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Partie 1 - Le Vieillissement cognitif normal, attention et contrôle cognitif

1. Le contrôle cognitif

1.2. Fonctions et processus de contrôle exécutif et attentionnel

1.2.6. Le Contrôle attentionnel

Le contrôle attentionnel est une des fonctions fondamentales du contrôle exécutif. Il peut être défini comme référant aux différents mécanismes qui contrôlent et orientent l‟attention sur les informations pertinentes pour les buts en cours. Dans cette partie, après une brève description de ce concept, deux aspects différenciés du contrôle attentionnel sont exposés. Nous nous intéresserons aux processus contrôlés attentionnels dont l‟attention exécutive et la commutation du focus attentionnel sont deux exemples.

Généralités

Les modèles de MT d‟Engle (1999) ou de Norman et Shallice (1986) comportent une composante attentionnelle qu‟il est possible d‟identifier comme étant le contrôle attentionnel. Celui-ci est impliqué dans une grande partie des fonctions exécutives présentées précédemment (par ex, la flexibilité cognitive, l‟inhibition, la planification) et est donc une fonction majeure du contrôle cognitif. Il est engagé dans des situations complexes qui nécessitent la sélection et le contrôle des informations traitées. Plus précisément, le contrôle attentionnel comprend d‟une part les processus qui visent à sélectionner les stimulations externes traitées ultérieurement par le système, et d‟autre part, les mécanismes qui permettent d‟orienter les traitements cognitifs en accord avec les buts spécifiques de la tâche en cours. Engle et collaborateurs (Engle et al. 1999 ; Engle et Tuholsky, 1999) ont fortement ciblé leurs recherches sur la compréhension des mécanismes liés au contrôle attentionnel. Ils distinguent 7 différentes conditions dans lesquelles un contrôle attentionnel est nécessaire : (1) lorsque les buts et objectifs de la tâche courante doivent être activement maintenus en mémoire de travail, (2) quand des actions ou des réponses sont programmées, (3) quand différentes actions sont en compétition, afin de sélectionner l‟une ou l‟autre d‟entre elles et d‟éviter des erreurs, (4) quand, tout en faisant face aux distractions et interférences, il est nécessaire de maintenir certaines informations actives durant une courte période (5), lorsque l‟information non pertinente pour la tâche courante doit être supprimée, (6) lorsque le contrôle ou la correction des erreurs est coûteux ou, (7) quand il est nécessaire d‟effectuer une recherche stratégique contrôlée en mémoire.

Deux aspects du contrôle attentionnel

Le contrôle attentionnel comprend deux phénomènes distincts : la sélection contrôlée des stimuli de l‟environnement et le contrôle attentionnel des traitements cognitifs.

Intéressons nous dans un premier temps au premier phénomène, la sélection contrôlée. Elle survient principalement lorsque des stimuli non pertinents sont présents dans l‟environnement et que leur effet distracteurs est suffisamment saillant pour attirer l‟attention de l‟individu automatiquement par un phénomène de capture attentionnelle. La capture attentionnelle est donc ici à opposer à la dimension sélective du contrôle attentionnel dont le rôle est de sélectionner de manière contrôlée les informations pertinentes de l‟environnement, et ainsi éviter ce phénomène de capture. La capture attentionnelle est automatique et exogène. Elle est réalisée par un processus ascendant (bottom-up) tandis que la seconde, la sélection attentionnelle contrôlée est délibérée et endogène. Elle est opérée via un processus de contrôle descendant (top-down).

Le premier aspect du contrôle attentionnel impliqué dans la sélection des stimuli est capital. Le phénomène de capture lors de la survenue d‟évènements saillants est fondamental en tant que processus adaptatif, mais le fait de pouvoir y échapper l‟est également puisque cela évite d‟être distrait par des évènements n‟ayant pas ou peu d‟intérêt. Cette première dimension du contrôle attentionnel est à distinguer de la seconde conception qui porte sur la gestion et la régulation des ressources attentionnelles. Le premier modèle ayant porté un intérêt central sur cette seconde dimension du contrôle de l‟attention est le modèle de Norman et Shallice (1980). Comme il a été décrit antérieurement, ce modèle propose deux systèmes de contrôle en interaction : le Gestionnaire des Priorités de Déroulement (GPD) et le système attentionnel superviseur (SAS). Il suppose que dans des situations où les processus automatiques se heurtent à certaines difficultés, la possibilité existe de recourir à l‟un ou l‟autre de ces systèmes pour contrôler le bon déroulement de nos actions : le GPD pour sélectionner un schéma d‟action parmi d‟autres et le SAS pour planifier de nouvelles séquences d‟actions ou inhiber certains schémas automatisés, par exemple. Ce modèle souligne le caractère adaptatif du contrôle attentionnel et le fait que l‟intervention de processus contrôlés ou automatiques varie en fonction du degré de familiarité de la situation.

