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Les manuels de géographie liturgique

Partie 1: Les XVIIe et XVIIIe provinces de Haute Egypte

B. Les territoires cynopolites dans les inscriptions géographiques des temples

5. Les manuels de géographie liturgique

5.1. Description générale

F1: Edfou III, 286,6-12 (Ptolémée VIII Evergète II) F2: Edfou V, 185,17 - 186,10 (Ptolémée IX Sôter II) F3: Edfou VII, 325,13 - 326,11 (Ptolémée X Alexandre) F4: Dendara, mur externe du sanctuaire, inédit (Auguste)

Cette appellation, dont l'inventeur est, on le sait, Philippe Derchain531, s'applique à des séries de scènes indépendantes, ordonnées géographiquement, qui rappellent le rite spécifique effectué pour chaque dieu dans chacun des nomes d'Egypte.

Les plus anciens exemplaires, repérés par Charles F. Nims et par Horst Beinlich, sont gravés sur les monuments de Medinet Habou et datent du Nouvel Empire. Le premier orne les façades latérales des piliers du temple des Thoutmosis532, le deuxième, qui date de Ramsès III, figure sur les parois sud, nord et ouest des terrasses du grand temple (Roof-terraces), tandis que le troisième, très endommagé, est inscrit sur le mur d'enceinte extérieur sud et date de Ramsès VI533. Malgré l'accent porté sur les nomes de Haute Egypte534, les XVIIe et XVIIIe provinces, en raison de leur position en queue de liste, ne figurent dans aucun de ces trois manuels535. Toujours à Médinet Habou, on trouve, en revanche, Bata de Saka associé à Hathor de Kereset sur un bloc isolé étudié par Charles F. Nims536.

531 Ph. Derchain, "Un manuel de géographie liturgique à Edfou", CdE 37 (1962), pp. 31-65.

532 H. Beinlich, "Der König vor den Gaugöttern Ägyptens in einer Darstellung aus der 18. Dynastie", SÄK 8 (1980), pp. 55-63.

533 Liste de Ramsès III, cf. PM II2, 515, G. Daressy, RecTrav 17 (1895), pp. 118-120; Medinet Habou I, pl. 59;

Medinet Habou VII, pl. 539 sqq; Gardiner, Onomastica, pl. XXIV-XXVI [VII], pp. 53-54; Ch. F. Nims, JEA 38 (1952), p. 34 sqq., JNES 9 (1950), fig. 2, corrections. Liste de Ramsès VI: PM II2, 482 (3)-(4); Ch. F. Nims, JEA 38 (1952), p. 34-45, fig. 1, 2, 3.

534 Les nomes de Basse Egypte ne figurent ni dans le temple des Thoutmosis, ni dans la liste de Ramsès III. La première composition inclut les nomes I, II, III, IV, V, VI, VIII, X, XI, XIII, XV et XX de Haute Egypte. La procession de Ramsès III est constituée des nomes I, II, III, puis, après une lacune, des provinces VII à XV de Haute Egypte.

535 Ce qui n'empêche pas Anubis d'apparaître dans les trois compositions: dans le temple des Thoutmosis,

"Anubis qui préside au pavillon divin" figure parmi un groupe de divinités que H. Beinlich lie au IVe nome thébain, dans la composition de Ramsès III, "Anubis maître de Ra-quereret" (XIIIe nome lycopolite) reçoit, avec Osiris maître de la nécropole (tA-anx), un plateau d'offrandes alimentaires du roi (Medinet Habou VII, pl. 542), enfin, dans la liste de Ramsès VI, il est fait mention en E 140, d'"Anubis maître de La Terre-blanche", c'est-à-dire Anubis de Gebêlein.

536 Ch. F. Nims, "Another Geographical List from Medint Habu", JEA 38 (1952), fig. 3 (bloc MH A 59:37) et commentaire dans un supplément, p. 45. Sur les problèmes que pose l'identification de la localité Kereset/Kis, cf.

supra, p. 24.

