• Aucun résultat trouvé

Les défilés des divinités d'Egypte

Partie 1: Les XVIIe et XVIIIe provinces de Haute Egypte

B. Les territoires cynopolites dans les inscriptions géographiques des temples

3. Les défilés des divinités d'Egypte

3.1. Description générale

D1: Edfou VI, 231,1-5 (Ptolémée X Alexandre) D2: Edfou mam., 9,5 (Ptolémée VIII Evergète II)

D3: Edfou mam. 167,18, nos 22 et 23 (Ptolémée IX Sôter II) D4: Dendara X, 79,5-80,3 (Fin de l'époque ptolémaïque) D5: Dendara X, 157,6-9 (Fin de l'époque ptolémaïque) D6: Dendara X, 276,1-6 (Fin de l'époque ptolémaïque) D7: Dendara mam., 118,13-14, nos 22 et 23 (Trajan) D8: Dendara mam., 124,9-11, nos XXVII-XXIX (Trajan) D9: Philae I, 119,4-5 (Ptolémée XII Neos Dionysos)

Comme les processions de nomes, il est probable que les défilés de dieux originaires des principaux lieux de culte d'Egypte aient été représentés sur les parois des temples dès l'Ancien Empire. L'historique de ce thème reste toutefois difficile à établir. Pour l'Ancien Empire, le témoin le plus intéressant, à ma connaissance, se trouve dans l'antichambre du tombeau royal de Pépi II à Saqqarah. Reconstituée par Gustave Jéquier429, la décoration des quatre parois de l'antichambre suit à peu près le même schéma: d'un côté la figure du roi, de l'autre cinq registres dont le premier est occupé par des courtisans, le deuxième par des bouchers et les trois derniers par des théories de divinités tenant ânkh et ouas dans leurs mains. Les chapelles qui figurent devant chaque divinité, des per-our sur les parois sud et ouest, des per-nou ou per-neser sur les parois est et peut-être nord, montrent que les décorateurs ont recouru à la répartition traditionnelle du panthéon en divinités de Haute et de Basse Egypte (voir notre annexe 7 A) 430. L'état très fragmentaire des inscriptions ne permet malheureusement pas de reconnaître si les dieux défilaient selon un ordre géographique plus précis à l'intérieur de chacune des grandes divisions territoriales du pays431.

429 G. Jéquier, Le monument funéraire de Pépi II, tome 1, SAE, Le Caire 1936, pp. 34-53, pl. 46-58.

430 La répartition ouest = sud, est = nord, contraire à celle des temples tardifs, était déjà observée dans la cour dite du Heb-sed du complexe funéraire de Djoser. Là aussi les chapelles qui adoptent la forme du per-our, semblables à la "maison du Sud", sont celles de la rangée ouest, alors que les chapelles orientales, semblables à la "maison du Nord" ont la forme du per-nou ou per-neser, cf. J.-Ph. Lauer, Histoire monumentale des pyramides d'Egypte I, BdE 39 (1962), pp. 145-148.

431 Parmi les remarques qui peuvent être faites sur les inscriptions restantes, retenons, sur la paroi ouest, la mention des lieux de saints de la Haute Egypte (itrt Smat), une expression qui peut aussi désigner la collectivité

Les temples du Nouvel Empire possèdent aussi des listes de dieux à caractère géographique.

