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Partie 1: Les XVIIe et XVIIIe provinces de Haute Egypte

B. Les territoires cynopolites dans les inscriptions géographiques des temples

1. Les processions géographiques

1.1. Définition

Sous le terme générique de "processions géographiques", la tradition égyptologique regroupe les séries parallèles de provinces du sud et du nord qui ornent dans un ordre topographique les soubassements des temples237. Attestées déjà à l'Ancien Empire, quand les provinces correspondaient à des territoires administratifs réels238, les processions géographiques étaient alors essentiellement orchestrées autour de la figure du roi, grand monarque d'Egypte239. Cet aspect régalien, encore présent au Moyen Empire240, s'estompe dans les processions géographiques du Nouvel Empire dans lesquelles les provinces, conduites par le roi, apportent les produits des territoires d'Egypte au dieu local, maître du pays entier. Ce type de procession, considéré comme l'ancêtre direct des défilés des époques gréco-romaines241, est attesté pour la première fois sur le soubassement de la chapelle rouge d'Hatshepsout à

237 Des processions géographiques sont également gravées sur d'autres supports, par exemple sur la base du colosse d'Amenhotep III au Xe pylône de Karnak. Une représentation partielle de cette magnifique procession se trouve dans le catalogue de l'exposition Aménophis III, le Pharaon-Soleil, Paris 1993, p. 159

238 J. Yoyotte, Ann. Collège de France 1991-1992, p. 625.

239 A l'Ancien Empire, le bénéficiaire des offrandes était le roi ou un particulier. La plus ancienne liste, concernant la Haute Egypte, est celle du temple de la vallée de Snéfrou. Cette liste mettant en scène les domaines de chaque province n'a conservé que dix nomes de Haute Egypte (IXe au XVIe, XVIIe et XXIIe) et un nome de Basse Egypte (XIIIe), cf. A. Fakhry, The monuments of Sneferu at Dashour II. The Valley Temple I, the Temple Reliefs, Le Caire 1961, fig. 9-18; H. Jacquet-Gordon, Le nom des domaines funéraires sous l'Ancien Empire égyptien, BdE 34 (1962), pp. 126-128. On remarquera que dans cette composition, ce sont les domaines, les Hwt, qui apportent les offrandes - le signe Htp avec une aiguière et un pain conique -, les provinces, les spAt, sont simplement représentées par leur enseigne spécifique. C'est dans la "Weltkammer" du temple solaire de Niouserrê que figure le premier défilé de personnifications de provinces portant leur tribut symbolisé par le signe Htp, cf. F. W. Freiherr von Bissing, ASAE 53 (1955), p. 320 et pl. IV; H. Kees, ZÄS 81 (1956), pp. 33-40 avec ill.; E. Edel, St. Wenig, Die Jahrenzeitenreliefs aus dem Sonnenheiligtum des Königs Ne-user-re, Berlin 1974, pl. 5-7, 30-32.

240 La plus ancienne liste complète des nomes d'Egypte est celle qui décore la chapelle blanche de Sésostris Ier à Karnak, un podium de couronnement royal, cf. Cl. Traunecker, Coptos, p. 399.

241 H. Beinlich, "Gauprozession", LÄ II (1977), col. 417-418; Cl. Traunecker, Coptos, p. 399.

Karnak242. Il n'est cependant pas déraisonnable d'envisager des modèles remontant au Moyen Empire comme semble l'indiquer la procession memphite de Mît Rahineh243.

Avec le temps, les données géographiques des processions ont perdu de leur réalité historique. Les sepat, que l'on traduit à la suite des Grecs par nomes244, et qui désignent à l'origine les territoires irrigués245, se voient attribuer des lieux sacrés dont la nomenclature est soigneusement transmise par les prêtres, sans grands égards par rapport aux réalités du moment246. De ce fait, le nombre même des provinces citées par les listes est sujette à caution si l'on entend s'en emparer pour traiter de géographie historique.