La série étudiée par Philippe Derchain occupe le troisième registre des portiques de la cour d'Edfou. Constituée de quarante-quatre tableaux, on y retrouve à l'est, vingt-et-une divinités de Haute Egypte auquelles font pendant, à l'ouest, vingt-et-un représentants divins de Basse Egypte. Un tableau présentant les dieux du temple, Horus et Hathor, ouvre, de chaque côté, la série. Comme de coutume, les nomes de Haute Egypte sont ordonnés du sud au nord, selon le cours idéal du Nil. Les provinces de Basse Egypte, dont on sait que l'ordre a varié au cours du temps, sont disposées cette fois en fonction des affinités religieuses qu'elles entretiennent avec la Haute Egypte. Ces affinités, qui peuvent porter sur les divinités, sur la nature du rite ou sur les sanctuaires mentionnés, sont évidentes dans un grand nombre de cas537. Il reste toutefois fort difficile de les expliquer pour tous les tableaux538.

C'est selon la même économie qu'est agencée la liste qui orne les fûts des colonnes du pronaos d'Edfou. D. Kurth, qui en a étudié le détail539, conclut, comme Ph. Derchain, que les divinités de Basse Egypte, dans la partie ouest, sont disposées de façon à faire pendant à celles de Haute Egypte, dans la partie est. Les paires de dieux ainsi créées, vingt-deux en tout, sont pour la plupart identiques à celles de la cour540.

A ces deux versions apollonopolites, on peut encore ajouter celle qui décore le troisième registre de la face externe du mur d'enceinte du temple. Une fois de plus, le roi revêtu d'attributs en relation avec le rite exécuté, présente l'offrande caractéristique à la divinité de chacun des nomes d'Egypte. Contrairement aux deux listes précédentes, les tableaux

"géographiques" sont ici entrecoupés de tableaux consacrés aux divinités du temple541. La paroi orientale, attribuée à la Haute Egypte, compte quarante-trois tableaux dont peut-être vingt-et-un aux dieux des nomes542. Quant à la paroi ouest, également décorée de quarante-trois tableaux, elle énumère vingt nomes de Basse Egypte. La volonté de symétrie relevée

537 Les cas de symétries évidentes sont, par exemple, les tableaux XIX avec Nekhbet au sud qui s'oppose à Ouadjit de Pe et de Dep, les tableaux XX avec Horus d'Edfou au sud qui s'oppose à Horus de Mesen au nord ou encore les tableaux VI qui présentent les deux Thot des deux Hermopolis.

538 Se basant sur le grand nombre de correspondances claires, Ph. Derchain, op. cit., p. 40, élargit la volonté de symétrie à l'ensemble de la composition. P. Vernus, Athribis, p. 251, préfère penser que les correspondances obscures sont imposées par l'agencement d'ensemble de la liste, une fois les correspondances réelles mises en place.

539 D. Kurth, Die Dekoration der Säulen im Pronaos des Tempels von Edfu, GOF/IV, 11 (1983).

540 En fait, seize paires se correspondent, six apparaissent uniquement sur les colonnes du pronaos, cinq uniquement dans la cour, cf. le tableau comparatif de D. Kurth et ses commentaires aux pp. 325-337 où il met en avant l'originalité du manuel du pronaos par rapport à celui de la cour, ainsi que les remarques de P. Vernus, Athribis, pp. 247-251.

541 Horus souvent accompagné d'Hathor et, dans une moindre mesure, Harsomtous et Ihy.

542 Les huit derniers tableaux de ce registre sont tellement endommagés qu'il n'est pas possible de deviner, à partir des inscriptions, les provinces qui figurent en queue de liste. Si l'alternance, tableau géographique, tableau consacré aux divinités se poursuivait régulièrement, ce qui est généralement, mais pas toujours, le cas, on dénombrerait au final un total de vingt-et-un nomes.

dans les deux listes précédentes ne gouverne pas l'agencement de cette composition. Les hiérogrammates ont suivi l'ordre canonique pour les douze premiers nomes de Basse Egypte, ont ensuite intercalé les nomes arabique (XIXe), bubastite (XVIIIe) et pélusiaque (XXe) avant le XIIIe nome héliopolite, puis ont fait figurer le nome tanite (XVIe), pour terminer la série selon l'ordre habituel. En fait, les correspondances de ce troisième registre sont davantage perceptibles dans les tableaux intercalaires consacrés aux dieux du temple que dans les scènes géographiques543.

