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Partie 1 - Le Vieillissement cognitif normal, attention et contrôle cognitif

1. Le contrôle cognitif

1.2. Fonctions et processus de contrôle exécutif et attentionnel

1.2.5. La fonction d’inhibition

L‟inhibition cognitive est une fonction de contrôle cognitif importante dans le fonctionnement exécutif. Dans la littérature, un déficit des mécanismes inhibiteurs a classiquement été associé à des lésions frontales (Shallice, 1988) qui se traduisent par des difficultés à inhiber des routines d‟actions automatiques (Luria, 1978). Cependant d‟autres recherches issues de la neuroimagerie (Collette et Van der Linden, 2002) indiquent que d‟autres régions cérébrales seraient également impliquées, suggérant ainsi l‟implication d‟autres fonctions cérébrales. La fonction d‟inhibition ne présente pas de définition consensuelle entre les chercheurs, certainement en raison de l‟importante diversité des contextes dans lesquels l‟inhibition est étudiée. La littérature dans ce domaine s‟accorde néanmoins sur le fait que l‟inhibition renvoie à des concepts et mécanismes différents en fonction des situations rencontrées (Friedman et Miyake, 2004 ; Hasher et Zacks, 1998). Par exemple, Nigg (2000) propose une première taxonomie des processus inhibiteurs, les classifiant en quatre types d‟inhibition contrôlée : (1) le contrôle de l‟interférence, correspondant à la suppression de l‟interférence provoquée par la compétition entre ressources cognitives ou stimuli, (2) l‟inhibition cognitive, référant à la suppression des informations non pertinentes de la mémoire de travail, (3) l‟inhibition comportementale référant à la suppression de réponse motrice fortement automatisée par le contrôle intentionnel de cette réponse lors de changements contextuels, (4) l‟inhibition oculomotrice, référant à l‟inhibition de réponse oculomotrices reflexes5

. Nigg souligne également l‟existence de formes automatiques de processus inhibiteurs attentionnels dans le contexte de l‟orientation attentionnelle (inhibition de retour) classiquement étudiés avec le paradigme de Posner.

Dans la même optique, une seconde classification de référence des fonctions de l‟inhibition est celle de Hasher, Zacks et May (1999). Ces auteurs distinguent trois fonctions principales des processus inhibiteurs sur le contenu de la mémoire de travail: (1) le contrôle de l‟accès d‟informations non pertinentes (activées automatiquement) en MT par un blocage à l‟entrée de la MT, (2) l‟inhibition d'informations activées en MT non pertinentes et (3) l‟inhibition de réponses fortement automatiques non pertinentes pour la tâche en cours en empêchant celle-ci de s‟exprimer. Les processus inhibiteurs permettraient ainsi de contrôler le flux d‟information entrant (1) et présent (2) en MT (Head, Kennedy., Rodrigue & Raz, 2009).

La fonction d’inhibition d’accès des informations

Suite aux processus initiaux d‟activation des représentations (présumés automatiques), la fonction d‟inhibition liée au contrôle de l‟accès des informations détermine quelle représentation entrera dans le focus attentionnel (ou dans la zone d‟accès direct, si l„on se réfère au modèle d‟Oberauer, 2002) en fonction des buts poursuivis. Le rôle des mécanismes inhibiteurs (également impliqués dans l‟attention sélective) est de filtrer l‟accès des informations perturbatrices en MT et ainsi favoriser la sélection des informations pertinentes. Selon Hasher et collaborateurs (2007), quand cette fonction est efficiente, toutes les représentations non pertinentes sont supprimées et le contenu de la conscience reste étroitement lié aux buts. Un exemple probant pour ces auteurs est l‟effet d‟aveuglement attentionnel (traduit de « attentional blink ») lorsque des items présents dans l‟environnement ne sont pas précisément perçus (Mack et Rock 1998, issu de Hasher et al., 2007). Le maintien des informations non pertinentes hors de la MT évite que ces informations interfèrent avec les traitements postérieurs dont en particulier la récupération de connaissances en mémoire à long terme.

La fonction de suppression des informations

La fonction d‟inhibition est également chargée de la suppression des informations activées en MT quand elles ne sont plus pertinentes. En effet, des informations non pertinentes peuvent être activées dans un premier temps à cause d‟un échec de la fonction d‟accès (causé par une perte de contrôle ou par la non correspondance entre les buts de l‟individu et ceux fixés par la situation ou l‟expérimentateur) ou du fait de la structure d‟activation en MLT qui n‟est pas pertinente dans le contexte actuel. Cette fonction est alors cruciale pour que les représentations non pertinentes soient écartées du focus attentionnel et que les traitements à effectuer soient basés sur des représentations pertinentes pour les buts en cours. Cette fonction est également censée déplacer les informations qui ne sont plus pertinentes hors de la zone d‟accès direct, suite à un changement de contexte ou de demandes situationnelles (Hasher et al., 2007).

L’inhibition Restrictive (en anglais, « Restraint »)

L‟inhibition restrictive réfère aux mécanismes inhibiteurs qui évitent aux réponses dominantes d‟être produites (Hasher et al., 2007). Selon Miyake (2000), ce processus est le plus largement étudié et c‟est généralement celui auquel les chercheurs réfèrent quand ils évoquent l‟inhibition. La restriction a été étudiée au travers de multiples paradigmes tels que

le test de Stroop (et ses dérivés), les tests d‟inhibition de retour (paradigme de Posner), et les tâches de type stop-signal (par exemple le test « go – no-go).