La chapelle blanche de Sésostris Ier fait apparaître vingt-deux nomes en Haute Egypte et seize en Basse Egypte, soit trente-huit provinces en tout. Le nombre des provinces de Haute Egypte sur les listes les plus anciennes comme sur les plus récentes est constamment de vingt-deux. Elles sont toujours énumérées dans le même ordre, à savoir du sud au nord suivant le cour naturel du Nil. Le nombre des provinces du Delta répertoriées par les listes est allé en augmentant, passant de seize au Moyen Empire à vingt-deux sous Ptolémée IX Sôter II. Leur énumération ne suit pas d'ordre canonique, la configuration physique du Delta, aussi large que haut, sans régions naturelles et historiques bien nettes, n'ayant pas imposé de règle fixe. Par

242 P. Lacau et H. Chevrier, Une chapelle d'Hatshepsout à Karnak I, Le Caire 1977, pp. 69-89.

243 J. Yoyotte, BIFAO 61 (1962), pp. 87-88.

244 Hérodote déjà utilisait le terme nomos à propos, notamment, de l'Egypte pour désigner une grande subdivision territoriale comme le nome Thébaïque (II, 91). Le terme français qui en a été tiré, "nome", est utilisé pour parler de différentes réalités géographiques et administratives: 1) les spAt ou "provinces" c'est-à-dire les divisions territoriales de l'Egypte à l'Ancien et au Moyen Empire que la géographie sacrée a maintenues fictivement jusqu'à l'époque romaine, 2) les qaHt et les tS, deux vocables nouveaux de la langue administrative du Nouvel Empire pour désigner les circonscriptions administratives réelles, cf. Gardiner, P.Wilbour II, p. 40, W.

Helck, "Gaue", LÄ II (1977), col. 385, D. Kessler, SAK 9 (1981), pp. 227-228 et J. Yoyotte, Strabon, le voyage en Egypte, Paris 1997, p. 66, note 19.

245 Le signe qui note sepat figure un terrain silloné de canaux et de rigoles. De toute évidence, le mot désignait anciennement les régions irriguées, des territoires que l'on peut supposer de maigre étendue au début. La désignation ancienne des nomarques aD-mr, littéralement "celui qui creuse le canal" rappelle le travail d'aménagement dont la vallée du Nil a dû faire l'objet au début de l'histoire et l'importance des techniques d'irrigation dans la conquête de nouveaux sols, cf. J. Yoyotte, "nomes", Dictionnaire de la civilisation égyptienne, Paris 1959 et 1970, pp. 190-192. La massue du roi scorpion qui montre le roi, auprès d'un cours d'eau, une houe à la main, est souvent citée pour prouver l'existence de systèmes d'irrigation dès les plus hautes époques. Ce point de vue a été contesté notamment par Jean Vercoutter, L'Egypte et la Vallée du Nil I: Des origines à la fin de l'Ancien Empire, Paris 1992, pp. 32-33, qui souligne, avec raison, que non seulement la population était encore peu nombreuse au début de l'époque historique, mais qu'en plus l'Egypte était alors traversée par une phase humide qui permettait de tirer de bons rapports des sols. Notons que si ces remarques remettent en doute l'utilisation très ancienne et surtout intensive des techniques d'irrigation, elles ne concernent pas à proprement parler le creusement des canaux qui, outre leur fonction d'amener l'eau dans les zones arides, ont de tout temps servi au transport des charges et des personnes.

246 L'exemple cynopolite nous a montré comment les rédacteurs des processions tardives avaient maintenu, malgré leur unification administrative, la bipartition ancienne des territoires des XVIIe et XVIIIe nomes.

convention, l'égyptologie les dénombre en fonction de l'ordre fixé par Pierre Montet dans son ouvrage sur la géographie de l'Egypte ancienne247.

Même à l'époque lagide, le classement topographique du Delta est sujet à variations. On a vu que les hiérogrammates, peut-être mus par un souci de symétrie, avait augmenté le nombre de province du nord de vingt à vingt-deux. Dans la procession dite des canopes de la chapelle osirienne est no 2, les divinités représentant les capitales des nomes sont au nombre de deux fois vingt-et-un. Est-ce à nouveau cette même recherche de symétrie qui a incité les rédacteurs à faire coïncider les deux séries ou faut-il chercher une explication plus symbolique à ces chiffres comme certains égyptologues l'ont tenté?248 On notera, pour notre part, que le Rituel de l'Embaumement qui mentionne trente-six nomes met ce nombre en relation avec les trente-six astres, à savoir les 36 décans de l'astrologie249. Un autre passage du même Rituel explique "qu'il y a trente-six nomes où l'on accomplit les rites pour Osiris selon l'antique usage des nomes"250. Dans un cas comme dans l'autre, le rédacteur établit des correspondances et par là-même propose diverses explications du chiffre (céleste, osirienne) sans que l'une exclue l'autre. Si cet alignement du nombre de provinces à celui des décans et des osireions est tardif, il semblerait que le nombre primitif des nomes, à l'Ancien Empire, ait effectivement été de trente-six251. Le nombre des provinces, trente-six et quarante-deux, a aussi été mis en relation avec le nombre de livres que Clément d'Alexandrie attribue à Hermès252. Pour Jan Assmann, trente-six et quarante-deux sont tous deux des nombres sacrés