A Abydos, par exemple, la paroi sud de la chapelle de Sokaris du temple de Séthi Ier enregistre une liste de dieux memphites432. John Baines qui en signale un parallèle dans le Hall des dieux Nefertoum et Sokaris pense pouvoir faire remonter les noms-épithètes à des sources de l'Ancien Empire433. Contrairement aux défilés tardifs, la liste est régionale et, en plus, mentionne les dieux, sans les représenter. Il en va de même du célèbre catalogue divin qui fait face à la liste royale du même temple, lequel récapitule certes les noms et les sanctuaires des divinités du pays, mais n'enregistre pas leur image434. Du point de vue de la forme, cette dernière liste s'apparente au genre de la litanie dont il sera question plus bas435. La salle des fêtes d'Osorkon II à Bubastis qui date de la XXIIe dynastie présente un catalogue de soixante-huit divinités provenant de toute l'Egypte436. Le monument commémore, on le sait, la fête sed du roi et on ne sera dès lors guère étonné de voir les effigies des divinités qui assistent à la cérémonie royale réparties dans les chapelles tutélaires de la Haute et de la Basse Egypte. Même si l'agencement à l'intérieur de chacune de ces subdivisions n'est pas vraiment géographique, certains dieux semblent groupés par affinités d'origine régionale ou de fonction. Ces dessins, selon J. Yoyotte, dérivent certainement de prototypes antérieurs au Nouvel Empire437.

L'exemple le plus spectaculaire d'un défilé de divinités ordonné géographiquement se trouve dans le temple d'Hibis de l'oasis de Khargeh. En effet, la cella du temple, décorée sous Darius Ier, aligne, région après région, plus de 650 divinités provenant de toute l'Egypte438. L'inventaire y est très détaillé, chaque lieu de culte étant représenté par ses divinités principales, mais aussi par ses mythes, ses rites, ses fêtes ou encore par son clergé local439.

des dieux de Haute Egypte (Gardiner, EG, p. 494). Sur la même paroi toujours, aux 3e et 4e registres, les divinités sont disposées de manière très particulière: des compagnies de trois divinités dont l'une est clairement identifiée aux "âmes de Nekhen" avancent derrière une divinitié principale. Les inscriptions nous apprennent que Nekhbet et Seth dirigeaient chacun une de ces compagnies, cf. G. Jéquier, op. cit., pp. 41-43 et pl. 50.

432 H. Kees, "Eine Liste memphitischer Götter im Tempel von Abydos", RT 37 (1915), pp. 57-76

433 J. Baines, "An Abydos List of Gods and an Old Kingdom Use of Texts", Pyramid Studies and other Essays presented to I.E.S. Edwards, EES, Occasional Publications 7, London 1988, pp.124-133.

434 A. Mariette, Abydos I, pl. 44-46, KRI I, 180-185 avec traduction.

435 Cf. infra, p. 94 et sqq.

436 Ed. Naville, The Festival-Hall of Osorkon II in the Great Temple of Bubastis (1887-1889), EEF 10, London 1982, p. 19 et sqq, pl. VII, VIII et XII.

437 J. Yoyotte, Ann. Collège de France 1991-1992, p. 631.

438 N. De Garis Davies, Hibis III, pl. II-V, pp. 3-14.

439 La description générale que je propose est basée sur le commentaire de Davies et sur les légendes hiéroglyphiques qui figurent au-dessus des divinités. J'ai également tenu compte de la description détaillée des scènes et des indications bibliographiques proposées par E. Cruz-Uribe, Hibis Temple Project, vol. 1:

Translations, Commentary, Discussions and Sign List, San Antonio 1988, pp. 1-43. L'aspect incertain des hiéroglyphes et, parfois, l'absence totale de légendes, laissent planer quelques doutes sur les identifications proposées.

