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La fonction pastorale d'Anubis dans la documentation générale

Partie 2: Les attributions d'Anubis dans les temples tardifs

A. Le maître du bétail et le fournisseur de viandes

2. La fonction pastorale d'Anubis dans la documentation générale

La fonction pastorale d'Anubis n'est pas une création des prêtres des époques tardives. Bien que les textes et les décors n'y fassent allusion qu'occasionnellement, elle est une donnée attestée à toutes les époques. Le dieu étant mieux connu pour ses activités funéraires, on s'est bien sûr interrogé sur les origines de cette attribution. Pour certains, la forme canine du dieu explique cette fonction. D'autres y voient pour origine la filiation maternelle d'Anubis, qui est fils de la vache Hésat. Pour d'autres, enfin, la fonction procède de la proximité géographique existant entre les cultes d'Anubis et du taureau Bata qui, on l'a vu, sont tous deux vénérés à Saka dans le XVIIe.

2.1. Les canidés comme gardiens de troupeaux

L'hypothèse selon laquelle la nature canine d'Anubis l'aurait prédestiné à son rôle de gardien de troupeaux695 pose un certain nombre de problèmes. Nous avons vu, dans l'introduction, que du point de vue des zoologues l'animal qu'incarne Anubis, tout comme les autres dieux canidés, n'est pas un chien, mais un chacal ou éventuellement un renard696. L'animal, de par sa nature, est donc plus un prédateur qu'un veilleur de troupeaux. Dans la formule du papyrus magique Harris, précédemment évoquée, le prêtre qui s'identifie à Horus exhorte précisément

"le méchant chacal" (wnS bin) à se tenir tranquille sous peine d'être ligoté697. Le chacal, même s'il n'est pas dangereux pour le gros bétail, est un animal qui circule la nuit et à l'aube et qui peut se nourrir de bêtes de troupeaux, en particulier d'agneaux et de chevreaux698.

695 Dans une note relative à l'épithète de bon bouvier qui est régulièrement appliquée à Anubis dans le papyrus démotique de Londres et de Leiden, F. Ll. Griffith et H. Thompson se demandent si les chiens étaient utilisés en Egypte pour garder les troupeaux, cf. The Demotic Magical Papyrus of London and Leiden, London 1904, note p. 24. Plus récemment, A. Egberts, In Quest of Meaning, pp. 339-340, tout en soulignant l'absence de chiens dans la fonction de gardien de troupeaux, suppose que les Egyptiens étaient conscients de l'analogie existant entre l'animal et la fonction. Cette hypothèse a été reprise par Chr. Leitz, Die Aussenwands des Sanktuars in Dendara. Untersuchungen zur Dekorationssystematik, MÄS 50 (2001), p. 190.

696 Pour l'hypothèse du renard, cf. D. J. Osborn et J. Osbornová, The Mammals of ancient Egypt, Warminster 1998, pp. 75-79.

697Pap. BM 10042[21], vs. 1, 1-2, 2, cf. H. Lange, Der magische Papyrus Harris, Copenhague 1927; J.F.

Borghouts, Ancient Egyptian Magical Texts, NISABA 9, Leiden 1978, spell 83, p. 50, Chr. Leitz, Magical and Medical Papyri of the New Kingdom, Catalogue of HPBM VII, Londres 1999, pp. 47-48, pl. 21.

698 D. J. Osborn et J. Osbornová, op. cit., p. 55.

Si l'on considère malgré tout l'animal d'Anubis comme un chien, - les Egyptiens des époques tardives consacraient, on l'a vu, des chiens à Anubis699 -, le problème n'en est pas résolu pour autant, car rien n'indique que ces animaux secondaient les gardiens de troupeaux dans leurs tâches700. Les chiens, utilisés parfois à la garde des maisons701, participaient à des activités militaires, telles la surveillance des déserts. On les rencontre également sur les champs de bataille du Nouvel Empire, en train de courser les ennemis que le roi poursuit avec son char.