Le dernier manuel de géographie liturgique d'époque tardive répertorié à ce jour provient du temple de Dendara. Il décore la face externe du sanctuaire et il est donc inédit544. Suite à des observations faites sur place et grâce aux indications fournies par H. Beinlich545, il est possible d'affirmer que la série des tableaux de Haute Egypte est plus courte à Dendara que dans les exemples apollonopolites. Les Xe, XIe, XIIe nomes sont omis, sans que l'on en comprenne exactement la raison, tout comme les XIXe, XXe, XXIe et XXIIe nomes, en queue de liste. Entrecoupé de tableaux intercalaires, comme à Edfou, le manuel tentyrite a en plus la particularité d'être disposé sur deux registres, les troisième et quatrième.

Heureusement, les textes puisent en partie au même fonds que les textes du mur d'enceinte d'Edfou ce qui en rend la lecture plus abordable.

5.2. Géographie et théologie du XVIIIe nome

Les manuels de géographie liturgique ont pour particularité de ne dédier qu'un tableau aux nomes cynopolites. Est-ce la conséquence d'un regroupement des cultes des XVIIe et XVIIIe nomes en un seul tableau, comme cela a été suggéré,546 ou s'agit-il, comme pour d'autres provinces, d'une omission pure et simple des cultes d'un des deux nomes?

543 Par exemple, les tableaux VII, XI, XXIX, XXXI qui sont décorés de rites identiques ou les tableaux XVII qui ont un thème commun (abattre le taureau et abattre le rebelle).

544 J'ai fait figurer les traductions des parties lisibles à partir de photographies dans mon document F4. Il ne s'agit bien sûr pas d'un travail d'édition. Les transcriptions et traductions sont proposées uniquement à titre indicatif.

545 H. Beinlich, "Übersicht über die spezifischen Opfer und Riten Oberägyptens", SAK 7 (1979), pp. 11-22 et en particulier le tableau qui présente les offrandes spécifiques et les rites de chaque manuel de géographie liturgique, dont celui de Dendara.

546 Ph. Derchain, CdE 37 (1962), p. 44 et 60 parle d'un regroupement des cultes des XVIIe et XVIIIe nomes en un seul tableau et signale le même procédé à Dendara DGI III, 57. Il s'agit du défilé "des canopes" (D.X, 79,5-80,3 = notre doc. D4) qui, on l'a vu, cite effectivement la même relique pour les XVIIe et XVIIIe provinces. La situation est tout de même différente d'ici: non seulement deux tableaux sont consacrés à la région cynopolite, mais en plus les dieux Anubis maître de Saka (XVIIe) et Anubis maître de Het-redjou (XVIIIe) s'y distinguent clairement sur un plan théologique. D. Kurth, Die Dekoration der Säulen im Pronaos des Tempels von Edfu, GOF/IV, 11 (1983), p. 327 indique que les deux nomes sont regroupés en un seul tableau dans le manuel

Considérons tout d'abord les raisons qui ont pu conduire à l'une ou l'autre de ces deux éventualités547. La fusion historique des XVIIe et XVIIIe provinces en un territoire unique qui avait, à cette époque, pour métropole Hardaï, pourrait éventuellement expliquer un regroupement des cultes des deux nomes en un seul tableau. On serait, dans ce cas, en présence d'une catégorie de textes géographiques sur laquelle la réalité administrative aurait davantage d'emprise que sur les processions de nomes, par exemple, qui distinguent le nome d'Inpou du nome de Dounâouy. Le problème c'est que cette conformité à une situation réelle ne peut être repérée ailleurs, même si, avouons-le, les irrégularités constatées dans l'énumération des provinces, des divinités ou des lieux de culte n'ont pas toutes trouvé une explication satisfaisante548.