Alors que Thèbes et Héliopolis occupent tous les registres de la paroi ouest (pl. 2)440, la paroi sud aligne les centres religieux de Haute Egypte selon un ordre qui va approximativement du sud au nord (pl. 4)441. Sur la paroi nord (pl. 3), l'inventaire reprend avec les régions hérakléopolites442 et memphites auxquelles succède la métropole de Dounâouy. La mention répétée d'un Hormerty de Chédenou (Sdnw), en grec Pharbaïtos (XIe BE), nous transporte, curieusement, dans le Delta à moins qu'il s'agisse de la ville de Sdt, Crocodilopolis, dans le Fayoum443. L'énumération reprend ensuite, du nord au sud, avec Héliopolis444, le Fayoum et Atfih445 dont le panthéon contient aussi un représentant de Semenhor, la métopole de la XXIe province. Les légendes sur les deux derniers registres se font rares et rendent les identifications problématiques. On y reconnaît tout de même deux Osiris momifiés, l'un d'Oxyrhinchos sur le VIIIe registre, placé dans un sarcophage sur lequel est couché un bélier aux pattes repliées, l'autre de Behbeit el-Hagar sur le IXe registre, nu et tenant son phallus, avec des couronnes et le signe heh sous son lit446. De même, la fin du VIIIe registre présente un Khonsou dans IAt-wDAt de la région de Memphis/Letopolis447, ainsi qu'un Resoudja de Per-henou dont la localisation ne fait pas l'unanimité448. L'identification des lieux de culte devient à nouveau plus aisée sur la paroi orientale (pl. 5). Sur le montant nord de la porte, trois registres sont occupés par les divinités de Semen-hor (I-III)449, deux par des dieux de

440 Selon H. Sternberg-el Hotabi, "Die "Götterliste" des Sanktuars im Hibis-Tempel von El-Chargeh", Aegyptiaca Treverensia 7, Mainz 1994, p. 240, la paroi ouest serait occupée par les divinités de Thèbes, d'Héliopolis et Memphis. Même si l'on s'attend effectivement à la réunion des trois villes dynastiques, je n'ai trouvé d'allusions, sur cette paroi, à la région memphite qui est, en revanche, représentée aux registres III-V de la paroi nord (pl. 3) ainsi qu'aux registres III-V du montant sud de la porte orientale (pl. 5).

441 L'énumération des lieux de culte ne suit pas toujours l'ordre canonique: ainsi, au IVe registre, Oupouaout d'Assiout (XIIIe lycopolite) précède Nemty (n'est pas rattaché à une ville ici, mais dans les listes canoniques le dieu est le patron de la XIIe province) qui lui-même précède, au registre suivant, Min de Panopolis (IXe). Le dernier lieu à pouvoir être identifié de manière sûre sur cette paroi est Hermopolis sur le Ve registre. Les registres VI à IX ne sont pas légendés, ce qui rend l'identification des figures et leur localisation très difficiles.

Les Osiris momifiés des VI, VIIIe et IXe registre n'ont pas pu être situés, cf. S. Cauville, BdE 118 (1997), p.

261, note 472.

442 H. Sternberg-el Hotabi, "Die "Götterliste" des Sanktuars im Hibis-Tempel von El-Chargeh", Aegyptiaca Treverensia 7, Mainz 1994, pp. 240-245, analyse par le menu les trois registres consacrés aux dieux d'Hérakléopolis.

443 Pour les graphies de ces deux villes, cf. Gauthier, DG V, pp. 150-151.

444 J. Vandier, RdE 16 (1964), pp. 112-114.

445 Pour la combinaison d'Aphroditopolis avec diverses villes du Fayoum, cf. J. Yoyotte, BIFAO 61 (1962), pp.

112-113.

446 Pour l'inventaire des Osiris momifiés dans la cella du temple d'Hibis, cf. S. Cauville, BdE 118 (1997), pp.

261-262.

447 J. Yoyotte, RdE 13 (1961), p. 93.

448 Per-henou est le nom de l'Osireion du Xe BE (Gauthier, DG II, p. 111). Cependant pour J. Yoyotte, RdE 13 (1961), p. 93, note 1, il existe plusieurs endroits désignés sous ce nom, celui d'Hibis étant situé quelque part vers Kafr Ammar.