Mécanismes impliqués dans le contrôle attentionnel

L‟attention sélective et l‟attention exécutive

Un premier processus gère l‟orientation de l‟attention par un mécanisme de contrôle top-down qui permet d‟éviter la capture attentionnelle automatique6 des stimuli saillants non pertinents de l‟environnement. Ce processus réfère à l‟attention sélective endogène et intentionnelle

6 Mécanisme automatique relatif à l‟attention sélective exogène, dépendant des propriétés physiques de la stimulation et contrôlé par des processus attentionnels ascendants « bottom-up ».

souvent caractérisée comme un système de filtrage en fonction des buts poursuivis. Selon Hunt (2007), ce mécanisme utilise les attentes relatives aux caractéristiques perceptives de la cible, pour augmenter l'importance de certains canaux visuels par rapport à d'autres, et isoler la cible du reste de l'affichage. Un second mécanisme fortement associé au contrôle attentionnel est l‟attention exécutive7

. Selon Engle et Kane (2004), cette fonction et les processus qui y sont liés ont deux rôles majeurs bien distincts dans le contrôle cognitif : (1) maintenir actives et facilement accessibles les informations pertinentes pour la tâche en cours8 face à l‟interférence et (2) la résolution de conflit entre deux tâches ou deux réponses en compétition (ex: dénomination de la couleur du mot vs lecture du mot), si la réponse dominante est non pertinente.

La composante de maintien a un rôle important quand les tâches nécessitent de maintenir actives les informations pour la tâche en cours. Lors de tâche d‟alternance par exemple, en parallèle à la réalisation d‟une séquence relative à une première sous-tâche, il est important de maintenir suffisamment actives les représentations ou informations relatives à la seconde tâche non pertinente, afin de ne pas avoir à effectuer une récupération coûteuse en mémoire à long terme. Par exemple, dans le test de Rogers et Monsell (1995) (présenté précédemment), les sous-tâches alternent régulièrement et rapidement. Si les ressources attentionnelles sont suffisantes, les informations relatives à chaque sous-tâche peuvent demeurer suffisamment actives en MT pendant la réalisation de l‟autre sous-tâche et ainsi permettre d‟éviter de recourir à une récupération (coûteuse en temps) en MLT.

La seconde composante de l‟attention exécutive est la résolution de conflit. Des conflits apparaissent dans des situations d‟interférence quand des comportements habituels ou dominants entrent en concurrence avec les comportements pertinents relatifs au but de la tâche en cours (Engle et Kane, 2004). Par exemple, dans le test du Stroop, lors d‟un item incongruent (« rouge » écrit en bleu), la réponse liée au processus automatique de lecture du mot peut interférer avec la dénomination de la couleur de l‟encre. Dans ce genre de situation interférente, une compétition émerge entre les réponses automatiquement activées par l‟environnement, mais non pertinentes (« rouge »), et celles qui sont adéquates, mais qui nécessitent un recrutement attentionnel pour être sélectionnées (« bleu »). Cette composante de l‟attention exécutive permet alors de résoudre, à un niveau local, ce genre de compétition (Engle et al., 2004). Elle aboutit à la récupération de la réponse pertinente par le focus

7 Nous privilégierons dans cette section la description de l‟attention exécutive, cette composante est moins bien connue et présente un fort intérêt dans la suite du travail présenté.

attentionnel. Ainsi, dans cette conception, le contrôle attentionnel en condition de conflit (nouveau ou complexe) pourrait être perçu comme « le pouvoir décisionnaire » qui vise à s‟assurer que le traitement allant être exécuté est en accord avec les représentations et buts en cours.

Les deux composantes de l‟attention exécutive (maintien de l‟information et résolution de conflit) sous-tendent respectivement deux types de processus attentionnels : des processus attentionnels « soutenus », mis en jeu lors de situations dans lesquelles un maintien et un traitement contrôlés de l‟information sont nécessaires tout au long de la tâche, et des processus attentionnels « transitoires » qui interviennent dans des situations passagères, inattendues ou interférentes.

La commutation du focus attentionnel (en anglais, « focus switching »)

La commutation du focus attentionnel (CFA) est un mécanisme dont les implications dans le fonctionnement de la MT et dans les troubles cognitifs liés au vieillissement ont été récemment mises en évidence (Unsworth et Engle, 2008 ; Vaughan et al. 2008 ; Zhang et Verhaeghen, 2009 ; Verhaeghen et Basak, 2005 ; Verhaeghen et al., 2005).

Si l‟on se réfère au modèle de Cowan (1988), la CFA serait responsable du déplacement du focus attentionnel (FA) sur de nouveaux éléments quand trop d‟éléments sont présents en MT. La CFA étant limitée (Cowan, 1988 ; Oberauer, 2002), si la quantité d'informations devant être maintenues en mémoire de travail (MT) est inférieure à la capacité du FA, ces derniers sont alors tous accessibles et le temps mis pour y accéder est court (Vaughan et al., 2008 ; Zhang et Verhaeghen, 2009). En revanche, quand cette quantité excède la capacité limitée du FA, les informations en excès sont stockées à l'extérieur du FA dans un état plus accessible que ceux de la mémoire à long terme car maintenues dans des structures de stockage spécialisées (Baddeley, 1986 ; Baddeley et Hitch, 1974) ou conservant une activation résiduelle (par exemple, Anderson, 1983 ; Cowan, 1995). Dans le cas où un accès à ces éléments est nécessaire, une opération de récupération est réalisée. Cette opération temporellement coûteuse en comparaison à un accès direct au FA correspondrait au temps nécessaire au système pour faire commuter le FA vers ces informations (McElree, 2001). Le coût associé à cette opération (ou coût de commutation du FA) serait principalement dû au processus de récupération (Voigt and Hagendorf, 2002, cité par Vaughan et al., 2008). La CFA consisterait à déplacer le FA sur des éléments actifs situés à l‟extérieur du FA quand les informations devant être simultanément traitées sont trop nombreuses pour être maintenues suffisamment actives.