Mais leur activité principale, dès les époques les plus reculées, est la chasse. Les tombes de l'Ancien et du Moyen Empire, particulièrement riches en scènes de chasse dans le désert, se plaisent à montrer lévriers et autres espèces de chiens à la poursuite du gibier. Souvent transpercées de flèches, les victimes sont ensuite terrassées par les chiens qui ne s'en prennent pas seulement aux lièvres, mais également à du gros gibier, tel les oryx, les ibex, les gazelles et même les taureaux sauvages!702

Quelle que soit l'identification proposée, on ne décèle chez le canidé aucune attitude de bienveillance qui pourrait éventuellement expliquer la fonction pastorale du dieu. Au mieux peut-on supposer l'inverse à savoir que cette fonction pastorale procède non pas d'une disposition positive du canidé envers les troupeaux, mais de sa nature agressive et hostile. Ce processus d'inversion est, on le sait, très bien attesté dans les fables animales où prédateurs et victimes cohabitent en toute amitié. En Egypte, les contes mettant en scène des animaux participaient essentiellement de la tradition orale703. Leur existence est toutefois assurée par des dessins, reproduits sur de nombreux ostracas et quelques papyri, et qui étaient parfois légendés par de petits textes. Ces illustrations, qualifiées de satiriques, montrent par exemple dame souris, confortablement installée sur un siège, avec ses servantes les chattes qui la coiffent et lui servent à boire ou encore une chèvre en train de disputer une partie de senet

699 Des chiens figurent parmi la faune momifiée consacrée au dieu, notamment celle de Hardaï, cf. D. Kessler, Die heiligen Tiere und der König, ÄAT 16 (1989), p. 24 et p. 30 où il est question de la section qui administre, à Saqqarah, les momies de canidés, une section appelée "le chien" (pA iwiw). De même, le P.Jumilhac XV,9-XVI,22 donne une liste de 10 chiens (9 Tsm et 1 iwiw), hypostases de différentes divinités, qui sont enterrés dans les principales nécropoles de canidés d'Egypte. La présence de chiens parmi les animaux momifiés, on l'a vu, n'est pas une preuve irréfutable de la nature canine du dieu. Les momies consacrées à Horus renferment toutes sortes de rapaces (milans, aigles, éperviers, balbuzards, buses), alors que le dieu est toujours représenté sous les traits d'un faucon. Le même constat a pu être fait à propos des momies de bovins qui sont constituées de différents animaux, cf. Fr. Janot, Les instruments d'embaumement de l'Egypte ancienne, BdE 125 (2000), p. 172.

700 H.G. Fischer, "Hunde", LÄ III (1980), col. 77-82.

701 A ce propos, relevons l'utilisation, isolée, du vocable wnS (chacal) pour désigner un chien de garde dans un texte du Nouvel Empire, cf. p.Anastasi IV,13, 11-3 = Caminos, LEM, p. 189.

702 Un lévrier en train de mordre les pattes arrières d'un taureau sauvage transpercé d'une flèche est représenté dans une scène de la tombe d'Antefoqer (XIIe dynastie, Cheik Abd el-Gournah) reproduite dans D. J. Osborn et J. Osbornová, op. cit., fig. 7-38.

703 Les premières fables animales retranscrites qui nous soient parvenues datent de l'époque gréco-romaine, cf.

E. Brunner-Traut, "Fabel", LÄ II (1977), col. 68 et 70.

avec son ami le lion704. Parmi les thèmes rencontrés, celui du prédateur en train de garder ses victimes semble particulièrement apprécié des Egyptiens. Ainsi trouve-t-on, au Musée du Caire, le dessin d'un chat sauvage portant, sur l'épaule, un sac de graines suspendu à un bâton, et faisant avancer à la baguette un troupeau d'oies705. On retrouve ces volatiles sur un ostracon de Bruxelles gardés par deux personnages à tête de canidé, vêtus de longues robes et tenant des baguettes dans les mains (notre annexe 9 C)706. Un bel ostracon de Londres reprend ce thème, cette fois avec un troupeau de chèvres (notre annexe 9 B). Le premier canidé, situé à l'avant du troupeau, s'appuie sur une canne de berger et porte sur son épaule, accroché à un bâton, un sac de pâtre. Le canidé qui clôt le cortège porte le même sac et accompagne le cortège au son de sa double flûte707. Le thème de l'animal musicien est très ancien en Egypte puisqu'on le trouve déjà sur la "palette des deux chiens" découverte par Quibell à Hiérakonpolis (notre annexe 9 A)708. Conservée à Oxford, à l'Ashmolean Museum, cette palette préhistorique montre sur son verso une mêlée d'animaux réels et fabuleux encadrée par le corps de deux chiens allongés. En-bas, à gauche, un personnage à tête animale, dressé sur ses jambes ou pattes arrières, tient dans ses mains un objet oblong qu'il tient collé au museau. Aussi bien l'identité de l'animal, que la nature de l'objet ont prêté à discussion, mais la plupart des commentateurs y reconnaissent un canidé jouant de la flûte et comparent la scène aux illustrations de fables du Nouvel Empire que nous avions évoquées