449 J. Yoyotte, RdE 13 (1961), pp. 84-86. E. Cruz-Uribe, Hibis Temple Projekt I, p. 38, qui pense que toute la paroi orientale est consacrée aux dieux de Basse Egypte, refuse cette identification. Au vu des nombreuses

Létopolis (IV et V) et les quatre derniers par des ressortissants d'Hermopolis Parva et de Mendès (VI-IX)450. Du côté sud, les deux premiers registres contiennent des divinités non localisées, les registres III à V sont à nouveau consacrés aux dieux memphites alors que les trois derniers registres encore en place (VI-VIII) mettent en scène les cultes d'Athribis451. Des territoires cynopolites, c'est la métropole de Dounâouy qui a retenu l'attention des décorateurs (cf. notre annexe 7 B). La première figure qui est explicitement rattachée à la métropole du XVIIIe est celle d'un Anubis thériomorphe couché sur un socle décoré d'un Bès en son centre et de la tête d'un des quatre fils d'Horus à chaque angle. Derrière lui, Iounmoutef vêtu de sa traditionnelle peau de panthère effectue le geste d'ouverture de la bouche sur un Osiris momiforme coiffé de l'atef. Comme nous le verrons, dans le chapitre consacré aux manuels de géographie liturgique, l'ouverture de la bouche est le rite spécifique du XVIIIe avec Iounmoutef comme officiant principal. Le groupe suivant est formé par un Anubis "qui préside au pavillon divin, l'imy-out, le grand d'Osiris (?)" qui enlace une stèle décorée de deux yeux. La scène fait penser à un toponyme du XVIIIe, la butte PA-aHai "la stèle" que la grande procession géographique ainsi que le papyrus hiératique II de Tebtunis mentionnent en relation avec les territoires cynopolites et plus précisément avec Het-nesout452. Il est également question d'une stèle dans le P.Jumilhac sur laquelle Thot aurait inscrit les récompenses attribuées par Horus aux dieux d'Egypte après sa victoire sur Seth.

Cette stèle, baptisée Paâhay, aurait ensuite été érigée au nord de Dounâouy453. L'apothéose d'Horus, qui a pour cadre Het-nesout454, et l'érection de la stèle concluent en fait un récit intitulé par J. Vandier "la légende des boîtes d'Horus". Celle-ci raconte comment les yeux d'Horus, placés dans des boîtes, furent volés par Seth, puis récupérés par Anubis. Sur ordre de Rê, les yeux furent finalement restitués à Horus, puis à Anubis, en même temps que la fonction d'Osiris. Même si l'aspect incertain des figures reproduites par la publication d'Hibis

perturbartions constatées dans l'ordre géographique des figures de la cella par rapport à l'ordre attendu, ce type d'argument ne me semble pas très convaincant.

450 A.-P. Zivie, Hermopolis et le nome de l'ibis. Recherches sur la province du dieu Thot en Basse Egypte, BdE 66 (1975), pp. 134-136.

451 P. Vernus, Athribis, BdE 74 (1978), pp. 255-256.

452 Voir supra p. 45. Les données enregistrées en deuxième position dans le papyrus hiératique II de Tebtunis (J.

Osing, Tebtunis I, pp. 234-235) se rapportent, on l'a vu, à la ville de Het-nesout dans le XVIIIe. Il en va de même pour la grande procession géographique d'Edfou qui remplace Saka, métropole du XVIIe, par Het-nesout.

453P.Jumilhac XIV,18-XIV,21. La stèle Paâhay est également mentionnée dans la notice sur Het-nesout, cf.

P.Jumilhac XIX,12.

454 Cf. notamment la planche XIX ainsi que la glose démotique de la planche XIV qui note à propos de la légende des boîtes d'Horus: "ici, à propos d'Osiris de Het-nesout", cf. J. Vandier, Le papyrus Jumilhac, p. 16, p.

52 et 79.

laisse planer quelque doute sur la présence d'yeux sur la stèle, le rapprochement avec la légende du P.Jumilhac semble plutôt militer en faveur d'une telle identification.

