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Partie 1: Les XVIIe et XVIIIe provinces de Haute Egypte

A. Introduction générale

1. Les enseignes

1.1. Le chien noir

L'enseigne du XVIIe nome est depuis l'Ancien Empire celle d'un canidé noir étendu sur un pavois avec, parfois, une plume d'autruche fichée dans le dos66. Contrairement à l'enseigne du XVIIIe nome dont l'iconographie subit un changement à l'époque ramesside, celle du XVIIe nome reste inchangée jusqu'aux époques tardives (voir notre annexe 3)67. La représentation de l'animal couché sur son pavois correspond parfaitement à celle d'Anubis thériomorphe: un canidé svelte au museau pointu et aux oreilles dressées muni d'une longue queue tombante.

Nous remarquerons également, pour le canidé de la triade de Mykérinos, des yeux allongés et peut-être fardés, qui font penser à des yeux humains. Cette caractéristique se retrouve dans la statuaire d'Anubis, comme dans ses représentations tombales, dès l'Ancien Empire68.

Etant donné la similitude parfaite entre les deux images, l'emblème a d'abord été lu Inpw69. Plus tard, H. Kees70 proposa une lecture féminine Inpwt, lecture qui fut reprise par J.

Vandier71, sur la base de deux inscriptions, l'une de la XIIIe72, l'autre de la XVIIe dynastie73,

66 Voir, par exemple, la triade de Mykérinos avec le nome cynopolite, conservée au Caire, G.A. Reisner, Mykerinus, The Temples of the Third Pyramid at Giza, Harvard University Press, Cambridge 1931, pl. 38 (=

notre annexe 3A). Pour J.-P. Corteggiani, L'Egypte des Pharaons au Musée du Caire, Paris 1979, doc. 17, pp.

46-48, la plume d'autruche indique le caractère sacré de l'emblème. D'autres emblèmes peuvent être surmontés d'une plume, tel le crocodile de la province tentyrite que les Egyptiens décrivent en ces termes: "Quant à Sobek qui est dans cette place, c'est Seth, quant à la plume qui est sur sa tête, c'est Osiris" D. VI, 157,2, pl. DLXXXII.

H. Brugsch, DG 991, qui avait déjà repéré ce passage ajoute "c'est parler à l'égyptienne!". Sur l'emblème du nome tentyrite, voir S. Cauville, BIFAO 92 (1992), pp. 91-92 avec les principales références.

67 On notera la variante du décret de Coptos qui représente le canidé assis sur le pavois, cf. H. Goedicke, Königliche Dokumente aus dem alten Reich, Äg.Abh. 14 (1967), p. 175, ill. 18.

68 Cf. L. Holden, "An Anubis Figure in the Boston Museum of Fine Arts", Studies in Ancient Egypt, the Aegean, and the Sudan: Essays in honor of Dows Dunham on the occasion of his 90th birthday, June 1, 1980, Museum of Fine Arts, Boston 1981, pp. 99-103.

69 Par exemple, H. Brugsch, DG (1879), pp. 863-864. p. 490, "sap-ânup"; H. Gauthier, DG I (1925), p. 84,

"ânpou (?)"; P. Montet, Géographie II, Paris 1961, p. 164, "Inpw".

70 H. Kees, "Der Gau von Kynopolis und seine Gottheit", MIO 6 (1958), pp. 169-171.

71 J. Vandier, "L'Anubis femelle et le nome cynopolite", Mél. K. Michalowski, Varsovie 1966, p. 196. La lecture féminine est également adoptée par W. Helck, Gaue, p. 112, "Gauzeichen", LÄ II (1977), col. 422, "Input", LÄ III (1980), col. 163, par F. Gomaà, TAVO, Beihefte 66,1 (1986), p. 332, note 2, et plus récemment, par S.

Cauville, notamment dans ses traductions de Dendara X et Dendara I.

dans lesquelles le signe du canidé couché est suivi une fois d'un t et du signe de la ville, l'autre fois de deux t et du déterminatif de la ville. Or, selon H. Kees, ces formes féminines, principalement la seconde, ne peuvent s'expliquer que si le nome avait adoré à l'origine une déesse-chienne ou, plus vraisemblablement, un couple de canidés.