plus haut709.

Le dernier document que je citerai, le plus significatif pour notre sujet, est un dessin d'un papyrus cairote qui présente deux canidés, peut-être des chacals, l'un portant une palanche,

704 Pour le lion et la chèvre, cf. E. Brunner-Traut, Altägyptische Märchen, Cologne 19867, p. 52. Les sources écrites et illustrées concernant le thème de la souris servie par des chats ont été réunies par E. Brunner-Traut, Altägyptische Tiergeschichte und Fabel, Darmstadt 19703, p. 7 avec ill. 2 et 32. Voir aussi E. van Essche, "Le chat dans les Fables et les Contes: la guerre entre chats et souris, le monde retourné", dans L. Delvaux et E.

Warmenbol (éd.), Les divins chats d'Egypte: un air subtil, un dangereux parfum, Louvain 1991, pp. 69-83.

705 On en trouvera une représentation en couleurs dans le Dictionnaire de la civilisation égyptienne de G.

Posener, S. Sauneron, J. Yoyotte, Paris 19702, p. 208.

706 Ostracon E. 6369, cf. J. Capart, Bulletin des Musées Royaux d'Art et d'Histoire (1932), p. 106, ill. 2.

707 E. Brunner-Traut, Altägyptische Tiergeschichte und Fabel, Darmstadt 19703, ill. 30 et p. 12 pour la liste des sources concernant le thème des animaux gardiens de troupeaux. Deux ostracas de Deir el-Medineh sont décorés l'un d'un canidé portant un baluchon et faisant danser une chèvre au son de sa double-flûte, l'autre d'un canidé vêtu d'un pagne et jouant de ce même instrument, cf. J. Vandier d'Abbadie, Catalogue des ostraca figurés de Deir el-Médineh, DFIFAO II,2 (1937), no 2294, pl. XLII et DFIFAO II,4 (1959), no 2848, pl. CXVIII.

708 J. Vercoutter, L'Egypte et la Vallée du Nil, t. 1: Des origines à la fin de l'Ancien Empire, Paris 1992, p. 187;

J. Vandier, Manuel I, pp. 579-583.

709 Pour Vandier, Manuel 1, pp. 583-583, il s'agit d'un renard jouant de la flûte. Pour S. Schott, Hieroglyphen.

Untersuchungen zum Ursprung der Schrift, Wiesbaden 1950, pp. 15-16, l'animal est un chacal qui fait danser tous les animaux de la palette. J. Baines, "Symbolic Roles of Canine Figures on Early Monuments", Archéo-Nil 3 (1993), p. 62, reconnaît dans l'animal musicien un canidé alors que B. Kemp, Ancient Egypt: Anatomy of a Civilization, London/New York 1989, fig. 14, voit en lui un âne musicien.

l'autre déversant le contenu d'une jarre d'eau dans l'abreuvoir d'une vache gardée dans une étable710. Un troisième canidé, portant peut-être une botte de paille, est encore en partie

lui un "veilleur excellent qui ne

être menée au plus près du dieu, en l'occurence du côté de sa mère et de ses attaches locales.

visible sur la droite du dessin (notre annexe 9 D).

