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Partie 2 - Etudes expérimentales, modélisation et simulations

2. Etude 1

2.4. Modélisation de la tâche d’alternance

2.4.2. Choix théoriques et processus implémentés

2.4.2.3. Processus et mécanismes métacognitifs et contrôlés

Des procédures sont implémentées dans le modèle afin de simuler l‟action de certains processus contrôlés sur le traitement. Pour de nombreux auteurs (par exemple, Gilbert et Shallice, 2002, Dreisbach et al., 2009), le traitement d‟une tâche d‟alternance requière l‟exécution de processus contrôlés. Certaines études ont modélisé des processus qui réagissent à la détection de conflit (Brown et al., 2007), aux changements de contraintes contextuelles (Brown et al., 2007), ou bien qui régulent directement le traitement à chaque essai (Juvina et al., 2007, Juvina et Taatgen, 2007). Dans le modèle de Brown et associés (2007) par exemple, des détecteurs de conflits sont chargés d‟informer le système sur la présence de conflit lors de la survenue d‟une alternance par exemple. En ce qui concerne les études ayant implémenté des mécanismes contrôlés dans l‟architecture ACT-R, différentes méthodes d‟implémentation ont été utilisées : des représentations spécialement dédiées au contrôle (Juvina et al., 2007, Juvina et Taatgen, 2007) ou des procédures de contrôle spécifiques (Lovett, 2005). Dans le modèle de Lovett (2005) par exemple, sont insérées des procédures d‟évaluation de la justesse du traitement en cours. Ces procédures vérifient si le traitement actuellement réalisé est en accord avec l‟instruction. Leur exécution n‟est pas automatique mais varie en fonction de leur valeur d‟« utilité » (voir chapitre 2).

Dans le modèle présenté, aucun mécanisme de détection de conflit n‟est implémenté mais en revanche, à la manière de Lovett (2005) des procédures spéciales ont pour rôle de simuler un processus contrôlé si elles sont exécutées. Elles sont décrites théoriquement dans cette partie avant d‟être plus explicitement reprises dans la description du modèle.

2.4.2.3.1. Inhibition du schéma précédent

Un premier processus contrôlé implémenté est le processus d‟inhibition du schéma interférant. Ce mécanisme réfère à la possibilité de supprimer de la MT le schéma activé lors de l‟essai précédent mais interférant pour l‟essai en cours.

Dans notre tâche, les intervalles de temps (RSI et CTI) sont relativement importants (une seconde chacun). De ce fait, en condition alternée, l‟interférence produite par le schéma précédemment activé peut décroitre suffisamment pour être désactivée (Meiran et al, 2000) ou bien des processus contrôlés peuvent accélérer cette diminution en inhibant le schéma interférant (Mayr et Keele, 2000). Afin de simuler, cette atténuation contrôlée de l‟interférence proactive, une procédure « d‟inhibition du schéma interférant » a été implémentée.

Dans le modèle, lors d‟une alternance, le schéma (inapproprié) de l‟essai antérieur est maintenu en MT et sa présence rend plus difficile la récupération du schéma pertinent. L‟action inhibitrice de la procédure « d‟inhibition du schéma interférant » est de supprimer ce schéma de la MT. Supprimé, le schéma n‟interfère plus dans le processus de récupération. En revanche selon son niveau d‟activation, il peut toujours être récupéré par erreur. Notons que l‟influence inhibitrice implémentée de cette procédure sur le schéma en MT, ne laisse aucune trace inhibitrice sur le schéma (perdurant dans le temps), contrairement à la théorie d‟inhibition proactive de Mayr et Keele (2000).

2.4.2.3.2. Ajustement du niveau de contrôle cognitif

Plusieurs mécanismes d‟ajustement du contrôle cognitif en fonction des contraintes de la tâche ont été implémentés dans le modèle. Ils réfèrent aux processus (ou procédures) stratégiques contrôlé(e)s pouvant être mis(es) en place afin de négocier au mieux les difficultés de la tâche. Dans la littérature, certaines recherches ont modélisé des mécanismes contrôlés qui régulent et contrôlent la cohérence du traitement réalisé : pour le «

N-back-task » (Juvina et Taatgen, 2007), le paradigme de Stroop (Juvina, Taatgen et Dickinson,

2007 ; Lovett, 2005) et la tâche d‟alternance (Meiran et al., 2008). Dans le travail de modélisation du paradigme du Stroop réalisé par Lovett (2005) par exemple, un mécanisme de contrôle est implémenté par l‟exécution de procédures de vérification de la cohérence du traitement réalisé à l‟égard des informations recueillies sur l‟essai réalisé. Ce mécanisme vérifie si le traitement effectué correspond bien à la tâche demandée (i.e. traiter le mot ou la couleur de l‟encre du mot). Dans le modèle CARIS de Meiran et associés (2008), un processus contrôlé de sélection de l‟input (input set) et un processus de sélection de l‟action (actions-set) sont implémentés. Leur rôle est de filtrer respectivement les informations visuelles et les actions devant être réalisées. Certains processus modélisés dans notre modèle sont grandement inspirés de cette dernière modélisation.