247 P. Montet, Géographie I, pp. 24-26.

248 Pour une mise en rapport du nombre des provinces et des reliques avec le Scolopendre d'Egypte (zpA) qui a précisément deux fois vingt-et-une pattes, cf. J.-Cl. Goyon, "Momification et recomposition du corps divin:

Anubis et les canopes", Funerary Symbols and Religion, mél. M.S.H.G. Heerma van Voss, Kampen 1988, p. 38 et surtout V. Loret, "Le mille-pattes et la chaise à porteurs de Pharaon", RdE 6 (1951), pp. 14-18.

249 S. Sauneron, Rit. emb. 29,5-7, trad. J.-Cl. Goyon, Rituels, p. 72: "Les produits protecteurs des dieux de Haute et de Basse Egypte sont parvenus jusqu'à toi, venant des trente-six nomes, et tu marcheras grâce à eux parmi les Baïs excellents, tu feras ce que tu aimes à l'intérieur du ciel car tu seras avec les astres, ton baï sera avec les trente-six astres en qui tu pourras te transformer selon ton gré".

250 Sauneron, Rit. emb., 24,12-13, trad. J.-Cl. Goyon, Rituel, p. 68: "Plantes-ânkh-imy, natron, bitume, plantes-seneb-netjery; faire trente-six paquets noués; mettre contre sa main gauche, étant donné qu'il y a trente-six dieux avec qui son baï sortira au ciel, et qu'il y a trente-six nomes où l'on accomplit les rites pour Osiris selon l'antique usage des nomes".

251 J. Yoyotte et P. Charvet, Strabon, Le voyage en Egypte, un regard romain, Paris 1997, pp. 67-68, notes 20-22. Strabon XVII, 1,3 et Diodore I, LII, 3 qui s'inspirent tout deux d'Artémidore, mentionnent le chiffre de trente-six nomes. Strabon avoue toutefois ses incertitudes en citant une autre source selon laquelle le nombre total des nomes est équivalent au nombre des cours du Labyrinthe, à savoir inférieur à trente. Comme le suggère J. Yoyotte, le chiffre 36 enregistré par Artémidore au IIIe/IIe siècle avant notre ère est sans doute issu de sources sacerdotales, alors que la nomenclature à laquelle puise Strabon reflète la nomenclature administrative d'époque lagide, cf. "La description du territoire" de l'introduction à Strabon, pp. 29-30.

252 Clément d'Alexandrie, Stromates 6, 4, 35-37, cf. Ph. Derchain, CdE XXVI, no 52 (1951), pp. 269-271 et J.

Osing, "La science sacerdotale", Le décret de Memphis, Actes du Colloque de la Fondation Singer-Polignac, D.

Valbelle et J. Leclant éd., Paris 1999, pp. 127-128. Cinq prêtres sont compétents pour "trente-six livres, qui comprennent toute la science des Egyptiens". Clément mentionne ensuite les pastophores, experts de six écrits

et des symboles de la totalité. Trente-six est le nombre des décans, les étoiles qui président au temps et au destin, et équivaut à la totalité du temps. Quarante-deux est le nombre des parties du corps d'Osiris et le nombre des nomes du pays, donc un symbole de la totalité spatiale et culturelle253.

Des trente-neuf nomes du Nouvel Empire, le nombre canonique des territoires fut porté, on l'a vu, à quarante-deux à Basse Epoque. Une fois encore, la science sacerdotale établit un lien entre le nombre des provinces et celui des lambeaux divins254. En revanche, la mise en rapport des provinces avec celui des assesseurs du tribunal divin non seulement n'est pas ancienne, mais est totalement anachronique255.

Anciennement les processions géographiques, on l'a vu, font défiler un personnage par province. Concurremment, et dans quelques temples seulement, les soubassements s'ornent à l'époque ptolémaïque d'un nouveau type de procession qui fait défiler, pour chaque nome, quatre entités: le lieu saint du nome qui est représenté par l'enseigne canonique256, le canal, le territoire agricole (ou) et le territoire riverain (pehou). Ces processions appelées quadripartites ou quadriplantes257 sont attestées à Naucratis, Edfou, Dendara, Opet et Médamoud258. La grande procession d'Edfou qui procède du Manuel sacerdotal conservé sur divers papyri

médicaux, écrits qui ne sont pas recouverts par le terme de "science des Egyptiens". Sur le contenu de ces livres et les comparaisons qui peuvent être faites avec les écrits des bibliothèques des temples (Tanis, Tebtunis), cf. J.