Ce dessin qui met en scène des canidés dans un rôle pastoral - abreuver et nourrir les bêtes fait partie des tâches quotidiennes du bouvier711 - montre qu'il existait un terrain culturel propice à l'élaboration du thème du dieu canidé bouvier. A supposer qu'il procède d'une donnée naturelle, le motif du canidé bouvier a probablement subi le même processus d'inversion que celui constaté pour le canidé funéraire: du saccageur de tombes et prédateur de bétail qu'il est, le canidé devient, dans l'imaginaire religieux, le protecteur des défunts et des bovidés. Il est cependant bien plus probable que la fonction très ancienne d'Anubis comme gardien des tombes soit à l'origine de celle de gardien des bovidés. L'un comme l'autre doivent en effet veiller et être particulièrement vigilants de nuit, période propice aux attaques712. A cet égard, il n'est certainement pas indifférent que le chacal soit réputé en Egypte pour son acuité visuelle de nuit713. Celle-ci fait de

dort pas" comme un texte d'Edfou se plaît à qualifier Anubis714.

Mais aussi intéressants que puissent être ces parallèles entre les canidés et le dieu, ils n'expliquent toujours pas pourquoi la tradition attribue la fonction de bouvier à Anubis en particulier. Après tout, il n'est pas le seul dieu canidé en Egypte à exercer des activités de gardien715. Le rattachement spécifique de la fonction de bouvier à Anubis et à aucune autre divinité canidé indique que l'enquête doit

710 E. Brunner-Traut, Altägyptische Tiergeschichte und Fabel, Darmstadt 19703, ill. 18 et p. 13 pour la liste des sources concernant les animaux portant une palanche.

711 W. Helck, "Hirt", LÄ II (1977), col. 1220-1223. Voir aussi les nombreuses descriptions et illustrations du tome V du Manuel d'archéologie de J. Vandier consacré aux scènes de la vie quotidienne.

712 Le service horaire organisé à l'attention du défunt pour le protéger des attaques de l'ennemi était à l'origine nocturne, cf. J. Assmann, Images et rites de la mort, p. 53. De même, on l'a vu, les chacals circulent et chassent la nuit et à l'aube.

713 Cette caractéristique du chacal ressort d'une incantation qui prescrit, pour combattre l'aveuglement nocturne, de réciter la formule "[quatre fois sur] un chacal et un oeil-oudjat" (Pap. BM 10059, section VII, 13, incantation no 22), cf. Chr. Leitz, Magical and Medical Papyri of the New Kingdom, Catalogue of HPBM VII, Londres 1999, pp. 64-65 et pl. 32.

714 E. I, 171,14 (= notre document M1).

715 Je pense en particulier à Khenty-amentiou et à Oupouaout qui ont tout deux exercer les fonctions de gardiens de la nécropole d'Abydos, cf. J. Spiegel, Die Götter von Abydos, GOF IV,1 (1973), pp. 54-59.

2.2. La vache Hésat, mère d'Anubis et de la nébride

Comme la vache Sekhathor, avec laquelle elle est souvent associée dans les textes et l'iconographie, Hésat apparaît déjà dans les Textes des Pyramides716. La déesse y est présentée comme celle qui a créé (qmA) le veau d'or, le dieu solaire Rê717. Un autre passage, lacunaire, mentionne un fils d'Hésat sans que l'on puisse l'identifier718. Enfin, une formule qui évoque l'ascension du roi au ciel, note que les cordes qui composent l'échelle proviennent des muscles du taureau GAswty, alors que le cuir maintenant les échelons est celui "d'imy-out, né de la vache Hésat" (mskA n imy-wt ms(w).n @sAt)719.

Ursula Köhler, dans son étude sur l'imy-out720, avait montré que cette expression correspondait à la fois à une épithète d'Anubis et à un objet de culte, à savoir un bâton fiché dans un godet et qui soutient une peau animale dont la tête et les pattes ont été coupées.

Comme épithète d'Anubis, attestée dès les IVe et Ve dynastie, imy-out semble avoir recouvert d'abord une réalité géographique "celui qui est à out" avant de désigner, de manière assez vague, un lieu en rapport avec la momification du cadavre. "Celui qui est dans la place de momification", "qui préside aux bandelettes", "à qui est la bandelette", "l'embaumeur" sont autant de traductions différentes de cette même épithète.

La formule des Textes des Pyramides précédemment évoquée fait référence à l'objet imy-out.