Dans notre modèle, de par l‟usage d‟un schéma de la tâche, un premier mécanisme contrôlé implémenté consiste en l‟encodage sélectif de la propriété pertinente du stimulus en MT (voir section précédente). Ce mécanisme de sélection de l‟information encodée en MT réduit l‟interférence produite par la présence de la propriété non pertinente du stimulus mais sans pour autant la supprimer totalement (voir section précédente). Deux mécanismes contrôlés supplémentaires ont été implémentés afin de simuler des comportements pouvant être mis en place pour diminuer autrement l‟interférence produite : la focalisation visuelle sur la propriété pertinente et la préparation des réponses potentielles.

Focalisation visuelle

Un mécanisme contrôlé supplémentaire basé sur une sélection visuelle de l‟information traitée est implémenté. Cette procédure dite de « focalisation visuelle » agit en aval du mécanisme d‟encodage de la propriété pertinente par focalisation attentionnelle, et donc seulement si un schéma de tâche est encodé en MT. Cette première procédure consiste à sélectionner visuellement l‟information pertinente devant être traitée afin « d‟empêcher » l‟influence ascendante (négative) de la propriété non pertinente. Par exemple, pour un essai « couleur », l‟individu peut focaliser sa vision sur le centre de la figure afin de ne pas percevoir sa forme et ainsi éviter l'interférence. Notons que cette « stratégie » a été rarement évoquée être pratiquée empiriquement. Cependant comme nous le verrons dans la suite de ce document, le modèle intègre ce mécanisme puisqu‟il est fréquemment utilisé en condition homogène (i.e. bloc d‟essais répétés).

Contrairement au mécanisme de « focalisation visuelle », la préparation anticipée de plusieurs réponses potentielles est un comportement empiriquement fréquent. Le choix de modéliser ce mécanisme a été encouragé par ces observations d‟une part et par sa validité théorique d‟autre part (par exemple, Meiran et al., 2008 ; Sohn et Anderson, 2001).

Dans le modèle, cette procédure de préparation anticipée des réponses (ou coactivation) est exécutée avant l‟apparition du stimulus et n‟est possible que si un schéma de tâche est déjà encodé en MT. La coactivation implémentée consiste en une pré-activation des deux réponses potentielles pour la tâche en cours pendant l‟intervalle de temps de préparation (CTI). Cette préparation permet d‟activer des chunk-réponse potentiellement pertinents afin qu‟ils soient plus actifs lors de l‟apparition du stimulus. Cela permet de diminuer la compétition entre les chunks provoquée par l‟interférence engendrée par l‟apparition de la propriété non pertinente du stimulus.

2.4.2.3.3. Inhibition d’une réponse erronée

Un mécanisme chargé d‟inhiber la vocalisation d‟une réponse erronée a été intégré dans le modèle. Plusieurs études ont implémenté des mécanismes équivalents de détection d‟une récupération erronée (Lovett, 2005 ; Juvina et Taatgen, 2009). Empiriquement, ce processus a été régulièrement observé : certains individus procédaient à une inhibition de leur réponse, en prévenant leur verbalisation44, afin d‟émettre ensuite une réponse correcte. Un tel mécanisme d‟inhibition de la réponse erronée (ou manquante) est intégré dans le modèle. Lors de la procédure de sélection de la réponse, une erreur de récupération peut survenir. Celle-ci peut être détectée théoriquement par les processus de surveillance de l‟activité cognitive (monitoring). Si tel est le cas, la réponse est tout d‟abord « inhibée » et ensuite, une nouvelle récupération est effectuée. Notons que cette nouvelle récupération est différente de la première dans le modèle : le processus de sélection est davantage focalisé sur la réponse pertinente grâce une spécification de la requête en MT (voir section « sélection de la réponse »). L‟implémentation de ce guidage plus efficient pour la seconde tentative de récupération repose sur le fait qu‟en situation nouvelle ou conflictuelle des processus

44 De nombreuses hésitations ont ainsi été constatées empiriquement. Une certaine partie d‟entre elles n‟étaient pas totalement inhibées et on été comptabilisées comme étant une erreur.

contrôlés sous-tendu par le SAS puissent intervenir (Norman et Shallice, 1980, 1986) afin d‟orienter le traitement et ainsi résoudre le conflit45

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