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Partie 2 - Etudes expérimentales, modélisation et simulations

2. Etude 1

2.4. Modélisation de la tâche d’alternance

2.4.1. Processus impliqués dans la résolution de la tâche d’alternance

2.4.1.1. Traitement des essais et effets contextuels

2.4.1.1.2. Dépendance sérielle des essais

La succession des différentes étapes se répète d‟un essai à l‟autre, tout au long de la tâche. Cependant, en fonction de l‟essai précédent (i.e. essai issu de la même tâche ou d‟une tâche différente), le traitement sera facilité ou non. Nous décrivons dans cette partie les conséquences liées à la dépendance sérielle des essais selon la condition expérimentale, répétée ou alternée.

Cas des essais répétés : le bénéfice de la répétition.

En condition répétée, la tâche réalisée à l‟essai précédent est la même tâche que celle devant être réalisée pour l‟essai actuel. Dans cette situation, le traitement de la tâche est facilité. Les buts relatifs de la tâche en cours sont les mêmes qu‟à l‟essai précédent. Ils sont par conséquent plus facilement accessibles car ils sont toujours actifs en MT (Altmann et Gray, 2008). Dès lors, il n‟est pas nécessaire, lors de ces essais, de récupérer en MLT les représentations de buts de la tâche dans la mesure où ce sont les mêmes procédures qui doivent être appliquées. De ce fait, un gain de temps serait apporté au traitement dans le cas des essais répétés en comparaison aux essais alternés, ce qui contribuerait à la réduction du coût de commutation local (Sohn et Anderson, 2001). Concernant la sélection de la réponse, la condition d‟essai répété tend à la rendre plus efficiente. Deux principaux facteurs influence la récupération de la réponse pertinente : la tendance à l‟autorépétition et l‟amorçage associatif. Ces deux facteurs amplifient encore l‟effet de facilitation dû à la répétition.

La tendance à l‟autorépétition

Lors de la recherche d‟une représentation en mémoire, les connaissances potentielles entrent en compétition. L‟efficience de la sélection est fonction de la résolution de la compétition entre les connaissances potentielles. Cette compétition est influencée par certaines de leurs caractéristiques : leur nombre (Ratcliff, 1978), l‟éventuelle prédominance de certaines d‟entre elles (Van Maanen, Van Rijn et Borst, 2009) et leur degré de similitude (Oberauer, 2002). Concernant l‟effet du nombre de réponses potentielles, un éventail restreint facilite la récupération (Anderson, 1983). Ce phénomène est expliqué par un niveau d‟activation des connaissances plus important en moyenne, en présence d‟un nombre réduit de réponses plutôt

qu‟en présence d‟un nombre important (Anderson et Lebiere, 1998). Plus précisément, en présence d‟un nombre réduit de connaissances potentielles, celles-ci sont plus probablement maintenues directement actives en MT. De plus, elles ont tendance à être plus fréquemment extraites, leur niveau d‟activation a donc tendance à moins décliner entre les récupérations. Un résultat soutenant cette théorie est l‟effet de répétition d‟une même réponse, c‟est-à-dire le fait qu‟entre deux essais conduisant à la même réponse, le second essai est plus rapide que le premier (voir par exemple, Sohn et Anderson, 2001).

Un autre résultat se rapprochant de ce phénomène est l‟asymétrie ou la dominance de certaines connaissances en MLT. Dans le test de Stroop par exemple (Stroop, 1935), une difficulté majeure du test est de dépasser la tendance à exécuter préférentiellement les processus de lecture automatique du mot, afin de dénommer la couleur de l‟encre, voir chapitre 1). Dans ce test, les représentations et mécanismes impliqués dans le processus de lecture dominent ceux de dénomination de la couleur, du fait de leur solide automatisation. Plus généralement, l‟accessibilité d‟une connaissance familière ou d‟utilisation fréquente ou récente (i.e. celle de l‟essai précédent) est plus importante comparée à une connaissance peu familière ou peu fréquente.

Un troisième facteur affectant le processus de sélection est le degré de similitude entre les représentations potentielles. Selon Oberauer (2005), un fort degré de similitude ou de recouvrement entre les connaissances pertinentes et non pertinentes diminue la probabilité de récupération des connaissances pertinentes. Oberauer (2005) postule que le fait que certaines unités d‟informations soit reliées à plusieurs connaissances en MT, rend plus difficile le processus de sélection de la représentation pertinente (processus nommé « overwritting », traduit comme référant au chevauchement ou au recouvrement des connaissances). Ce phénomène serait par ailleurs à l‟origine des phénomènes d‟interférence constatés entre connaissances en MT (Oberauer, 2005).

L‟amorçage associatif.

La tendance à l‟autorépétition influence inconsciemment le processus de sélection de la réponse. Un autre mécanisme y contribue également : l‟amorçage associatif. En présence d‟un faible nombre de stimuli et par conséquent d‟occurrences relativement fréquentes des mêmes propriétés pertinentes, les individus créent au fur et à mesure de la tâche des associations stimulus-réponse entre propriétés du stimulus et réponses correspondantes (Rogers et Monsell, 1995 ; Waszak et al., 2003). Une des conséquences de cet apprentissage associatif est que, lors de l‟apparition du stimulus, la propriété pertinente amorce l‟association

stimulus-réponse facilitant ainsi la récupération de la stimulus-réponse correspondante et augmentant l‟efficience de la sélection. De plus, pour les essais répétés, la probabilité d‟avoir activé récemment une association donnée est relativement importante, ce qui contribue à une plus grande efficience du traitement. La fréquence et la récence de la répétition contextuelle du stimulus facilite la sélection de la réponse et donc l‟efficience du traitement.