Appelé parfois "nébride", du nom de la peau de faon de Dionysos, l'imy-out y est présenté comme une peau animale que la vache Hésat a enfanté. A cette époque et jusqu'au Nouvel Empire, la peau étant rattachée exclusivement à Anubis, la plupart des auteurs ont vu dans cette attestation une preuve de la très grande ancienneté de la filiation Hésat-Anubis721. Les Textes des Sarcophages présentent la déesse comme la nourrice d'un taureau blanc722 et d'un bélier aux cornes torsadées (?), également évoqué comme le maître de Chaout723.

716 Concernant les vaches divines, voir Chr. Meeks, "La vache divine, enquêtes sur ses espaces et ses fonctions", dans Chr. et D. Meeks, Les dieux et démons zoomorphes de l'ancienne Egypte et leurs territoires, J.E. 4926 du C.N.R.S., section 44, Rapport final, Carnoules 1986, pp. 76-77 pour Hésat.

717 Pyr. 1029c (= spell 485A).

718 Pyr. 2168 (= spell 696).

719 Pyr. 2080e (= spell 688).

720 U. Köhler, Das Imiut. Untersuchungen zur Darstellung und Bedeutung eines mit Anubis verbundenen religiösen Symbols, GOF IV, 4 (1975); "Imiut", LÄ III (1980), col. 149-150.

721 H. Bonnet, RÄRG, Berlin 1952, p. 42; B. Altenmüller, Synkretismus in den Sargtexten, GOF IV/7 (1975), p.

22; "Anubis", LÄ I (1975), col. 327. J.G. Griffiths, "Hesat(kuh)", LÄ II (1977), col. 1170-1171. J.-Cl. Grenier, Anubis, p. 20.

722 CT III, 61c (= spell 175).

723 CT IV, 350a (= spell 343) et CT IV, 366 a-b (= spell 344).

Allaiteuse, donc pourvoyeuse de lait, la déesse se voit aussi confier la confection de la bière, comme si ces deux liquides étaient liés724. Mais c'est la formule 781 qui fournit incontestablement les indications les plus intéressantes sur la filiation maternelle d'Anubis et sur son rôle de bouvier: "L'Osiris N., juste de voix, Anubis est debout, et il le remplit du lait de ses deux mères (mH.f sw m irtt mwty.fy). Il dénombre pour toi leurs coeurs (ip.f n.k ibw.sn), il massacre celui qui a agi contre toi (Sa.f ir r.k), (lui) le chef des gardiens (Hry sAw/mniw).

Comme tu es beau, quand tu t'appuies sur le sceptre-ouas! Horus a frappé ceux qui t'ont frappé, il a tué ceux qui t'ont tué"725.

Les deux mères d'Anubis ne sont pas nommées mais il est fort probable qu'il s'agisse d'Hésat et de Sekhathor, les deux responsables, par excellence, de la production laitière726. Allaiteuses, on le sait, dans les mammisis, c'est peut-être elles que l'on retrouve au pied d'Anubis sur un linceul funéraire d'époque romaine (= notre annexe 10 F)727. Outre le titre ip

724 CT VII, 27a (= spell 826) qui évoque le pain de Geb et la bière de Hésat. Voir aussi W. Helck, Das Bier im alten Ägypten, Berlin 1971, p. 104, qui cite un texte de la tombe de Nebounenef (TT 157) du règne de Ramsès II dans lequel le défunt déclare boire "du vin, de la bière Dsrt et du lait de la vache Hésat". Les trois liquides sont également associés dans les temples tardifs, notamment sur la paroi est du sanctuaire d'Edfou, où une offrande de lait, une offrande de bière et une offrande de vin sont superposées sur trois registres, cf. E. I, pl. XVII. W.

Guglielmi, "Die Biergöttin Menket", Aspekte Spätägyptischer Kultur, Festschrift E. Winter, Aegyptiaca Treverensia 7 (1994), p. 127, note 10, signale aussi l'usage tardif du terme mnqt - la cruche de bière ainsi que la déesse chargée de la fabrication de la bière - pour désigner le lait, cf. Ombos I, 35, no 26 où il est question du lait-mnqt d'Isis, trad. Fr. Daumas, Mammisis, p. 179.

