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Partie 1: Les XVIIe et XVIIIe provinces de Haute Egypte

B. Les territoires cynopolites dans les inscriptions géographiques des temples

4. Les litanies

4.1. Description générale

E1: Edfou VIII, 7,3-4 (Ptolémée XII Neos Dionysos) E2: Dendara II, 131,2-3 (Fin de l'époque ptolémaïque) E3: Dendara X, 283,15-284,3 (Fin de l'époque ptolémaïque)

Sous le nom général de "litanies", les savants ont regroupé des récitations de nature très diverses: des textes à caractère théologique, tels les litanies du soleil, des textes de géographie religieuse, tels les litanies adressées à un dieu spécifique que l'on localise dans toutes les villes du pays selon l'ordre canonique des nomes, ou encore des invocations rythmées à une divinité donnée qui est évoquée sous toutes ses formes et dans ses principaux lieux de culte, telles les listes d'Osiris500. Au sens le plus large, tout texte qui se présente sous la forme d'une liste de noms et qui est destiné à être récité peut être considéré comme une litanie501.

La forme de litanie la plus facile à identifier est celle qui énumère des noms divins ou royaux précédés de la préposition n "pour". En font partie la liste royale et le catalogue des divinités du temple de Séthi Ier à Abydos ou encore la litanie à Sokaris contenue dans le Livre des Heures qui s'apparente à celle du chapitre 142 du Livre des Morts, mêlant épithètes du dieu et lieux de résidence502. Ces litanies, dont la récitation s'accompagnait souvent de fumigations,

500 S. Sauneron, "Les litanies en Egypte", Esna VIII, Le Caire 1982, pp. 3-4; J. Assmann, Das Grab des Basa (Nr. 389) in der thebanischen Nekropole, Mainz 1973, ppp. 86-92; id. "Litanei", LÄ III (1980), col. 1062-1066.

M.A. Stalder, "The Funerary Texts of Papyrus Turin N. 766: a Demotic Book of Breathing", Enchoria 26 (2000), pp. 119-124.

501 Une liste d'Hathor dépourvue d'une formule cadre invitant le lecteur à la récitation n'est pas à proprement parler une litanie, même si elle constituait pour les rédacteurs la matière première pour une telle composition. En revanche, si les noms et épithètes divines sont introduits par une formule du type "inD Hr.k" comme dans la liste d'Hathor du Papyrus de Ns-bA-nb-Dd II (rituel de Sokaris, l. 60-69), alors cette liste prend la forme d'une litanie, cf. G. Burkard, Spätzeitliche Osiris-Liturgien im Corpus der Asasif-Papyri, ÄAT 31 (1995), p. 245. De même si l'élément qui varie - les déclarations faites sur la divinité - se présente sous forme de phrases dépourvues du caractère énumératif de la liste, alors le texte ne sera pas à proprement parler une litanie. Dans le vocabulaire de J. Assmann, LÄ III (1980), col. 1964-1064, une telle composition correspondra à un "poème anaphorique en strophes".

502 La litanie d'Osiris du P.Greenfield appartenant à une princesse de la XXIe dynastie est de même nature, cf.

E.A. Wallis Budge, The Greenfield Papyrus in the British Museum, London 1912, pl. CXIII. Ce papyrus qui contient un exemplaire du Livre des Morts propose en annexe toute une série de litanies dont une adressée à Anubis, cf. P.Greenfield, pl. CXIII, traduction, p. 89. Les lignes dédiées à Anubis concluent en fait une litanie adressée à Osiris, Horus et Isis. Le Livre des Cavernes comporte aussi une litanie d'Anubis, cf. A. Piankoff, BIFAO 42 (1944), pp. 10-12, BIFAO 43 (1945), pl. XC-XCII pour le texte et la traduction. J. Assmann, LÄ III (1980), col. 1064, considère cette dernière composition comme une forme intermédiaire entre la litanie et le poème anaphorique en strophes.

sont appelées "litanies d'offrande" lorsqu'elles sont introduites par le terme wdn/wdnw503. Le plus souvent, la formule initiale précise que la litanie est récitée pour le dieu "dans tous ses noms et dans toutes ses places"504.