Les compositions qui ornent la cour (Edfou V) et les colonnes du pronaos d'Edfou (Edfou III) présentent une situation particulièrement complexe en raison de leur principe d'agencement basé sur les affinités théologiques entre les provinces du sud et du nord. C'est la version la plus ancienne, celle d'Edfou III, qui se différencie le plus des listes de nomes canoniques, avec le dédoublement, pour la Haute Egypte, des IVe (pathyrite/thébain), des Ve (coptite), VIe (tentyrite) et VIIIe (thinite) provinces et l'omission des Xe (aphroditopolite), XIe (hypsélite) et XIXe (oxyrhinchite) nomes. Dans ces compositions, le dédoublement d'une province signifie que deux divinités et par conséquent deux lieux de culte sont mentionnés pour une seule province. Ainsi, le IVe nome, est représenté par Amon-Rê de Thèbes, le dieu habituel des processions de divinités des nomes, auquel se joint Montou d'Hermonthis549. D.

Kurth, qui a minutieusement étudié cet agencement550, ne croit pas que les additions soient le reflet d'une adaptation à une réalité administrative. Il soupçonne bien plus les prêtres apollonopolites de s'être livré à une réflexion "Edfoucentrique" en ajoutant, à la liste

d'Edfou V. Pour la liste d'Edfou III, qui ne mentionne pas Anubis, il suggère, en revanche, une omission du XVIIe nome (cf. p. 293, 301, 310, 327).

547 L'hypothèse selon laquelle le regroupement des cultes des deux nomes cynopolites a été motivé par la nécessité de réduire le nombre des nomes à vingt-et-un (c'est le nombre de tableaux de la série d'Edfou V) ne me semble pas pertinente. En effet, bien que les séries inscrites sur les colonnes du pronaos (Edfou III) soient composées chacune de vingt-deux tableaux, un seulement est dédié aux cultes cynopolites. En outre, les dédoublements et omissions qui se produisent à plusieurs reprises dans ces séries montrent que l'ajout ou l'omission de divinités et de lieux de cultes par rapport aux processions "canoniques" n'avait pas pour principale motivation de se conformer au nombre traditionnel de nomes dont la variabilité (22 HE et 22 BE, 22 HE et 20 BE, 21 HE et 21 BE) laissait par ailleurs quelques marges de manoeuvre aux rédacteurs.

548 Dans la procession dite des canopes, par exemple, les XIIe et XIXe nomes de BE sont omis, sans que l'on en comprenne vraiment la raison, cf. Ph. Derchain, CdE 37, p. 44, note 2. De même S. Cauville, BdE 118 (1997), p.

52, avoue ne pas comprendre pourquoi le Xe nome athribite de Basse Egypte est omis dans les défilés des génies protecteurs d'Edfou et de Dendara.

549 Voir supra, p. 67 pour les mentions d'Hermonthis après Thèbes dans les défilés des dieux.

550 D. Kurth, op. cit., p. 309. Voir aussi du même auteur "Die Dekoration der Säulen im Pronaos des Tempels von Edfu", First International Congress of Egyptology, Acts, Berlin 1979, pp. 413-417.

canonique, des divinités proches d'Horus, que ce soit par leur forme, comme le faucon Haroéris de Qous (Ve coptite) qui apparaît en plus d'Isis de Coptos, ou par leur liens de parenté, comme Isis de Iatdi (VIe tentyrite) qui s'ajoute à Hathor de Dendara.

C'est à nouveau des réflexions de type théologique qui semblent avoir motivé l'omission de certains lieux de culte. Le XIXe nome oxyrhinchite en est un bon exemple, lui qui est systématiquement omis des manuels de géographie liturgique, des défilés des dieux d'Egypte, ainsi que de certains défilés de nomes, à cause des liens qu'il entretient avec le dieu Seth. Il en va peut-être de même pour les Xe et XIe provinces dont les relations avec Seth sont peut-être à l'origine de leur étrange absence sur les colonnes du pronaos551.