725 CT VI, 412a-f (= spell 781), trad. P. Barguet, Textes des Sarcophages, p. 41.

726 Chr. Meeks, dans son étude inédite sur les vaches divines, a montré que les déesses-vaches se scindaient en deux grandes catégories: celles à références cosmogoniques (Meret-ouret, Nout, Hathor) et celles dont la fonction est en relation avec le roi qu'elles alimentent et protègent (Sekhathor, Hésat), cf. Chr. Meeks, "La vache divine, enquêtes sur ses espaces et ses fonctions", dans Chr. et D. Meeks, Les dieux et démons zoomorphes de l'ancienne Egypte et leurs territoires, J.E. 4926 du C.N.R.S., section 44, Rapport final, Carnoules 1986, pp. 77-78. J.-Cl. Grenier, Anubis, p. 20, reconnaît également Sekhathor et Hésat dans ces deux déesses.

727 E. Bresciani, "A propos de la toile funéraire peinte trouvée récemment à Saqqara", BSFE 76 (1976), pp. 16-17, 21-22 et Tele funerarie dipinte nell'Egitto romano, Lucca 1996, p. 32 et 35 (linceul de Bakenrenef, Le Caire JE 9/12/95/1). Du fait de l'origine memphite du linceul, E. Bresciani a identifié les deux bovidés momifiés d'abord comme Apis et Mnévis, puis comme l'Apis mort et sa mère. Les cornes lyriformes indiquent toutefois que l'on a affaire à deux vaches. Le fait qu'elles soient momifiées n'est pas un obstacle à l'identification proposée, les vaches sacrées étant souvent représentées sous cette forme aux époques tardives (par exemple A.

Kamal, CGC, stèle 22180, qui commémore la mort de la vache Isis-Hésat sous Ptolémée Ier Sôter), mais aussi aux époques précédentes (par exemple Mehet-ouret dans la vignette 17 du Livre des Morts de Hounefer, cf. R.O.

Faulkner, Book of the Dead, London 19852, p. 47). De même, la vignette du chapitre 148 du Livre des Morts consacrée aux sept vaches célestes et à leur taureau présente, toute époque confondue, tantôt des vaches vivantes (Nakht, P.British Museum 10471, XVIIIe-XIXe dynastie), tantôt des vaches momifiées (Ani, P.British Museum 10470, XIXe dynastie) comme si les deux formes étaient équivalentes. Dans les stèles du Bucheum, en revanche, la forme momifiée du taureau Bouchis est typique de l'époque romaine, alors que les représentations du taureau vivant datent de l'époque ptolémaïque, cf. H.W. Fairman, The Bucheum II (1934), pp. 36-37. Bien qu'Anubis soit présenté, dans quelques documents, comme l'embaumeur des animaux sacrés (par exemple stèle de Bouchis du règne d'Auguste, Bucheum II, stèle no 14, pl. XLIII, pp. 13-14), il ne semble pas être représenté comme tel sur notre linceul romain: vêtu d'une longue robe et coiffé d'un noeud (!) de couleur rose, il se tient simplement debout derrière les deux vaches. Pour les références aux scènes d'allaitement, cf. infra, p. 151, note

Faulkner, Book of the Dead, London 19852, p. 47). De même, la vignette du chapitre 148 du Livre des Morts consacrée aux sept vaches célestes et à leur taureau présente, toute époque confondue, tantôt des vaches vivantes (Nakht, P.British Museum 10471, XVIIIe-XIXe dynastie), tantôt des vaches momifiées (Ani, P.British Museum 10470, XIXe dynastie) comme si les deux formes étaient équivalentes. Dans les stèles du Bucheum, en revanche, la forme momifiée du taureau Bouchis est typique de l'époque romaine, alors que les représentations du taureau vivant datent de l'époque ptolémaïque, cf. H.W. Fairman, The Bucheum II (1934), pp. 36-37. Bien qu'Anubis soit présenté, dans quelques documents, comme l'embaumeur des animaux sacrés (par exemple stèle de Bouchis du règne d'Auguste, Bucheum II, stèle no 14, pl. XLIII, pp. 13-14), il ne semble pas être représenté comme tel sur notre linceul romain: vêtu d'une longue robe et coiffé d'un noeud (!) de couleur rose, il se tient simplement debout derrière les deux vaches. Pour les références aux scènes d'allaitement, cf. infra, p. 151, note