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III. APPROCHE METHODOLOGIQUE ET SITE D’ETUDE

4.2 Les entretiens

Ma recherche s’est aussi appuyée sur la conduite d’entretiens auprès des femmes ayant une expérience récente, pour la plupart, de la procréation, parmi lesquelles des femmes séropositives au VIH. J’ai également interviewé des acteurs qui interviennent autour de la procréation. J’ai ainsi mené des entretiens auprès des accompagnantes, femmes plus âgées qui peuvent être de la famille (mères, grands- mères) mais aussi du voisinage, des matrones et des professionnels de santé intervenant dans le domaine de la procréation. Par ailleurs, au fur et à mesure que

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les thématiques se sont dégagées au cours de l’enquête de terrain (travail des femmes, risque toxique lié, question alimentaire, contestation du système de santé) j'ai diversifié les sources d'information. J’ai ainsi complété mon étude avec des entretiens auprès d’informateurs clés sur ces sujets.

Au début de l’enquête de terrain, je me suis appuyée sur mon réseau d’interconnaissances, construit au fil des années à Bobo-Dioulasso pour entrer en lien avec des femmes ayant accouché récemment ou avec une expérience de la maternité. J’ai repris contact avec quelques-unes des femmes qui avaient participé à l’étude que j’avais menée en 2013. Puis, en fonction des opportunités et des questionnements suscités sur le terrain, j’ai complété mon panel, notamment avec des femmes rencontrées dans le non loti et dans les structures sanitaires.

Il était nécessaire d’établir avec elles une relation de confiance sur laquelle ont reposé ensuite les entretiens. Il en a été de même avec les femmes séropositives au VIH que j’ai rencontrées par l’intermédiaire d’une association de PvVIH. Je suis venue régulièrement à l’association, j’ai passé des après-midis à échanger avec certaines femmes. Il s’est avéré que la plupart des femmes abordées avaient déjà une expérience de la PTME. Les consultations prénatales dans le CSPS ont été une occasion pour entrer en relation avec des femmes enceintes récemment dépistées séropositives au VIH et ne fréquentant pas les associations de PvVIH. Néanmoins, j’ai rencontré au CSPS peu de femmes séropositives par ce biais. J’ai conduit en milieu urbain des entretiens approfondis (soit uniques, soit répétés) auprès de 64 femmes âgées entre 19 ans et plus de 70 ans, dont les caractéristiques sociographiques sont présentées en annexe. Parmi elles, 34 femmes avaient une expérience récente de grossesse (de moins de 4 ans) dont 23 ont accouché durant l’enquête de terrain. Je me suis basée sur un guide d’entretien souple, ouvert et évolutif. J’ai recueilli auprès des femmes ayant une expérience récente de grossesse leur expérience autour de la maternité. J’ai également interviewé des femmes séropositives au VIH qui avaient une longue expérience et d’autres dont l’expérience était récente (la séropositivité ayant été découverte lors de la CPN). Puis j’ai dégagé certaines thématiques en lien avec la question des risques que j’ai approfondie de manière plus spécifique auprès d’elles et d’autres femmes (parmi les 64 citées mais aussi au cours d’échanges informels avec d’autres femmes). Les thématiques dégagées étaient les suivantes : conditions de vie, travail des femmes, pesticides, maltraitance et contestation du système de santé, risque VIH et expérience de la maladie. Ces entretiens ont été complétés avec de nombreux entretiens informels c’est-à-dire menés de manière spontanée selon les circonstances qui se présentaient. Ces entretiens ont été consignés dans mes carnets de terrain.

En milieu rural, j’ai mené 20 entretiens collectifs et individuels auprès des villageois, hommes et femmes qui se déclinent ainsi : 9 entretiens collectifs, 6 entretiens individuels avec des cultivatrices (dont deux se sont déroulés alors qu’elles étaient au champ) et 5 entretiens avec des cultivateurs dont l’un s’est déroulé dans un

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champ. Ces entretiens ont porté principalement sur le travail agricole et l’usage des pesticides.