Osing, op. cit., pp. 127-140.

253 J. Assmann, Images et rites de la mort dans l'Egypte ancienne, l'apport des liturgies funéraires, Paris 2000, p. 126. Un discours de l'Oupouaout du Nord à Osiris, qui introduit le défilé des divinités des nomes dans la chapelle osirienne est no 2, illustre parfaitement cette idée: "Je t'apporte tes nomes, les quarante-deux sont avec toi: c'est ton corps. Tes os sont attachés pour toi, ton nom est "Souverain des capitales des nomes" (rn.k ity niwt spAwt)", tout le pays conserve ta sépulture", D. X, 83,7-8.

254 On le trouve exprimé dans la procession dite des canopes de Dendara citée plus haut où les quarante-deux nomes sont toutefois divisés, on l'a vu, en deux fois vingt-et-un. La grande procession d'Edfou mentionne également les reliques des quarante-deux provinces sans omettre celles des XIXe HE et XIe BE dont les légendes contiennent pourtant de violentes attaques contre leurs institutions, cf. H. Beinlich, Osirisreliquien, Äg.Abh. 42 (1984), p. 209 et ses tableaux aux pp. 314-315. La mise en rapport entre les membres divins et les nomes est d'autant plus aisée que le nombre de reliques varie d'une liste à l'autre, cf. par exemple le P.Jumilhac III,19-IV,8 et V, qui cite 14 reliques en tout.

255 C'est A. Erman, Die ägyptische Religion, Berlin 1905, p. 106, qui fut l'un des premiers à mettre en rapport le nombre des assesseurs avec celui des nomes. Depuis, cette idée, largement diffusée dans la littérature égyptologique, a été mise en doute. On l'a vu, ce n'est qu'à Basse Epoque que le nombre de provinces a été porté à quarante-deux, alors que la date de composition du chapitre 125 du Livre des Morts remonte à la seconde période intermédiaire. Pour les critiques, voir Ch. Maystre, Les déclarations d'innocence, RAPH 8, Le Caire 1937, p. 132, ainsi que J. Yoyotte, Le jugement des morts, SO, Paris 1961, p. 60.

256 Comme le souligne J. Yoyotte, BIFAO 61 (1962), p. 84, note 2, la notion géographique exprimée par les enseignes s'est confondue, avec le temps, avec le territoire de la métropole religieuse de chaque province. C'est pour cette raison que, dans les processions de nomes, les provinces apportent presque systématiquement leur métropole, c'est-à-dire le ou les signes emblèmes suivis du t et du déterminatif de la ville.

257 L'expression "quadripartite" est utilisée par S. Cauville, BIFAO 92 (1992), p. 70, "quadruplantes" par J.

Yoyotte, Ann. Collège de France 1993-1994, p. 685

258 Deux blocs de Naucratis, gravés sous Ptolémée Ier, portent les restes d'une procession quadripartite, la plus ancienne attestée à ce jour, cf. J. Yoyotte, Ann. Collège de France 1993-1994, p. 688-689.

mentionne également ces parties, mais sous la forme d'une liste qui contient également les noms d'autres composantes géographiques et cultuelles, telles que le lac ou le verger sacré.

Les légendes des processions géographiques d'époque ptolémaïque et romaine partagent toutes la même structure. Elles mentionnent en premier le nom du roi qui emmène la procession et le bénéficiaire divin à qui sont adressées les offrandes. Si la plupart du temps, ce bénéficiaire est unique - tel Horus à Edfou ou Hathor à Dendara - il arrive que plusieurs divinités se partagent les offrandes de la procession: Sobek et Haroéris à Kom Ombo, l'ensemble du panthéon local à Coptos259. L'apport de chaque entité géographique est ensuite commentée dans une ou deux colonnes gravées derrière la personnification géographique. Le texte débute par la description de l'offrande proprement dite. Elle est suivie d'un attendu théologique qui justifie l'offrande en mettant en relation le dieu bénéficiaire avec un des dieux locaux de la province représentée260.