Ces arguments ne semblent pas adéquats. Comme le reconnaît H. Kees lui-même74, le t et le signe de la ville peuvent s'expliquer comme de simples déterminatifs servant à désigner non pas le nome lui-même, mais sa capitale. Ce groupe, dans le sens de "métropole du nome d'Inpw" apparaît très fréquemment dans les processions géographiques des temples tardifs75. La forme féminine est d'ailleurs utilisée pour tous les autres districts, ou mieux capitales, sans que personne ne cherche à voir dans les emblèmes d'antiques déesses thériomorphes. La graphie avec deux t - isolée - de la stèle de Kamosé ne me paraît pas un indice suffisant pour que l'on féminise le nom du nome et encore moins pour que l'on reconnaisse une déesse-chienne dans son enseigne. L'expression complète pA w n Inpwt désigne probablement le

"district de la métropole du nome d'Inpou", donc plus simplement le district cynopolite, comme le suggérait déjà en son temps Sir Alan Gardiner76.

L'argument de H. Kees relatif à la triade de Mykérinos dans laquelle le XVIIe nome est personnifié par une femme est, à première vue, plus difficile à contester. Sous l'Ancien Empire, en effet, les Egyptiens semblent avoir établi une correspondance entre le sexe des figures et le genre grammatical du nom des provinces77. Or, sur les quatre triades retrouvées intactes par Reisner, trois exhibent des nomes symbolisés par un personnage féminin: les nomes de Diospolite-Hou (VIIe HE), d'Hermopolis-Ounou (XVe HE) et enfin d'Inpou (XVIIe

72 Il s'agit du P.Ramesseum VI (et non du VII comme indiqué par W. Helck, Gaue, p. 113) qui contient des hymnes à Sobek (= A. Gardiner, Ramesseum Papyri, Oxford 1955, pl. XVIII, col. 25).

73 Stèle de Kamosé, l. 28 = L. Habachi, "The Second Stela of Kamose and his Struggle against the Hyksos Ruler and his Capital", ADAIK 8 (1972), p. 41.

74 H. Kees, op. cit. p. 169.

75 On remarquera que dans son ouvrage sur les nomes, W. Helck lit l'emblème Inpwt en se référant à H. Kees, mais interprète l'Inpwt du P.Ramesseum VI comme une désignation de la capitale du XVIIe nome à cette époque.

76 A. Gardiner, RdE 11 (1957), p. 47, n. 6 et Onomastica II, no 385. L. Habachi, dans son étude de la 2e stèle de Kamosé, ADAIK 8 (1972), p. 41 traduit l'expression par "The Cynopolite Nome".

77 C'est ce qu'affirment en tous les cas P. Lacau et H. Chevrier, Une chapelle d'Hatshepsout à Karnak I, SAE 1977, p. 69, note 1, en se basant sur les triades de Mykérinos. Ultérieurement, disent-ils, cette distinction se perd. On remarquera que dans la procession de Snefrou, qui précède donc les triades de Mykérinos, les nomes ne sont pas personnifiés, mais représentés par leur seule enseigne, cf. A. Fakhry, The monuments of Sneferu at Dashour II. The Valley Temple I, the Temple Reliefs, Le Caire 1961, fig. 9-18.

HE). Seul le nome thébain (IVe HE) qui figure sur la quatrième triade est, lui, représenté par un personnage masculin78.

On remarquera que contrairement aux défilés des domaines funéraires de l'Ancien Empire où c'est de tout évidence le genre grammatical du toponyme qui détermine le choix de la personnification79, dans les processions de nomes, ce lien est beaucoup plus difficile à constater ne serait-ce qu'à cause de l'ignorance dans laquelle nous sommes concernant la prononciation des noms des enseignes. Se baser uniquement sur les triades de Mykérinos pour démontrer cette correspondance80 me paraît très hasardeux, d'autant plus que l'on hésite sur le sens à donner à ces groupes81. En outre, si l'on suit la règle à la lettre, on devrait parler à propos du XVe nome de Haute Egypte, de la province de la hase, ce que la tradition égyptologique hésite à faire82.

