• Aucun résultat trouvé

Partie 1: Les XVIIe et XVIIIe provinces de Haute Egypte

B. Les territoires cynopolites dans les inscriptions géographiques des temples

2. Les processions de pehou

2.1. Description générale

C1: Dendara IX, 211,1-6 (Fin de l'époque ptolémaïque)

Le territoire riverain, le pehou, correspond, on l'a vu, à l'une des quatre subdivisions du nome dans les processions quadripartites. Comme pour les provinces, il existe des processions constituées uniquement de pehou418. La plus ancienne, qui date de la XVIIIe dynastie, décore l'assise inférieure du mur nord de la chapelle d'Hatshepsout. Elle complète la décoration du premier registre de la chapelle rouge composée, pour l'essentiel, d'une double procession de provinces du nord et du sud, elle aussi la première du genre419.

Le nom des pehou est inscrit sur la tête de personnages masculins ventripotents qui défilent dans un ordre dont on peine à cerner la logique. Les pehou de Haute et de Basse Egypte sont mélangés. De plus, leur nombre est bien inférieur à celui des provinces. En revanche, la plupart des noms correspond à ceux enregistrés par les listes ptolémaïques, dont le pehou de la XVIIIe province qui se nomme BaH420.

Généralement copiés sur des parois de temples, comme à Abydos421, les processions de pehou peuvent aussi décorer des sarcophages. Le spécimen publié il y a quarante ans par P. Barguet comportait une liste complète des pehou d'Egypte peinte sur ses bords intérieurs. Comme dans la procession d'Hatshepsout, les noms correspondent généralement à ceux des listes tardives. Plus récemment, un fragment de sarcophage du même type, conservé à Würzburg, a été publié par H. Beinlich422. D'origine probablement thébaine, le fragment montre un cortège d'entités géographiques coiffées du signe sepat dans lequel est fichée l'enseigne du nome qu'elles personnifient. Chaque personnification présente, sur un plateau décoré de signes ankh, un sceptre ouas encadré d'une aiguière. Le nom du pehou de chacune des provinces est

418 P. Barguet, "Une liste des pehou d'Egypte sur un sarcophage du Musée du Louvre", Kêmi 16 (1962), pp. 7-20 est le premier à proposer une liste des sources ainsi qu'un tableau synoptique des différentes dénominations de pehou.

419 P. Lacau et H. Chevrier, Une chapelle d'Hatshepsout à Karnak I, SAE, Le Caire 1977, p. 69, pp. 89-91.

420 P. Lacau et H. Chevrier, op. cit., p. 89 affirment l'inverse. Ils se basent apparemment sur le tableau synoptique établi par P. Barguet (= A) lequel omet la plupart des noms de pehou de la procession d'Hatshepsout.

421 Temple de Séthi Ier, Mariette, Abydos I, pl. 14 = DGI I, 92; Temple de Ramsès II, Mariette, Abydos II, pl. 6.

422 H. Beinlich, "Fragmente dreier geographischer Listen, 1: Ein Sargfragment mit Pehu-Liste in Würzburg", ZÄS 115 (1988), pp. 96-102.

inscrit dans une case peinte en-dessous du personnage agenouillé. Des filets d'eau décorent la partie inférieure du fragment qui remonte, selon H. Beinlich, à la XXVe dynastie423.

On retrouve des cortèges de pehou dans les temples d'Edfou et de Dendara. Comme c'est souvent le cas, les légendes qui y accompagnent les génies de fécondité sont plus détaillées que dans les compositions pré-ptolémaïques. En fait, les textes nomment non seulement le pehou, mais également le territoire riverain (le ou), le canal et sa crue, dans un ordre inverse à celui des processions quadripartites classiques.

La procession de pehou de Dendara, qui date de la fin de l'époque ptolémaïque, est disposée dans deux salles424. Les représentants de la Haute Egypte défilent dans le vestibule C' - lieu de dépôt des aliments servant au culte journalier -, ceux de Basse Egypte dans le vestibule E', point de passage vers le puits425. L'emplacement de ces deux défilés, celui de Haute Egypte dans la moitié orientale, celui de Basse Egypte dans la moitié occidentale du temple, est conforme à la distribution géographique habituelle. Les désignations géographiques pour la Haute Egypte sont celles que l'on rencontre dans les processions quadripartites classiques. Je relèverai trois exceptions: les pehou des VIIe et XIVe qui empruntent leurs noms à un nome voisin426 et les désignations du XVIIe qui sont en partie sans parallèles.