1.2. Iconographie

Elle est très répétitive. Les nomes sont le plus souvent symbolisés par un personnage masculin ventru, aux seins pendants, jadis appelés "Nils"261. Parmi les listes de nomes examinées dans notre étude, seul le cortège de Kom Ombo fait alterner ces personnages barbus avec des femmes vêtues de leur longue robe habituelle. Aucune ne présente des personnages masculins normaux auxquels les décorateurs recourent d'ailleurs très rarement pour symboliser des composantes géographiques262.

Les processions quadripartites alternent femmes et génies. Les premières représentent le nome et le territoire agricole, les seconds le canal et le territoire riverain. En tant que génies des processions "hydrologiques"263, les personnages ventrus sont particulièrement aptes à symboliser les espaces aquatiques que sont le canal - à savoir le bras d'eau qui dessert le port local et qui irrigue la province -, et le territoire riverain constitué de marécages. La femme qui

259 Cl. Traunecker, Coptos, pp. 401-402.

260 On parle à ce propos aussi de justification théologique ou de texte mythologique.

261 J. Baines, Fecundity Figures, Warminster 1985, pp. 112-116, présente l'historique de ce terme et les raisons pour lesquels il convient de l'abandonner. La principale est que les figures désignées de la sorte ne sont pas toutes des Hapy (cf. nos entités géographiques!) et que Hapy n'est pas le Nil. Pour d'autres références, voir Cl.

Traunecker, Coptos, p. 401, note 2068.

262 La procession de Coptos, remarquable en divers points, alternent des hommes vêtus d'un pagne et d'un corset avec des femmes. Comme le note Cl. Traunecker, Coptos, p. 401, les personnifications masculines de ce type sont rares.

263 L'expression est de J. Yoyotte, Ann. Collège de France 1993-1994, p. 686, et désigne les processions de

"Nils"

personnifie dans d'autres cortèges aussi les terres fertiles est la représentante idéale du territoire agricole264. Que cette distribution des rôles réponde à des critères bien établis pour ne pas dire rigides, cela nous est montré par la procession d'Opet, où les décorateurs, devant la perturbation engendrée par l'omission du canal, ont préféré intervertir le ou et le pehou plutôt que de modifier la sélection des figurants265. On constate davantage de liberté pour la province qui, on l'a vu, peut être personnifiée par un génie de la crue, une femme ou un même un homme.

Le contenu des plateaux est presque partout identique et correspond à un modèle déjà attesté au Nouvel Empire (voir notre annexe 3D): un sceptre ouas, parfois fiché dans un pain, figure au centre, avec de part et d'autre une aiguière sommée d'une ou de plusieurs fleurs de lotus.

Sous le plateau, des tiges végétales et florales, parfois un signe ankh, pendent de part et d'autre de l'extrémité inférieure du sceptre ouas. Ces décorations, très esthétiques, qui ne figurent pas dans tous les défilés expriment sans doute que les produits offerts à la divinité du temple sont gages de fertilité et de vie266.

Par rapport à la richesse des offrandes qui s'amoncellent sur les plateaux des processions du Nouvel Empire, les aiguières et les lotus des compositions ptolémaïques font piètre figure.

Alors que les légendes, au cours du temps, deviennent de plus en plus prolixes, notamment sur la nature des produits offerts à la divinité du temple, les plateaux eux se dégarnissent. A l'époque romaine, ou peut-être devrait-on dire en dehors des temples d'Edfou, de Dendara et de Philae267, on constate un regain de diversité. La procession du temple d'Opet, qui date d'Auguste, fait défiler les personnifications des provinces avec un plateau chargé d'aliments et de produits spécifiques à chaque lieu. Le ou présente des épis et le pehou les aiguières sommées de lotus. De façon comparable, le plateau d'offrandes des défilés romains de Coptos et de Médamoud est différent pour chaque nome268. Même à Kom Ombo, où l'aspect des

264 Les prairies ou campagnes (sxt) qui défilent avec les génies de la crue et qui apportent produits alimentaires et végétaux sont toujours des femmes. A Opet, la femme qui personnifie le ou est précisément coiffée du signe sxt alors que le pehou porte le signe du canal.

265 Cette procession fait défiler, je le rappelle, la divinité du nome, le nome (femme), le pehou (génie de la crue) et le ou (femme).

266 Dans les exemples les mieux dessinés, on reconnaît des boutons et des fleurs de lotus au bout des tiges. Dans

266 Dans les exemples les mieux dessinés, on reconnaît des boutons et des fleurs de lotus au bout des tiges. Dans