78 On trouvera une représentation des quatre triades (aujourd'hui au Caire et au Museum of Fine Arts de Boston) ainsi que de divers fragments dans G.A. Reisner, Mykerinus, The Temples of the Third Pyramid at Giza, Harvard University Press, Cambridge 1931, pp. 109-110, pl. 36-46.

79 Cela est vrai jusqu'à la Ve dynastie. Après, les noms géographiques étant peu à peu tous considérés comme des féminins, on se mit tout naturellement à représenter les domaines comme des femmes, cf. H. Jacquet-Gordon, Les noms des domaines funéraires sous l'Ancien Empire égyptien, BdE 34 (1962), pp. 26-30.

80 H. Kees, MIO 6,2, p. 170, note 42 se réfère aussi au défilé de la "Weltkammer" du temple solaire de Niouserrê où il croit reconnaître, dans un fragment de personnage féminin, la personnification du XVIIe nome. J. Vandier, Mél. K. Michalowski, Varsovie 1966, p. 196, passe cet argument sous silence et avec raison car le nome thébain (IVe HE) qui, chez Mykérinos, est personnifié par un homme est précisément représenté chez Niouserrê par une femme, cf. H. Kees, "Zu den Gaulisten im Sonnenheiligtum des Neuserrê", ZÄS 81 (1956), p. 36, fig. 1 et p. 40.

81 Alors qu'on pensait qu'il existait, à l'origine, un groupe par province, soit près de quarante en tout, on suppose, depuis les travaux de W. Wood, "A Reconstruction of the Triad of King Mycerinus", JEA 60 (1974), pp. 82-93, pl. XXIII-XXV, que les triades étaient au nombre de huit, chacune symbolisant un lieu de culte de la déesse Hathor, cf. par exemple, la notice de S. Labbé-Toutée et Chr. Ziegler, dans L'art égyptien au temps des pyramides, Paris 1999, p. 229. Comme il ressort des analyses de M. Seidel, Die königlichen Statuengruppen I, HÄB 42 (1996), pp. 25-49, cette reconstitution de seulement huit triades ne fait pas l'unanimité. Il faut néanmoins reconnaître que ce débat sur le nombre de triades n'est pas forcément lié à celui sur le genre des enseignes.

82 Par exemple, P. Montet, Géographie II, p.146 qui parle du "nome du lièvre", W. Helck, LÄ II (1977), col. 390 de "Hasen-Gau" ou plus récemment S. Cauville, BdE 119 (1997), p. 121 de "nome du lièvre". On remarquera que malgré cette appellation masculine, certains auteurs, à la suite de K. Sethe (Urgeschichte § 32) ont interprété l'enseigne comme une hase (H. Bonnet, RÄRG, pp. 841-842; W. Helck, "Gauzeichen", LÄ II, col. 422; E.

Brunner-Traut, "Hase", LÄ II, col. 1023). Le raisonnement est ici très comparable à celui mené pour le XVIIe nome. Une déesse lièvre Ounout, maîtresse d'Ounou, la capitale antique du XVe nome, aurait donné son image au nome. Son culte aurait très vite été occulté par celui de Thot sans toutefois sombrer totalement dans l'oubli.

En effet, deux scènes du temple de Dendara présentent Ounout avec une tête de hase, D. X, 225,5-8 et pl. 104 et 133 et D. X, 365,15-366,2 et pl. 200 et 231. Dans les deux scènes, la déesse, qui est rattachée à la ville d'Ounout, tient des couteaux dans les mains et protège l'accès aux chapelles est no 3 et ouest no 2. Pendant longtemps, on a vu dans cette figure celle d'une lionne avec des oreilles de hase, souvenir de l'antique déesse hermopolite, cf. H.

Bonnet, RÄRG, pp. 841-842; E. Brunner-Traut, "Hase", LÄ II, col. 1023. En réalité, il s'agit bien d'une hase comme le constatait déjà E. Graefe, "Unut", LÄ VI (1986), col. 859-860, et comme l'a confirmé depuis la publication des chapelles osiriennes par S. Cauville. La question qui se pose est la suivante: cette déesse est-elle une résurgence d'une antique hase vénérée dans le nome (cf. S. Cauville, BdE 118 (1997), p. 107) ou est-elle une création récente qui résulte d'une réinterprétation du théonyme Ounout qui s'écrit avec le signe du lièvre, mais qui, dans les sources autres que tentyrites, a toujours désigné une déesse cobra (hypothèse d'E. Graefe, LÄ VI, col. 859)? Nous verrons avec le cas d'Anubet, qui se pose un peu dans les mêmes termes, que j'opte plutôt pour la deuxième solution.