A Edfou, la procession de pehou, gravée sous Ptolémée VI Philométor, occupe les soubassements du vestibule du trésor. Les territoires riverains de Haute Egypte défilent sur les parois sud (Ier, IIe) et est (IIIe-VIe), les territoires riverains du nord sur les parois ouest (Ier) et nord (IIe-VIe)427. Seules les six premières provinces de chaque série sont représentées. On remarquera, en outre, que les données géographiques des IVe et Ve provinces du nord, dont les pehou portent le même nom, sont condensées en un seul tableau428. Ici aussi les désignations correspondent à celles des processions quadripartites.

423 La datation se base sur deux critères: l'absence du faucon sur le dos de l'oryx, emblème du XVIe et la présence de deux figures féminines parmi les personnifications de nomes.

424 La procession de Haute Egypte couvre les trois parois du vestibules C'. Sur la paroi ouest: I-IIe, sur la paroi nord: IIIe-XIIIe, sur la paroi sud: XIVe-XXIIe: D. IX, 209-212. La procession de Basse Egypte est répartie dans la chambre E': D. XI, 70-73 et 86-91, pl. 43-46, 55-57, 67-68.

425 S. Cauville, Dendara, guide, pp. 41-42.

426 Le pehou du VIIe correspond au VIIIe, le pehou du XIVe au XIIIe.

427 E. II, 172-174, pour les pehou du sud, E. II, 181-182, pour les pehou du nord, pl. XLIIc.

428 La notice du pehou Km-wr, commune au deux nomes, a une structure particulière: la formule "il t'apporte..."

qui introduit les toponymes est répétée deux fois et la glose religieuse qui se trouve normalement en fin de notice est omise, cf. E. II, 174, 6-9.

2.2. Géographie et production des territoires cynopolites

Le défilé de Dendara est le seul à évoquer les XVIIe et XVIIIe provinces. C'est fort dommage car la notice du XVIIe pose problème. Des noms qu'elle cite, seul Behedet se retrouve ailleurs. Le nom du territoire agricole, Iwyr (?) ainsi que le nom du canal, ¦S, sont en effet des désignations originales qui ne sont évoquées ni dans les processions de temples, ni dans les listes sur papyri. Behedet en tant que nom de pehou apparaît dans deux documents: la grande procession géographique d'Edfou et le fragment 12 du P.Tanis. Or, comme on l'a vu, les données de ces deux listes se rapportent à Het-nesout, qui n'est pas localisée dans le XVIIe, mais dans le XVIIIe. Faut-il dès lors considérer que les noms géographiques qui apparaissent dans la légende du pehou Behedet sont tous reliés aux territoires traditionnels du XVIIIe?

C'est fort probable, mais quoi qu'il en soit ils ne correspondent pas plus aux désignations traditionnelles du XVIIIe que du XVIIe.

C'est dans la notice du pehou Bâh qu'il faut chercher les noms transmis par la grande liste d'Edfou, par les processions quadripartites ainsi que par les listes sur papyri. Une fois de plus, la tradition à laquelle vont puiser les prêtres pour rédiger la notice du XVIIIe témoigne d'une très grande homogénéité.

Parmi les produits apportés à Hathor, nous retiendrons, pour le pehou Behedet, le pain d'offrande senou, un terme qui désigne également les offrandes redistribuées aux divinités secondaires après avoir été présentées au dieu principal. Quant au pehou Bâh, il fait don – si notre interprétation est correcte - , de son offrande menou, un terme très général qui désigne l'ensemble des offrandes apportées quotidiennement au dieu par le roi. Le territoire agricole Iouyr (?) fournit du pain feqa -, Ta-ima des offrandes. Les canaux, enfin, apportent des crues, une crue tempêtueuse pour le canal Tesch et la crue des territoires agricoles pour le canal Teni. Les notices de la procession de Dendara, contrairement à celles d'Edfou, ne se concluent pas sur une glose religieuse.