Les litanies qui nous intéressent sont celles qui sont organisées géographiquement. Nous avons vu que la plupart des litanies mentionnaient des lieux de culte, mais souvent les toponymes apparaissent dans le désordre et se mêlent à des épithètes visant à décrire des aspects théologiques de la divinité invoquée ou des activités auxquelles elle préside505. Parmi les litanies qui offrent un intérêt géographique, nous avons déjà signalé le Livre des Heures qui invoque les Osiris locaux et "tous les dieux et déesses" des métropoles de l'Egypte. Pour la région cynopolite, nous avions signalé l'omission de Saka dans le XVIIe et la présence de deux métropoles, Het-redjou (variante Hardaï) et Het-nesout, pour le XVIIIe. Dans la litanie de Sobek transmis par le Livre du Fayoum, l'énumération des formes du dieu crocodile suit également l'ordre canonique des nomes506. Les capitales de Haute Egypte sont désignées généralement par la formule "métropole du nome un tel", mais parfois aussi par leur nom507. C'est le cas des villes du XVIIIe, Hardaï et Het-nesout, qui s'intercalent, dans la version hiéroglyphique Boulaq/Hood/Amherst (B/H/A) entre un tableau détruit, très probablement

503 S. Schott, "Eine ägyptische Bezeichnung für Litaneien", Festchrift H. Grapow, Ägyptologische Studien, O.

Firchow éd., Berlin 1955, pp. 289-295.

504 Le P.Louvre N. 3176, d'époque ptolémaïque, contient par exemple une litanie qui a pour titre "Litanie d'offrandes (wdnw) pour Ptah-Sokar-Osiris dans tous ses noms, en tous ses lieux où son ka aime à être", cf. P.

Barguet, Le Papyrus N. 3176 (S) du Musée du Louvre, BdE 37 (1962), col. III, l. 19-21. La formule, très courante, se retrouve également sous une forme un peu plus longue (ajout de m bw nb après m swt.f nbt) dans la litanie adressée aux dieux Chtohniens contenue dans un papyrus tardif analysé et commenté récemment par J.F.

Quack, "Ein neuer funerärer Text der Spätzeit (pHohenzollern-Sigmaringen II), ZÄS 127 (2000), pp. 74-82, pl.

X.5.

505 Dans sa présentation des litanies d'Esna, S. Sauneron, Esna VIII, p. 12, consacre une petite note sur la formule finale des litanies qui a pour intérêt de résumer les principes qui ont guidé le choix des épithètes énumérées. En voici la traduction:

à tel dieu sous tous ses noms (rn);

à tel dieu sous toutes ses formes (xprw);

à tel dieu sous tous ses aspects (sStA);

à tel dieu en toutes ses résidences (st);

à tel dieu en tous les lieux où sa personne aime à se trouver.

506 H. Beinlich, Das Buch vom Fayum, Äg. Abh. 51 (1991), lignes 590-731 pour la Haute Egypte, lignes 733-824 pour la Basse Egypte. Le commentaire et les arguments de H. Beinlich concernant la forme litanique de cette composition sont développés aux pages 119-120 du même ouvrage. Dans chaque tableau, le crocodile Sobek, coiffé d'une couronne particulière, se tient devant un vase canope dont le bouchon est à tête humaine ou animale.

Malheureusement, les vignettes relatives à la Haute Egypte (pl. 45) sont très endommagées, mais l'on reconnaît tout de même un bouchon en forme de canidé pour le canope du XIIIe lycopolitain, ce qui suggère un lien iconographique entre le bouchon et la divinité principale du nome. Les tableaux relatifs aux XVIIe et XVIIIe provinces n'ont conservé ni la couronne du dieu, ni le canope qui lui était associé.

507 Dans la version hiératique publié par G. Botti (Bo. A), Hout-sekhem et Abydos représentent respectivement les VIIe et VIIIe provinces de HE. On remarquera également que la ville de Thèbes est évoquée sous son nom mythologique d'"Oeil-de-Rê".

consacré au XVIIe, et celui d'Hérakléopolis, capitale du XXe508. Comme variante à Het-nesout, la version hiératique mentionne curieusement Het-nen-Het-nesout, une désignation tardive de la métropole du XXe. Manifestement gêné par le dédoublement des métropoles représentant le XVIIIe, le rédacteur a passé directement de Hardaï à Hérakléopolis509, omettant dans un premier temps Het-nesout, puis Het-nen-nesout dans le tableau suivant, théoriquement consacré à la métropole du XXe. S'apercevant de son erreur, il a ajouté dans la marge supérieure le Het-nen-nesout manquant510, ainsi que la formule di.n.f Htpw qu'il avait omis dans le tableau dédié à la deuxième ville du XVIIIe. Il n'a, en revanche, pas modifié le nom de Het-nen-nesout en Het-nesout qui aurait été plus correct ici. Le dédoublement du XVIIIe, dans le Livre du Fayoum, peut s'expliquer par l'absence de toute ville représentant le XIXe oxyrhinchite. En effet, contrairement au défilé des déesses du mammisi romain de Dendara qui présente à diverses reprises plusieurs métropoles par nome, la litanie du Livre du Fayoum dédouble uniquement les métropoles du XVIIIe, portant ainsi au nombre canonique de vingt-deux le nombre de villes de Haute Egypte511. Quant à la métropole du XVIIe, tout porte à croire qu'elle était mentionnée dans le tableau aujourd'hui perdu, entre Mehet qui représente la XVIe province et Hardaï la XVIIIe512.