En fait, les seuls documents témoignant de manière sûre de l'existence d'une déesse-canidé dénommée Anubet sont tardifs et proviennent tous du temple de Dendara83. La mention d'Anubet dans trois textes géographiques relatifs au XVIIe nome84 montre indubitablement que les rédacteurs tentyrites établissaient un lien entre le nom de l'enseigne et la déesse85 (voir notre annexe 4 A). Anubet y est décrite comme la protectrice d'Osiris, comme une (chienne) couchée sur le ventre, dont les dents aiguisées découpent le Malfaisant. C'est dans ce même rôle qu'Anubet apparaît dans les chapelles osiriennes, une fois dans un texte géographique relatif au XVIIe nome86, deux fois parmi les génies qui défendent l'entrée de la chapelle est no 387, et une quatrième fois parmi les divinités protectrices du domaine funéraire d'Osiris dans la chapelle ouest no 288. Décrite comme une chienne (Tsmt) qui aboie contre les ennemis, qui découpe le dos du Malfaisant en ordonnant à ses émissaires de se délecter des chairs et du sang de sa victime, elle y est aussi - fait unique - représentée sous trois aspects différents: une déesse cynocéphale à corps humain, enserrée dans une gaine, à tête et à queue de canidé, une déesse cynocéphale vêtue d'une robe longue, et enfin un canidé debout, avançant sur ses pattes arrières (cf. notre annexe 4 B). Dans les trois représentations, qui sont les seules connues à ce jour89, la déesse agressive brandit des couteaux.

Contrairement à l'usage égyptien, Anubet ne patronne, ni ne réside dans aucun lieu90. Dans l'unique scène où Anubis apparaît à ses côtés, le dieu est "fils d'Osiris, qui prend place dans le Temple-d'Anubis"91. S. Cauville, qui se fonde sur la procession osirienne de Philae92, suppose une origine lycopolitaine à ce toponyme. On remarquera que le P.Jumilhac VII, 14 et VIII,12, connaît également un @t-Inpw dans le district de Dounâouy. La fusion des nomes cynopolites aux époques tardives peut éventuellement expliquer le rattachement de la déesse

83 Ces textes ont été repérés et traduits par H. Kees et J. Vandier dans les deux articles mentionnés plus haut.

84 D. I, 95,11 = notre document B6; D. X, 121,2 = notre document G2; D. soub. ext. = G.I. III, pl. XCI = notre document B8.

85 Même dans la procession du soubassement extérieur qui évoque Anubet dans le texte du canal (Gaouach), les hiérogrammates jouent sur le nom de la province.

86 Texte déjà cité ci-dessus, D. X, 121, 2.

87 D. X, 190, 9-11, pl. 92 et 121; D. X, 216,1, pl. 102 et 131.

88 D. X, 362,11-13, pl. 198 et 229.

89 Les seules déesses cynocéphales que je connaisse figurent sur des papyrus mythologiques: l'une avec un corps de Beset, tenant un couteau dans chaque main et un serpent enroulé autour du cou (papyrus de Dirpou, no 6), l'autre avec un corps de femme, un rouleau de papyrus ouvert dans ses mains (papyrus de Djed-Khonsou-iouf-ankh II, no 22), cf. A. Piankoff et N. Rambova, Mythological Papyri, Bollingen Series XL/3, New York 1957, p. 85 et p. 174.

90 A part bien sûr dans la procession des génies protecteurs (D. X, 121, 2) où elle apparaît dans le texte relatif au génie du XVIIe nome. Mais on remarquera que même dans les processions géographiques, elle n'est jamais maîtresse ou résidente d'un lieu.