Ces mécanismes influencent inconsciemment le processus de sélection de la réponse et tendent à expliquer (au moins en partie) le fait que de meilleures performances soient observées aux essais répétés en condition homogène comparées aux performances aux essais répétés en condition hétérogène, ces dernières étant elles-mêmes meilleures que celles obtenues lors des essais alternés en condition hétérogène (Sohn et Anderson, 2001). Pour certains auteurs, ces mécanismes « automatiques » seraient responsables des coûts d‟alternance observés et constitueraient le bénéfice de répétition (Sohn et Anderson, 2001).

Cas des essais alternés : conséquences des changements de contraintes contextuelles

La tendance à l‟autorépétition décrite précédemment facilite le traitement des essais répétés. En revanche concernant les essais alternés (i.e. pour lesquels la tâche est différente d'un essai à l'autre), son effet est inversé et négatif sur le traitement. Lors de ces essais, les contraintes contextuelles sont modifiées et par conséquent les représentations telles que les buts de la tâche doivent être modifiées. Cependant, comme pour les essais répétés, les contraintes de la tâche précédente (buts, procédures, processus et connaissances) sont plus actives en MT que celles de la tâche en cours (toutes choses égales par ailleurs) alors qu‟elles ne sont plus pertinentes. La tendance à l‟autorépétition aspire d‟une part à reproduire les procédures et processus de l‟essai précédent et d‟autre part, à récupérer les connaissances et réponses inappropriées associées à la tâche interférente, aux dépens des connaissances pertinentes pour l‟essai en cours. Ces conséquences sont exposées dans cette section.

Compétition entre schémas : l‟interférence proactive

Lors d‟un essai alterné (et particulièrement quand les séquences d‟une même sous-tâche sont longues), les représentations les plus récemment activées, et donc probablement les plus actives, sont non pertinentes. Elles sont donc susceptibles d‟interférer dans le traitement. Par exemple, les buts de la tâche précédente peuvent interagir lors de la récupération des buts de la tâche actuelle (Sohn et Anderson 2001). Ce phénomène est connu sous l‟appellation d‟interférence proactive (Allport et al., 1994, Wylie et Allport, 2000). Selon la théorie «

Task-Set-Inertia » (TSI ; Allport et al., 1994), lors d‟un essai alterné, le schéma de tâche encodé à l‟essai précédent est maintenu dans un état potentiellement actif en MT pour l‟essai suivant, ce qui tend à amorcer automatiquement le même traitement. Lors de l‟étape de recherche d‟une représentation de l‟indice, alors que l‟information relative à l‟indice encodée en MT diffuse de l‟activation aux connaissances associées en MLT, la présence du schéma interférant (i.e. son inertie) gêne la récupération du schéma pertinent. Dans ces conditions, la récupération du schéma pertinent (Meiran, 1996) est moins efficiente d‟où d‟éventuels échecs d‟activation (de Jong, 2000). Pour certains auteurs, cette interférence serait en partie responsable des coûts de commutation observés (Allport et al., 1994 ; de Jong, 2000).

Compétition entre représentations

Lors de l‟étape de sélection de la réponse, les différentes réponses entrent en compétition. La résolution de cette compétition est fonction du contenu de la MT et des processus ascendants (Oberauer, 2007, voir partie sélection de la réponse). En condition alternée, non seulement les connaissances relatives à la tâche concurrente sont vraisemblablement plus actives (ayant probablement été activées plus récemment) mais les connaissances pertinentes ont également été moins récemment activées, et donc leur niveau d‟activation a davantage eu le temps de décliner. Par conséquent, lors des essais alternés, les connaissances ou représentations de la tâche concurrente gênent plus le processus de décision (Sohn et Anderson, 2001). Cette accentuation de la compétition a pour conséquence de diminuer l‟efficience de la sélection de la réponse. Notons cependant, que cet accroissement de la compétition n‟est pas comparable à celui provoqué par l‟interférence proactive (présenté précédemment), celle-ci étant produite par l‟inertie du schéma non pertinent présent en MT.

Les processus ascendants influencent également les essais alternés, comparés aux essais répétés, étant donné que les associations stimulus-réponse et les réponses appropriées, extraites moins récemment, sont vraisemblablement moins actives. Elles sont donc moins facilement accessibles qu‟en condition répétée (Sohn et Anderson, 2001). Le phénomène d‟amorçage associatif affecte également indirectement le processus décisionnel : si le stimulus présente des caractéristiques ou des propriétés pouvant amorcer les représentations de la tâche concurrente (e.g. association stimulus-réponse interférente), celles-ci auront tendance à interférer dans le processus de sélection (Waszak et al., 2003 ; Wylie et Allport, 2000 ; voir ce chapitre, l‟effet de bivalence).

La tendance à l‟autorépétition et l‟amorçage associatif des propriétés des stimuli influencent positivement la probabilité de réussite de la récupération des connaissances pertinentes pour

la tâche en cours lors d‟essais répétés, mais de manière moindre voire négative lors d‟essais alternés. Certains auteurs (Sohn et Anderson, 2001) supposent que ces mécanismes sont à l‟origine des coûts d‟alternance observés entre essais alternés et répétés.

Notons néanmoins que les observations et interprétations reportées ici sont à prendre avec précaution de par les caractéristiques de la tâche utilisée. Les séquences sont courtes et l‟alternance fréquente. La différence de niveau d‟activation entre les représentations de chacune des tâches est donc relative, contrairement à des tâches dans lesquelles les séquences sont relativement longues (voir par exemple, Altmann et Gray, 2008).