Le dieu est suivi du faucon Harsiesis maître de la métropole de Dounâouy installé sur un pavois et de la déesse Ouadjyt de la métropole de Dounâouy qui se présente sous les traits d'un cobra à tête de lionne perchée sur un socle. Harsiesis est très bien attesté sur le territoire du XVIIIe en général et à Het-nesout en particulier455. Quant à Ouadjyt, le P.Jumilhac VI,2 l'identifie à Isis mère d'Anubis. Est-ce que cette identification fait automatiquement d'elle une mère du dieu? Une notice relative au XVIIIe la présente en tous les cas comme une nourrice d'Anubis456. On retrouve Ouadjyt "maîtresse de Hardaï" aux côtés d'Anubis dans le manuel de géographie liturgique du mur d'enceinte extérieur d'Edfou. Dans le défilé des déesses du mammisi romain de Dendara, elle est la représentante de Het-redjou457. De même, dans la liste inscrite sur la porte de la chambre E' du temple de Dendara , laquelle assimile Isis à différentes déesses locales, Isis est "Ouadjyt la puissante dans la métropole du nome de Dounâouy"458.

La scène suivante est une scène d'embaumement: Anubis "maître du Pays sacré, seigneur de (?), l'imy-out, celui qui préside au pavillon divin, le prêtre sem" se tient derrière un lit funéraire sur lequel repose une momie anthropocéphale. Une main du dieu est posée à plat sur la momie, tandis que l'autre soulève un pot d'onguent. A droite de la scène, figurent les restes d'un personnage à corps humain avec une queue d'animal attachée à ses hanches et tenant un rouleau de papyrus dans ses mains. Au-dessus de la tête du dieu figurait apparemment un canidé dont on aperçoit encore l'arrière-train et la queue. Derrière ce singulier personnage, figure l'emblème imy-out dont les multiples légendes alimentent les textes du P.Jumilhac. A gauche de la scène, un "Anubis dans sa barque" tient une main pliée sur sa poitrine, alors que

455 D'après le P.Jumilhac XIX, 8-9 et vignette, une statue d'Harsiesis était conservée avec celle d'Horus à Het-nesout. Le nom du dieu apparaît également sur des blocs du temple ptolémaïque retrouvés à Kôm el-Ahmar Saouâris, cf. V. Wessetzky, MDAIK 33 (1977), pl. 44, bloc II et J. Brinks, L. Gestermann et al., GM 93 (1986), ill. 2. Ce dernier bloc porte le no d'inventaire KAS 86/11 dans L. Gestermann, "Neue Spuren des ptolemaïschen Tempels am Kôm al-ahmar bei Saruna", MDAIK 48 (1992), pl. 3b. En outre, une inscription de la tombe de Padiamon présente le défunt comme le serviteur d'Harsiesis, cf. J. Binks, L. Gestermann et al., GM 93 (1986), pp. 74-75.

456 Dendara, D. G.I. III, pl. XCIII (= notre document B8). La légende du mammisi de Dendara (D. mam., 114,15-16) qui décrit la déesse comme "celle qui nourrit son fils en tant qu'Anubis/futur roi" semble également faire allusion à cette maternité. Ailleurs, la déesse pourrait très bien être la parèdre du dieu.

457E. VII, 326,8-11 (= notre document F3) et D. mam., 124,10 ( notre document D8). A ces attestations en langue égyptienne, ajoutons le témoignage d'un papyrus grec qui date de 282 après J.-C. et qui fait mention d'un prêtre attaché aux temples d'Anubis, de Leto (= Ouadjyt) et des grands dieux associés dans le village de Laura, dans le Cynopolite, cf. B.P. Grenfell et A.S. Hunt, The Oxyrhynchus Papyri, part X, London 1914, no 1256 (référence fournie par J. Yoyotte).

458 Cf. notre document H3.

l'autre empoigne un rouleau de papyrus459. Le dieu qui ne semble pas être muni de son pagne habituel est dans une attitude moins figée que d'ordinaire. Derrière lui, un Anubis "maître du temple", anthropomorphe, clôt la section consacrée au XVIIIe nome. Comme nous le verrons en détail plus loin, l'embaumement d'Osiris est une tâche essentielle de l'Anubis du XVIIIe.