91 Chapelle est no 3, D. X, 216,1, pl. 102 et 131.

92 S. Cauville, BdE 118 (1997), p. 107 (Ph. 91,19).

au XVIIIe nome plutôt qu'au XVIIe. Mais, en définitive, rien n'indique que la déesse reprend effectivement l'origine du dieu. Plus que les liens géographiques, c'est donc surtout le caractère dangereux et destructeur de la déesse-chienne, grande ennemie de Seth, que mettent en avant les textes et les représentations des chapelles osiriennes.

Outre les inscriptions qui nomment la déesse, il en existe aussi qui évoquent son rôle sans la mentionner. La notice géographique relative au XVIIe nome du soubassement extérieur de Philae en est un exemple93. La déesse évoquée est Isis qui, en tant que Achet, découpe le dos de Seth avec ses dents. Achet, qui est le pendant féminin du plus célèbre Ach, est une désignation tardive et rare. H. Kees et J. Vandier traduisent le terme par "chienne" sans doute en raison du déterminatif du canidé couché qui l'accompagne.

Dans un article relativement récent94, Jan Quaegebeur montrait que l'animal ach (AS), associé à Seth aux époques tardives95, n'est qu'une variante orthographique de l'animal SA(y) qui se présente depuis l'Ancien Empire sous différentes formes96. Or, parmi ces formes, on trouve l'animal séthien, le porc, l'âne, mais aussi le canidé97. Cette forme de canidé, mais surtout le rapport supposé entre Ach et l'animal SAy dont il existe un pendant féminin SAyt, expliquent, selon Jan Quaegebeur, la désignation Achet pour Anubet dans le temple de Dendara98.

Relevons qu'Achet apparaît aussi, identifiée à Hathor, dans deux textes tentyrites relatifs au XVIe nome de l'Oryx, voisin sud des XVIIe et XVIIIe provinces99. Elle y est décrite dans son

93 Ph. 93,1-5 = notre document B9.

94 J. Quaegebeur, "L'animal Shaï associé au trône d'Osiris", mél. L. Kákosy, St. Aeg. XIV (1992), pp. 481-493.

95 A l'origine, Ach était un dieu des confins libyques, mais il fut très tôt associé à Seth, dieu des déserts. Aux époques tardives, Ach est une désignation de Seth ou plutôt de son animal, cf. E. Otto, LÄ I (1977), col. 459-460.

96 J. Quaegebeur, op. cit., p. 488 et 492, note 86 où il réaffirme le rapport entre l'animal SA et le dieu Ach. En revanche, et c'est l'objet de son article, il nie tout rapport entre l'animal SA(y) et le terme Shaï "destin", dont la première mention certaine date de la XVIIIe dynastie.

97 Iconographiquement, l'animal séthien, l'âne et le canidé sont très proches et, lorsqu'ils sont en groupes, notamment pour haler la barque solaire, leur juxtaposition sur un même monument est très fréquente, cf. T. Du Quesne, "Seth and the Jackals", Mél. J. Quaegebeur I, OLA 84 (1998), pp. 613-628.

98 Contrairement à T. Du Quesne, "Seth and the Jackals", Mél. J. Quaegebeur I, OLA 84 (1998), p. 624, pour qui Anubet était probablement la déesse originelle du XVIIe nome, J. Quaegebeur, op. cit., p. 492, note 86, se contente d'affirmer que le féminin ASt "la chienne" est la désignation de l'Anubis femelle et n'en tire aucune conséquence sur le genre de l'enseigne du nome.

99 D. I, 95, 8: ntt ASt Hnb.n.s B bHn NbD Hr/tp irt.n.f "Tu es Achet, qui a massacré Be de sorte que le Malfaisant soit abattu à cause de ce qu'il a fait"(Mariette et Chassinat ont lu tp alors que Dümichen a lu Hr) et D. soub. ext.

= D.GI III, pl. LXXXIX: ntt ASt bHn.n.s NbD dn.n.s sbiw n WDAt "Tu es Achet qui a abattu le Malfaisant et tué les ennemis de l'oeil Oudjat". Dans son article "Momification et recomposition du corps divin: Anubis et les canopes", Funerary Symbols and Religion, mél. M.S.H.G. Heerma van Voss, Kampen 1988, p. 37 et note 27, Jean-Claude Goyon affirme qu'Achet appartient au XVIe nome et non au XVIIe comme le prétend J. Vandier, Le papyrus Jumilhac, p. 25, note 1. Nous nous contenterons de remarquer que la déesse apparaît dans les deux nomes, dans un rôle très analogue.

rôle d'exécutrice de Seth, mais également, trait de la mythologie locale de ce nome, comme responsable de la mise à mort des ennemis de l'oeil oudjat100.