Parmi les litanies inscrites dans les temples tardifs, nous en avons retenu trois pour leur caractère géographique. Dans les trois compositions, le dieu - une fois Horus, deux fois Osiris - est invoqué sous toutes les formes qu'il peut prendre dans les nomes d'Egypte. La première que nous évoquerons, la grande litanie d'Edfou, est gravée sur le soubassement droit du pylône. Son intitulé "Adorer le maître des dieux conformément aux grands noms qu'il a dans les nomes de Haute et Basse Egypte" indique qu'il s'agit bien d'une litanie à caractère géographique. Paradoxalement, une des difficultés majeures du texte réside dans la rareté des toponymes cités. C'est en effet à travers l'identification d'Horus aux différentes divinités des nomes, soit nommément soit par l'évocation d'un trait de sa mythologie locale, que se dessine en filigrane la carte du pays et non par l'énumération de toponymes locaux. Les trois

508 Livre du Fayoum, l. 706-712.

509 Ce saut devait se faire d'autant plus aisément qu'en vertu des règles de l'inversion respectueuse <@t>-nn-nswt s'écrit <@t>-nswt-nn, cf. les graphies dans Gauthier, DG IV, p. 83 et Gardiner, Onomastica II, 113*.

510 G. Botti, La Glorificazione di Sobk e del Fayum in un papiro ieratico da Tebtynis, Copenaghen 1959, pl. V,1 et p. 52, note 4, considère, très probablement à tort, cette répétition de Het-nen-nesout comme inutile.

511 Pour la Basse Egypte, on ne compte que dix-huit métropoles (dont celle du XIe nome séthien), ce qui porte à quarante le nombre total de lieux cités.

512 Livre du Fayoum, l. 706. Les quelques hiérogylphes encore visibles dans la version hiératique indiquent que la ville était mentionnée sous la forme "métropole du XVIIe".

premières strophes sont consacrées au IIe nome apollonopolite, puis l'hymne évoque les formes locales d'Horus en suivant à peu près l'ordre géographique traditionnel513.

Les deux litanies d'Osiris de Dendara, comparables à celles du chapitre 142 du Livre des Morts, invoquent le dieu dans toutes les villes de Haute et de Basse Egypte514. La plus longue orne les parois latérales de la chapelle osirienne ouest no 1, point d'arrivée de la procession qui se déroulait à l'aube du 26 khoïak515. Les strophes, réparties à l'est et à l'ouest, selon la distribution géographique habituelle, étaient récitées alternativement au moment où les barques, parties de la chapelle orientale et ayant fait le tour de la terrasse, arrivaient dans la cour516. Le roi qui marchait en tête de la procession est représenté en train d'accomplir une fumigation à proximité de la momie d'Osiris couché sur un lit d'apparat et protégé par deux déesses ailées, Isis et Nephthys à l'est, Chentayt et Merkhetès à l'ouest. Sur le soubassement, en-dessous des quarantes colonnes de hiéroglyphes gravés sur chacune des deux parois, défilent les divinités d'Egypte. Elles rejoignent Osiris, sur la paroi nord, accompagné des mêmes déesses que dans les deux tableaux de la litanie.

A la partie géographique de la litanie succèdent des strophes à caractère théologique dont les thèmes osiriens se répondent de part et d'autre des deux parois. La litanie s'achève sur des invocations aux différentes épithètes-noms d'Osiris. Plus nombreuses à l'est qu'à l'ouest, ces invocations étaient très probablement récitées au cours d'une grande offrande alimentaire517. La deuxième litanie d'Osiris, inscrite dans l'épaisseur de la porte de la chapelle de Sokar-Osiris et sur ses montants extérieurs, est plus brève que celle du toit518. Elle est composée uniquement de l'évocation d'Osiris dans toutes les villes du pays, selon une distribution géographique peu habituelle, puisque les villes du sud apparaissent du côté nord et celles du

513 Je me réfère ici aux notes de traduction de D. Kurth, Edfou VIII, Übersetzungen (1998), pp. 10-18. D'après celles-ci, les cultes des IIIe et VIe nomes de Haute Egypte seraient dédoublés. Pour les provinces du nord, notons la position inhabituelle du VIe nome entre les XIIIe et XIVe et du XXe nome entre les XVIIe et XVIIIe.