Le fait de ne dédier qu'un tableau aux cultes du Cynopolite a aussi été interprété dans cette perspective. On sait, en effet, que le P.Jumilhac lie étroitement la ville du XVIIe nome, Saka ainsi que ses dieux Bata et Anubis, à Seth552. Or, dans les manuels de géographie liturgique, Saka n'est jamais mentionnée comme lieu de culte du dieu de la province. Si on les prend dans l'ordre chronologique, les compositions mentionnent:

- Horus maître de la métropole de Dounâouy et Horus-Anubis maître de Hardaï (Edfou III) - Dounâouy et Anubis maîtres de Hardaï (Edfou V)

- Dounâouy et Anubis maîtres de Hardaï (EdfouVII)

- Dounâouy et Anubis maîtres de la métropole de Dounâouy (Dendara, face externe du sanctuaire.).

L'omniprésence du théonyme et toponyme Dounâouy suggère non pas un regroupement des XVIIe et XVIIIe nomes, mais plutôt une omission pure et simple du XVIIe nome d'Inpou.

Cette situation n'est pas sans parallèle. Dans les défilés des divinités d'Egypte à Edfou, la XVIIIe province, on l'a vu, peut apparaître seule. C'est le cas du défilé du mammisi d'Edfou dans lequel le XVIIIe nome est représenté par "Anubis maître de Het-redjou, Dounâouy à Edfou" ou encore du défilé de Philae où Anubis représente Hardaï dans le XVIIIe, si notre lecture est correcte553.

Si le caractère séthien de Saka peut expliquer une omission du XVIIe nome, la volonté affichée par le clergé apollonopolite de reconnaître dans les dieux locaux une forme de l'Horus d'Edfou rend compte, de son côté, du choix du XVIIIe nome. Dounâouy est, on l'a vu,

551 D. Kurth, op. cit., p. 303, note b) qui renvoie à H. Te Velde, Seth, God of Confusion, Probleme der Ägyptologie VI, Leiden 1977, p. 68 et sq. et p. 23. On remarquera que les deux nomes apparaissent dans tous les autres manuels de géographie liturgique ainsi que dans les processions des nomes.

552 P.Jumilhac VI,18-VI,20 et XX,1-22. Le premier passage affirme qu'"Anubis, maître de Hénou de/dans Saka, c'est Seth". Le second est une notice sur Saka qui relate l'émasculation du taureau Seth par Anubis ainsi que l'identification de Seth avec Saka (dos du taureau) et Bata.

un dieu faucon aux ailes déployées dont le culte est attesté dès les Hautes Epoques. A Edfou, dans les inscriptions géographiques mais aussi dans d'autres textes, Dounâouy est décrit comme une forme d'Horus de Behedet554.

C'est ce même phénomène d'identification du dieu du temple au dieu local qui ressort des textes du pronaos (Edfou III) où Horus maître de Dounâouy est décrit comme "Celui de Behedet, dont le plumage est bigarré, grand dieu qui préside à Edfou, qui renouvelle sa manifestation en tant que Dounâouy"555. Le dieu représenté est bien sûr hiéracocéphale et peut ainsi s'ajouter à la liste des nombreuses divinités hiéracocéphales représentées sur les colonnes du pronaos556.

L'influence de la théologie apollonopolite est particulièrement forte dans cette liste du pronaos. Elle s'exprime aussi bien dans le choix d'Horus, comme représentant du nome cynopolite, que dans la mention, dans le bandeau du soubassement, d'un Horus-Anubis maître de Hardaï557. La localisation des inscriptions, à l'intérieur du temple, explique sans doute le travail théologique que les rédacteurs ont entrepris sur ces textes, en particulier l'accent mis sur Horus et l'évacuation des références au culte de son ennemi, le dieu Seth.