La déesse vengeresse apparaît également dans le P.Jumilhac où, comme à Philae, elle est une forme d'Isis (cf. notre annexe 4 A). Seth, qui veut l'attraper, se transforme en taureau, mais Isis se rend méconnaissable "en prenant l'aspect d'un chienne (Tsmt), avec un couteau à l'extrémité de sa queue"101. Puis elle se met à courir, mais Seth ne peut la rattraper. Le châtiment de Seth est décrit ailleurs: "Alors, Isis se transforma en Anubis, et, s'étant emparée de Seth, <le> dépeça, <enfonçant> ses dents dans son dos"102. Comme le remarque très justement J. Vandier, on s'attendrait à ce qu'Isis se transforme ici en Anubet plutôt qu'en Anubis103, puisque c'est elle qui, selon la tradition tentyrite, lacère le dos de Seth104. Si l'on ajoute à cela la singularité de la transformation - une déesse prenant l'aspect d'un dieu

100 Voir par exemple Ph. Derchain, Le sacrifice de l'oryx, Rites égyptiens 1, Bruxelles 1962, pp. 28-30. L'image de la chienne Anubet plantant ses dents dans le dos de Seth et celle du faucon Horus qui, perché sur l'échine de l'antilope, découpe son dos (par exemple E. VII, 323,13-324,12) ne manquent pas de frapper par leur parallélisme.

101P.Jumilhac III, 1-2, trad. J. Vandier, p. 114: "Lorsque Seth vit Isis dans cet endroit, il se transforma en taureau pour courir après elle, mais celle-ci se rendit méconnaissable, en prenant l'aspect d'une chienne, avec un couteau à l'extrémité de sa queue". Dans le vocable Tsmt "chienne", le signe m et peut-être le t ont été rajoutés après coup par le scribe. Si l'on interprète le t comme la désinence féminine de Tsmt, ce qui est très probablement le cas (le t apparaît avant le déterminatif de la peau animale), la lecture dmt pour "couteau", adoptée par J.

Vandier (cf. son index I, p. 325), n'est pas possible. Parmi les termes qui signifient "couteau", celui de mds - qui a l'avantage d'inclure le signe informe (un s? un d?) qui figure entre le m et le déterminatif du couteau - me semble convenir à ce passage.

102 P.Jumilhac XX, 11-12, trad. J. Vandier, p. 131. Il y a de tout évidence dans ce passage un jeu graphique sur les mots stp "découper" et stS "Seth". Le texte du soubassement de Philae (B9) donne une leçon très similaire:

stp.n.s psD.f m ibHw.s. Dans le papyrus Jumilhac, le m devant l'objet apparent (psD.f) pose problème. Cf. la solution proposée par J. Vandier dans sa note 22. On remarquera que dans les chapelles osiriennes de Dendara, l'objet (psD) est également précédé d'un m à deux reprises. D. X, 216, 2-3, stp.n.i NbD m psD.f et D. X, 362, 12, stp NbD m psD.f. S. Cauville traduit "je/qui découpe le Malfaisant (renversé) sur son dos". Etant donné la leçon de Philae, je préfère considérer, comme J. Vandier, op. cit, p. 197, qu'Anubet plante ses dents dans le dos, plutôt

stp.n.s psD.f m ibHw.s. Dans le papyrus Jumilhac, le m devant l'objet apparent (psD.f) pose problème. Cf. la solution proposée par J. Vandier dans sa note 22. On remarquera que dans les chapelles osiriennes de Dendara, l'objet (psD) est également précédé d'un m à deux reprises. D. X, 216, 2-3, stp.n.i NbD m psD.f et D. X, 362, 12, stp NbD m psD.f. S. Cauville traduit "je/qui découpe le Malfaisant (renversé) sur son dos". Etant donné la leçon de Philae, je préfère considérer, comme J. Vandier, op. cit, p. 197, qu'Anubet plante ses dents dans le dos, plutôt