L'absence de références géographiques claires rend certaines de ces attributions peu sûres.

514 Cf. H. Beinlich, "Zwei Osirishymnen in Dendera", ZÄS 122 (1995), pp. 5-31, qui propose une traduction et un commentaire de ces deux litanies.

515 Pour cette première litanie, on dispose aujourd'hui des volumes de S. Cauville sur les chapelles osiriennes. La litanie correspond à D. X, 282-291; traduction, BdE 117 (1997), pp. 151-156; commentaire, BdE 118 (1997), pp.

140-144.

516 Pour une description détaillée de cette procession de Sokar-Osiris à Dendara, voir S. Cauville, BSFE 112 (1988), pp. 31-35, id. Le Temple de Dendera, guide archéologique, 1990, pp. 81-82, id. BdE 118 (1997), pp. 16-17, p. 122 et 140, id. Le zodiaque d'Osiris 1997, p. 64.

517 L'hypothèse est de H. Beinlich, ZÄS 122 (1995), p. 23, qui se fonde sur l'emploi, à quatre reprises, de l'impératif "viens" et sur la mention d'officiants dans les invocations. Selon S. Cauville, BdE 118 (1997), p. 140, qui se base notamment sur une représentation monumentale de la litanie à Medinet Habou, on procédait à l'encensement des statues et à une grande offrande alimentaire lors de l'arrivée des barques dans la cour (cf. G.A.

Gaballa et K.A. Kitchen, "The Festival of Sokar", Or. 38/1, p. 4, n. 2).

518 Cf. S. Cauville, trad. D. II, OLA 88 (1999), pp. 203-207.

nord du côté sud519. Les textes sont souvent parallèles à ceux du toit, en particulier la partie introduite par la formule in iw qui marque le début des strophes. La deuxième partie est en revanche plus courte car elle évoque uniquement les rites osiriens sans indiquer le rôle des divinités locales

Le locuteur, dans la litanie de la chapelle de Sokar-Osiris, est connu. Il s'agit d'Horus le triomphant qui, au début et à la fin de l'hymne, invite son père à venir à lui. La voix d'Horus se fait également entendre dans la litanie elle-même, lorsque la ville évoquée est aussi un centre de culte horien: "Si tu es à Iounet dans le Temple de Semataouy", dit la légende relative au VIe nome tentyrite, "(alors) je suis à côté de toi en tant qu'Harsomtous". La présence du fils, au côté du père, s'affirme également à Edfou, à Assiout, à Cusae, à Dounâouy et à Chenâkhen dans le Sud, à Saïs et à Sebennytos dans le Delta.

Au-dessus des dernières colonnes de l'hymne, sur le linteau extérieur de la porte, un tableau représente le roi, le bras tendu en direction de Sokar-Osiris, le maître de la chapelle, accompagné d'Isis. Derrière le roi, trois prêtres sem effectuent les rites préliminaires de l'Ouverture de la bouche, la purification par l'encens et la purification par les quatre vases nemeset et decheret520.

L'Ouverture de la bouche fait partie des rites qui ouvrent la fête du 26 khoïak. Mise en oeuvre sur l'effigie divine, destinée à renaître durant la procession, elle lui permet de retrouver l'usage de la nourriture, de la parole et de la vue521. L'association de ce rite avec la litanie d'Osiris nous reporte donc dans le contexte de la procession de Sokar-Osiris déjà rencontré sur le toit522.

519 Pour l'ordre très particulier dans lequel les nomes du nord sont énumérés, en suivant du sud au nord chaque bras du Nil ou chaque secteur de bras, cf. les remarques de P. Vernus, Athribis, pp. 299-300 et celles de H.

Beinlich, ZÄS 122 (1995), p. 29. Les provinces du sud suivent la progression habituelle du sud au nord.

520 D. II, pl. CXXV et CXXVI.

521 Dans la reconstitution de la fête de Sokaris à Edfou proposée par J.-Cl. Goyon, BIFAO 78 (1978), pp. 430-431, la matinée du 26 khoïak s'ouvrait sur deux ouvertures de la bouche (= épisodes 1 et 2). A Dendara, dans la chapelle osirienne est no 1, point de départ de la procession, les montants extérieurs de la porte no 2 présentent un hymne d'éveil et des scènes du rituel d'Ouverture de la bouche, deux éléments liés à la fête du 26 khoïak, cf.