J’ai complété mon recueil de données avec des entretiens auprès de 46 informateurs clés. Onze informateurs concernaient la thématique des pesticides au Burkina Faso : un journaliste, un metteur en scène de théâtre, 2 boutiquiers, 3 chercheurs qui travaillent respectivement sur les cultures maraîchères, le programme coton, les questions toxicologiques liées aux pesticides, 4 employés et responsables d’entreprises qui commercialisent des pesticides au Burkina Faso. 30 informateurs étaient en lien avec le domaine de la santé : 7 médecins et sages- femmes travaillant au ministère de la santé (4) ou en poste dans les instituts de recherche (3), 8 médecins spécialistes travaillant dans les structures sanitaires, un médecin de santé publique, 5 sages-femmes (dont deux cadres), 2 infirmiers, 2 accoucheuses, une stagiaire sage-femme, un représentant syndical, 3 leaders associatifs. 5 informateurs m’ont permis d’approfondir le contexte burkinabè : 2 experts de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), un cadre de la SOciété NAtionale de Gestion des Stocks de Sécurité alimentaire du Burkina Faso (SONAGESS), un chercheur du BUreau NAtional des SOLS (BUNASOLS), un inspecteur du travail et un statisticien du ministère de la justice.

Le corpus de données empiriques se caractérise par sa diversité qui comprend des observations détaillées (notes de terrain), des photos et des vidéos, un recueil d’articles de presse, des documents en lien avec la thématique. Il comprend des entretiens formels, c’est-à-dire qui ont été enregistrés, transcrits et traduits le cas échéant. Certains n’ont pas été enregistrés sur demande des personnes interviewées ou encore parce que le contexte ne s’y prêtait pas, en particulier les entretiens en extérieur ne sont pas toujours aisés (surtout quand il y a du vent). Il est aussi constitué d’entretiens informels qui ont fait l’objet d’une prise de notes exhaustive. Des entretiens ont été menées sous forme collective (ou ont pris la forme d’entretiens collectifs auxquels des femmes venaient spontanément prendre part) que je qualifierai de causerie, terme qui est généralement utilisé dans la région de Bobo-Dioulasso pour décrire des échanges entre plusieurs personnes. Cette dénomination paraissait moins formelle aux femmes et instaurait un climat d’échanges plus détendu. Lors des entretiens, j’étais accompagnée en ville par une femme témoin et en milieu rural par un ami, comme je l’ai décrit précédemment pages 39 et 47. Ces « facilitateurs » ont traduit les échanges quand les personnes parlaient dioula, et m’ont donné des clés de compréhension pour mieux saisir certains éléments de l’entretien ou des situations vécues sur le terrain.

Pour faciliter les rencontres, j’ai suivi des cours de langue dioula que je n’ai pas pu maintenir faute de temps. Néanmoins, les rudiments acquis m’ont facilité les relations et m’ont permis de suivre un peu mieux les échanges.

Les données ont été encodées et classées avec le logiciel Dedoose™ afin de dégager les thématiques principales que j’ai ensuite analysées manuellement.

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Réflexivité et difficultés sur le terrain

Une approche ethnographique nécessite d’exposer dans les méthodes les conditions d’énonciation, c’est-à-dire certains aspects du terrain rencontrés lors de l’enquête et qui ont influencé voire ont été déterminants dans la conduite de notre recherche. Il s’agit de la dimension réflexive. Cette démarche fait partie intégrante de la recherche dans la mesure où elle vient expliciter les conditions dans lesquelles s’est effectué le recueil de données empiriques. De plus, selon Bourdieu, la réflexivité consiste à « réfléchir sur les conditions pratiques et concrètes de

l’élaboration de [son] propre savoir » (Bourdieu 1988 : 12). J’aborderai deux

éléments contextuels importants avant de discuter de mon expérience de manière réflexive.