Les taxonomies de mécanismes inhibiteurs d‟Hasher et associés (Hasher et al., 1999, Hasher et Zacks, 2007) et Nigg (2000) apportent une représentation relativement globale et simplifiée de la variété des processus inhibiteurs pouvant intervenir dans le contrôle des comportements et des informations traitées. Elles indiquent également que l‟inhibition n‟est pas un construit unitaire (Nigg, 2000) et que des processus distincts sont à différencier. Dans la présente étude, nous nous concentrerons plus spécifiquement sur les mécanismes inhibiteurs impliqués dans le contrôle de l‟activité cognitive en situation d‟interférence comme dans le test de Hayling, le test Stroop ou les tâches d‟amorçage négatif.

Un premier exemple de paradigme illustrant le recours à des mécanismes inhibiteurs est le test de Hayling (Burgess et Shallice, 1996). Il se compose d‟une série de phrases dans lesquelles manque le dernier terme (par exemple : « quand on a mal aux dents on va chez le … »). Le test comporte deux parties distinctes : dans la première condition dite d‟initiation, le sujet doit compléter les phrases par le mot spécifiquement approprié, dans la seconde condition dite d‟inhibition, le sujet doit fournir un mot n‟ayant aucune relation de sens avec la phrase. Dans cette seconde condition, le sujet doit délibérément supprimer la réponse automatique. Burgess et Shallice (1996) montrent que dans la seconde condition, les patients frontaux présentent des latences plus longues et des erreurs plus fréquentes que les sujets contrôle. Les auteurs interprètent leurs performances comme reflétant une atteinte du SAS, perturbant les capacités de mise en œuvre de stratégies de réponse et de suppression de réponses sur-apprises.

Un paradigme couramment utilisé pour mesurer les capacités inhibitrices des individus est le test Stroop (Stroop, 1935). Il comprend généralement trois conditions : une condition neutre de dénomination de couleurs dans laquelle une série de caractères imprimés à l‟encre colorée est présentée (par exemple, XXX en bleu), une condition congruente dans laquelle la signification du mot et la couleur de l‟encre concordent (par exemple, le mot ROUGE écrit en rouge) et une condition incongruente dans laquelle la signification du mot et la couleur avec laquelle il est imprimé diffèrent (par exemple, le mot ROUGE écrit en bleu). Pour chaque mot présenté, il est demandé au sujet de dénommer la couleur de l‟encre avec laquelle il est écrit. Une augmentation des temps de réponse est classiquement observée entre la condition neutre et la condition incongruente. Cet effet, appelé effet d‟interférence, est expliqué par l‟activation automatique du schéma de lecture de mots durant la phase de dénomination de la

couleur de l‟encre. L'interférence est occasionnée du fait qu'une réponse incorrecte est déclenchée par le stimulus distractif (le mot), cette réponse interfère alors avec la réponse correcte déclenchée par le stimulus cible (la couleur de l‟encre). Le rôle des mécanismes inhibiteurs consiste dans ce test à empêcher l‟expression de la tendance dominante de lecture. Ce test mesure en particulier la capacité de résistance à l‟interférence produite par des réponses automatique dominantes (composante 1 de Nigg, 2000 et composante 3 de Hasher). Certains paradigmes ont également démontré l‟action des processus inhibiteurs sur les représentations inhibées, l‟effet d‟amorçage négatif en est l‟exemple le plus célèbre. Cet effet réfère au ralentissement du temps d‟identification d‟un stimulus cible précédemment ignoré. Prenons pour illustrer cet effet le paradigme de Stroop précédemment présenté. Dans certaines versions de ce paradigme, les stimuli successifs sont ordonnés de sorte que le nom de couleur écrit pour former le premier stimulus (« BLEU » écrit en vert) soit utilisé comme couleur d‟encre pour écrire le nom de couleur suivant (« ROUGE » écrit en bleu). De nombreux travaux ont montré qu'un temps supplémentaire est nécessaire pour dénommer la couleur de l‟encre du mot si celle-ci correspond au mot venant d‟être ignoré (Fox, 1995). Une explication satisfaisante de ce phénomène est qu‟un mécanisme d'inhibition serait affecté au distracteur lors de l'essai précédent, ce distracteur gênerait alors la dénomination de la couleur de l‟encre du stimulus. Ce phénomène est appelé l‟interférence proactive (en anglais, « backward inhibition »).

Les fonctions d‟inhibition sont également impliquées dans des tâches évaluant d‟autres fonctions exécutives comme la flexibilité cognitive. Dans le test de classement de cartes de Wisconsin (WCST, Wisconsin Card Sorting Test, de Milner, 1963), le sujet doit classer des cartes selon différents critères que sont la couleur, la forme ou le nombre des stimuli présents sur chaque carte. Le sujet doit découvrir un critère de changement puis en changer en fonction des indications données par l‟expérimentateur. La réalisation de cette tâche nécessite d‟inhiber la règle de classement antérieur dominante et d‟initier un nouveau schéma de réponse adapté. Les processus inhibiteurs sont aussi impliqués dans le paradigme de la tâche de commutation attentionnelle par exemple, quand il est nécessaire d‟inhiber le schéma précédemment exécuté et dominant, pour faciliter l‟activation du schéma pertinent de la tâche en cours.