S. Cauville, BdE 118 (1997), p. 153 et note 322.

522 M. M. Eldamaty, Sokar-Osiris-Kapelle im Tempel von Dendera, Hamburg 1995, pp. 144-145 pense que la récitation de cette litanie faisait partie de la cérémonie qui préparait la venue des différentes reliques osiriennes à Dendara. Cependant, comme le remarque cet auteur lui-même, le texte ne mentionne pas les reliques en question.

4.2. Géographie et théologie des XVIIe et XVIIIe nomes

Le verset que la litanie d'Edfou consacre au nome du chien mentionne par calembour le nom de sa métropole traditionnelle, Saka. L'identification avec la divinité locale, Anubis, se fait à travers l'épisode mythologique évoqué: Osiris est enlevé par son fils de la salle funéraire et établi sur le dos du taureau (Hr sA kA). Une fois de plus, le P.Jumilhac nous aide à comprendre.

Dans la notice que le papyrus consacre à Saka523, Seth et son complice Demib tentent de s'approcher d'Osiris qui repose sur son lit funéraire. Djesertep, Imakhouemânkh, Thot, Isis sous la forme d'Anubis, s'interposent. Parmi les châtiments qui sont imposés à Seth, le même est évoqué à plusieurs reprises: ligoté par les bras et les jambes, Seth est placé sous Osiris.

Dans une des variantes, Seth se transforme en taureau. Anubis le ligote par les bras et les jambes, le châtre et le met comme siège sous Osiris, ce dieu étant sur son dos524.

L'épisode mythologique auquel fait allusion la litanie d'Edfou revêt donc bien un caractère local. Cependant, on y reconnaît également un thème plus répandu et bien connu à Edfou:

celui de l'Horus-Ounty qui triomphe du taureau sauvage, incarnation de Seth. Avec la Basse Epoque et la progression du culte osirien, Seth se voit non seulement dompté par Horus, mais également condamné à porter Osiris sur son dos. Cette intégration du dieu mort et ressuscité dans la thématique du triomphateur aura pour aboutissement, on l'a vu, l'attribution à Osiris lui-même du titre de "Ounty dans Saka"525.

Le verset qui a trait au XVIIIe nome décrit Horus comme un faucon qui plane/s'envole avec ses ailes, comme Dounâouy qui prend son envol/vole au-dessus de son père. La compréhension exacte de ce passage est rendue difficile par l'emploi des verbes "aXi" et "pAi"

qui peuvent signifier "voler" et "s'envoler". D. Kurth suppose que Dounâouy s'envole au ciel en tant que ba de son père Osiris. Il se réfère notamment au P.Jumilhac XII,23-VIII,1 qui explique que le faucon aux ailes déployées est l'âme de Chou s'envolant au ciel (apy r pt). Une autre possibilité est de comprendre le déploiement des ailes du faucon comme un acte de protection. Après tout, la litanie d'Osiris gravée sur le toit de Dendara affirme simplement qu'Horus du XVIIIe a les ailes déployées et non, comme le suggère H. Beinlich, qu'il prend

523 P.Jumilhac XX,1-22.

524 Les mêmes épisodes sont narrés en début de papyrus, cf. P.Jumilhac I, x + 4-17.

525 Cf. J. Yoyotte, Ann. Collège de France 1993-1994, pp. 673-679 et en part. p. 675. Le titre apparaît dans la procession quadripartite d'Opet (= notre document B10).

son envol526. Enfin, l'évocation, à la fin du même verset, d'une prise de possession du pays et des biens d'Osiris par Dounâouy suggère que, pour les Egyptiens, le déploiement des ailes équivaut aussi à un acte de prise de possession.

La strophe concernant Saka dans la litanie d'Osiris ne débute pas par l'habituel in iw.k. La suite du texte, très hostile envers la ville et surtout envers ses habitants, explique pourquoi Osiris n'est pas mis en relation avec cette localité. Lieu de culte du dieu Seth, auquel la strophe fait référence, Saka est source de dangers dont il vaut mieux se prémunir par avance527. Sa mention, parmi les villes de Haute Egypte, même si elle s'accompagne de violentes attaques contre ses habitants, semble toutefois préférable au traitement infligé à la métropole religieuse du XIXe oxyrhynchite qui, une fois de plus, est tout simplement omise528.

Le verset concernant la métropole du XVIIIe évoque la présence d'Osiris dans le pavillon

Le verset concernant la métropole du XVIIIe évoque la présence d'Osiris dans le pavillon