Si l'on se reporte à présent aux versions extérieures au temple, celles inscrites dans la cour (Edfou V) et sur les faces externes de l'enceinte d'Edfou (Edfou VII) et du sanctuaire de Dendara (inédit), on s'aperçoit que la main-mise des dieux faucon sur les cultes cynopolites y est très forte aussi. Bien sûr le choix d'Anubis, comme représentant de la province, donne une note locale aux trois tableaux cynopolites. Mais la teneur des inscriptions est tout à fait comparable à ce que nous avons pu constater pour le tableau du pronaos, à commencer par l'accent mis sur les cultes du XVIIIe. En-dehors des rattachements secondaires du dieu au temple d'Edfou, tous les lieux patronnés par lui font partie du territoire du XVIIIe nome: la métropole de Dounâouy, citée à plusieurs reprises, le Temple-de-l'oeil-Oudjat558, mentionné deux fois, et enfin le temple de la métropole de Dounâouy. Quant à la ville de Hardaï dont le dieu est le maître aussi bien dans le tableau de la cour que sur le mur d'enceinte extérieur

553 E. mam. 9, 5 = notre document D2 et Ph. I, 119 = notre document D9.

554 Voir par exemple E.VII, 68,9: aX.f [r] pr.f xn.f Hr bs.f m xprw.f n dwn-awy "il (= Horus) vole vers sa demeure et se pose sur son image de culte en sa forme de Dounâouy". A propos de ce passage, voir D. Kurth, Edfu VIII (1998), p. 126 ainsi que la p. 253.

555 E. III, 286,11 = notre document F1.

556 Voir la liste qu'en dresse D. Kurth, op. cit., pp. 312-314.

557 E. III, 285, 6-7 = notre document F1.

558 Ce temple apparaît sur les deux murs extérieurs (nos documents F2 et F3), mais également, en rapport avec le XVIIIe, dans un défilé de divinités (D. X, 80, 2 = notre document D4), dans le défilé des génies protecteurs des chapelles osiriennes de Dendara (D. X, 121,5 = notre document G2) ainsi que dans la procession quadripartite gravée sur le soubassement extérieur du même temple (Dend. D. G.I. III, pl. XCIII = notre document B8).

d'Edfou, la plupart des auteurs la situent, on l'a vu, sur la rive orientale du Nil, donc sur le territoire traditionnel du XVIIIe. Or, si l'on tient compte que l'ensemble des données de nos tableaux renvoient plus ou moins explicitement aux cultes du XVIIIe, l'évocation de Hardaï dans ce contexte devient une preuve irréfutable de sa situation sur le territoire de Dounâouy.

Les hésitations qui s'expriment dans la littérature égyptologique moderne à propos de la localisation de Hardaï, rattachée tantôt au XVIIe, tantôt au XVIIIe, sont sans doute à mettre au compte d'une divergence de perspective entre géographie administrative et géographie sacrée559. Dans les sources religieuses que sont les inscriptions des temples, Hardaï doit être considérée comme une ville du XVIIIe, identique à la métropole de Dounâouy. Lorsqu'on compare en effet les épithètes de Dounâouy et d'Anubis dans les manuels d'Edfou et de Dendara, on se rend compte qu'ils sont d'une part "maîtres de Hardaï" et d'autre part, "maîtres de la métropole de Dounâouy". De là à considérer que la métropole de Dounâouy est Hardaï

Les hésitations qui s'expriment dans la littérature égyptologique moderne à propos de la localisation de Hardaï, rattachée tantôt au XVIIe, tantôt au XVIIIe, sont sans doute à mettre au compte d'une divergence de perspective entre géographie administrative et géographie sacrée559. Dans les sources religieuses que sont les inscriptions des temples, Hardaï doit être considérée comme une ville du XVIIIe, identique à la métropole de Dounâouy. Lorsqu'on compare en effet les épithètes de Dounâouy et d'Anubis dans les manuels d'Edfou et de Dendara, on se rend compte qu'ils sont d'une part "maîtres de Hardaï" et d'autre part, "maîtres de la métropole de Dounâouy". De là à considérer que la métropole de Dounâouy est Hardaï