se traduit d'une part, par de nombreuses avancées sociales à l'égard des enfants, des femmes et des familles. Ces mesures contribuent à

57 Les accouchements à domicile sont maintenus dans un premier temps en milieu rural.

58La puériculture qui se considère comme une « science » se veut « préventive, normative et doit être, avec l'aide des médecins, la tâche de la mère » (Thébaud 1986 : 118).

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protéger la procréation et favoriser ainsi la survie de l'enfant et de la mère. Il met également en place le dispositif sanitaire de prévention qui implique comme nous l'avons vu précédemment « une surveillance rapprochée » des femmes avec les consultations prénatales et postnatales (Cahen 2014 : 43).

a. Congés maternité et assurances sociales

Pendant la Troisième République, un cadre législatif se construit progressivement pour mettre en place les conditions favorables à la santé de la mère et de l'enfant. Bien que ces politiques poursuivent un objectif nationaliste, une vision humaniste et égalitaire guide également ces lois59. Il s'agit en effet de rétablir une certaine égalité

auprès d'une population qui souffre des conditions économiques et sociales de la première phase d'industrialisation (Rollet-Echalier 1990 : 108). C'est pourquoi les gouvernements établissent des lois de protection des enfants, des mères et des familles. Ainsi, dès l'instauration de la Troisième République des lois protégeant le petit enfant sont votées60. Puis, une législation protectrice de la maternité61 est

élaborée. La loi Engerand de 1909, marque un premier pas en établissant un congé de maternité non rémunéré d'une durée de huit semaines avant et après l'accouchement avec une garantie de retrouver son travail. La loi Strauss va plus loin en 1913 et accorde aux femmes enceintes qui travaillent62 un repos obligatoire

assorti d’une mesure d'assistance sous la forme d'une indemnité fixée par la loi63.

Puis, de 1928 à 1930, les lois sur les assurances sociales64 sont votées et

renforcent le système de protection sociale. En 1928, le congé maternité entre ainsi dans le cadre de la loi sur les assurances sociales et instaure le droit à la gratuité des soins médicaux et aux allocations de maternité pour les femmes qui travaillent65

(Battagliola 2008 : 46-47). De plus, les gouvernements successifs déploient des moyens budgétaires, d'abord faibles, puis qui augmentent au fur et à mesure.

59 Ces lois sont l'aboutissement d'une grande mobilisation de médecins et/ou réformateurs sociaux dont les plus connus sont Paul Strauss, Pierre Budin et Théophile Roussel (Cahen 2014 : 38).

60 Citons notamment, la loi Roussel en 1874 sur la protection des enfants du premier âge, la loi sur les enfants maltraités (1889), et celle sur les enfants assistés (1904).

61 A noter qu'à cette époque, des mesures de protection par rapport au travail des femmes sont évoquées. Elles concernent l'exposition aux substances toxiques. Certaines sont reconnues comme pouvant franchir le tissu placentaire et constituer un risque élevé de mortalité in utero (Rollet-Echalier 1990 : 163).

62 Cette loi concerne les femmes qui travaillent hors de leur domicile, les ouvrières et les domestiques. Les femmes qui travaillent à domicile sont ensuite comprises dans cette loi (Battagliola 2008 : 46).

63 Cette mesure a d'abord été appliquée en 1903 aux femmes qui travaillent dans la fonction publique. 64 Dont les allocations familiales qui sont versées aux familles pour favoriser la fécondité et permettre d'élever les enfants dans de meilleures conditions.

65 Toutes les familles assurées bénéficient d'une prise en charge forfaitaire de l'accouchement, la femme salariée reçoit une indemnité journalière équivalente à la moitié du salaire pendant 12 semaines et une allocation mensuelle d'allaitement. Les femmes fonctionnaires ont droit à un congé de maternité de deux mois à plein traitement (Thébaud 1986 : 22-23).

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b. Création du dispositif de santé maternelle et infantile

Ce processus politique de protection de la santé de la mère et de l'enfant s'accompagne de la mise en place d'une « pyramide de structures » où est défini et organisé un cadre d'action et de contrôle de la bonne application des mesures sanitaires66 (Rollet-Echalier 1990 : 279). Ce dispositif organisationnel comprend des

structures institutionnelles avec des professionnels de santé (médecins inspecteurs, infirmières visiteuses par exemple). Deux méthodes de PMI sont appliquées, d'abord celles des visites à domicile effectuées par les infirmières visiteuses, puis les consultations prénatales et postnatales (Rollet-Echalier 1990 : 317). En outre, la profession d'infirmière visiteuse est nouvelle et s'inspire du modèle des infirmières sociales aux Etats-Unis. Ces infirmières issues de la classe bourgeoise française ont pour mission de diffuser et d'éduquer les femmes de la « classe laborieuse » aux nouvelles pratiques domestiques et de puériculture (Horne 1998 : 32). Bien que la distance sociale soit importante, le fait d'être mères elles-mêmes permet à ces infirmières visiteuses de pénétrer plus facilement dans les foyers (Rollet-Echalier 1990 : 33).

Notons qu'en 1931, les centres de PMI sont créés par circulaire dans les départements. Ils comprennent un dispensaire de puériculture avec une consultation prénatale et une consultation du nourrisson. Le centre est dirigé par un médecin chef avec l'aide de sages-femmes et d'infirmières visiteuses.

En Afrique, « Sauvegarder la race »

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