Dans le programme décoratif de la cella, la scène s'intègre dans un inventaire qui regroupe les Osiris momifiés de dix villes situées principalement en Haute Egypte460.

Presque toutes les figures qui ont pu être identifiées nous renvoient au territoire du XVIIIe nome et plus particulièrement à la ville de Het-nesout à laquelle elles sont d'une manière ou d'une autre liées461. Het-nesout, nous l'avons vu, était la capitale du XVIIIe jusqu'à ce qu'elle soit détrônée par Hardaï, au plus tard au Nouvel Empire. Comme le montrent les nombreux restes archéologiques mis en évidence sur le site de Kôm el-Ahmar Saouâris, le changement de capitale ne signifia pas pour autant la disparition ou le déclin de cette métropole. Dans la géographie sacrée, qui enregistre des données anciennes, la ville, on l'a vu, sut même se maintenir au même rang que la nouvelle capitale, Hardaï. Ce maintien se manifeste en particulier dans les différentes versions du rituel de présentation des offrandes qui citent Het-nesout avant Het-benou (Hardaï) dans son texte d'offrande. Il en va de même des manuels sacerdotaux, dont procède la grande procession d'Edfou, qui récapitulent les données de la géographie sacrée de Het-nesout pour compléter ou même remplacer les données ressenties comme embarrassantes du fief séthien de Saka.

Les figures choisies pour représenter le XVIIIe nome dans la cella du temple d'Hibis mettent à l'honneur la ville de Het-nesout. Sous "métropole de Dounâouy" se cache probablement la métropole du nome, Hardaï, mais certainement aussi son ancienne capitale Het-nesout. On voit ainsi se confirmer ce que Heike Sternberg-el Hotabi avait déjà démontré pour la région hérakléopolite: la décoration de la cella du temple d'Hibis est une codification en images des donnés sacrées qui étaient conservées dans les bibliothèques des temples et qui, dans les temples tardifs, seront consignées par écrit dans les monographies. A cette présentation qui

459 H. Willems, Chests of Life, Leiden 1988, p. 158, qui fait un rapprochement entre le thème de la navigation vers Saïs et les Stundenwachen, remarque que les textes égyptiens font des analogies entre navigation et momification d'Osiris sur son lit funéraire. Il cite à ce propos l'"Anubis qui est dans sa barque" du temple d'Hibis. Or, même si son raisonnement est correct, il ne faut pas perdre de vue que, dans la cella d'Hibis, les divinités à porter l'épithète "qui est dans sa barque" sont nombreuses, cf. par exemple, Horus de Behedet au début du IIe registre de la planche 4, Nemty à la fin du IVe registre de la même planche ou encore Hormerty à la fin du Ve registre de la planche 3.

460 Ces villes sont Thèbes, Abydos, Panopolis, la métropole de Dounâouy, Oxyrhinchos, Hérakléopolis, Atfih, Memphis, Héliopolis et Behbeit el-Hagar. Une partie de ces villes seulement sont représentées dans l'inventaire du même type gravé dans la chapelle osirienne est no 3 de Dendara, cf. S. Cauville, BdE 118 (1997), pp. 113-121 et pp. 261-262. La capitale du XVIIIe en est malheureusement absente.

prend en compte, de manière très pertinente, les rapports complexes entre l'image et l'écrit ainsi que les thèmes cosmographiques et théologiques développés en commun par les vignettes du temple d'Hibis et les monographies tardives, j'ajouterai volontiers les différentes versions du rituel de présentation des territoires dont les données comme celles de la cella d'Hibis ont été compilées avant l'époque ptolémaïque462.

Par rapport à la richesse et la complexité de la décoration d'Hibis, les défilés des divinités

Par rapport à la richesse et la complexité de la décoration d'Hibis, les défilés des divinités