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Les procédés de reproduction mécaniques : la disparition du graveur ?

L'Égypte illustrée, de l'observateur au lecteur

3.3 Le graveur, cet homme indispensable

3.3.3 Les procédés de reproduction mécaniques : la disparition du graveur ?

3.3.3 Les procédés de reproduction mécaniques : la disparition

du graveur ?

L'histoire des procédés photomécaniques appartient au monde de la physique et il ne nous a pas paru intéressant de nous attarder sur la présentation précise des techniques qui nécessitent des connaissances approfondies en sciences. Nous n'en parlerons que dans les grandes lignes, selon leur intérêt.

Dès l'invention de la photographie, des ingénieurs ont cherché des procédés pour remplacer le graveur, pour reproduire une image sans avoir à la graver manuellement. Ces tecchniques se sont developpées en même temps que la photographie, avec les découvertes de Niépce des propriétés photosensibles du bitume de Judée.

 La gravure sur bois reste la seule technique de reproduction des images en usage à L'Illustration, jusqu'à l'introduction, en 1891, par Ernest Clair- Guyot de la méthode d'impression directe du bois par la photographie. Progressivement, ce procédé est appliqué à la plupart des photographies destinées à la reproduction, particulièrement pour les ÷uvres d'art. Les moins bonnes sont seulement retouchées le plus discrètement possible, an de ne pas altérer leur aspect photographique. J'en vins, rapporte E. Clair- Guyot en 1833, à perfectionner la facture du dessin, le dépouillant de tout caractère individuel et le rendant tellement ni que l'on n'y percevait plus le travail du crayon ni celui du pinceau. C'était absolument photographique. La révolution était accomplie : la photographie avait dans ce cas, réduit les dessinateurs à un rôle anonyme 83.

Ce procédé est utilisé pour les articles sur l'Égypte dans le Tour du Monde en 1894. La liste des gravures à la n du recueil, recense plusieurs  photographies sur bois , dont la représentation des pyramides et du sphinx. Il semble clair que ce type de photographie sous-entend l'usage de ce procédé, unique technique photomécanique

82. Édouard Charton ne fait jamais la promotion de son recueil en citant les graveurs : dans la hiérarchie des arts, ils ont un rôle inférieur aux dessinateurs.

83. Anne-Claude Ambroise-Rendu,  Du dessin de presse à la photographie (1878-1914) : histoire d'une mutation , p. 7, qui cite Ernest Clair-Guyot,  Un demi-siècle à L'Illustration , L'Illustration, 1erjuillet 1933.

à graver sur du bois. Le Tour du Monde semble donc adopter les nouveautés assez rapidement, ici en trois ans.

Le procédé de Niépce est amélioré petit à petit jusqu'à l'arrivée de Firmin Gillot dans les années 1850 et de sa paniconographie.

 C'est son procédé, communément appelé gillotage qui allait sonner le glas de la gravure sur bois 84.

Lithographe, Firmin Gillot a l'idée de reproduire l'image sur tous supports, pierre, cuivre ou bois, par l'utilisation d'acide et de plaques sensibilisées à la lumière.

Son procédé, sorte de gravure en relief, est repris dans la similigravure qui utilise une trame pour diviser les tonalités photographiques en points. L'écran quadrillé, placé dans la chambre noire entre le négatif et un lm photographique diracte la lumière et donne un cliché négatif où les valeurs sont dans une parfaite graduation. Le métal recouvert d'un émail sensibilisé est exposé sous le cliché tramé. Après insolation et développement, le métal est attaqué par un acide approprié. La particularité de cette technique fait que les nuances de gris sont très bien rendues par la trame. Une simi- ligravure est facilement reconnaissable par la multitude de petits points alignés qui forment l'image.

Figure 3.16  Détail de l'illustration Jeune lle fellah, Gravure de Rue, Tour du Monde, 1894, p. 161

La trame apparaît nettement dans le fonds des gravures : ici, elle est bien visible derrière la tête de la jeune lle. La gravure semble avoir été retouchée sur le visage par Rue, en des lignes plus continues.

La matrice sur cuivre est en relief et peut donc être associée aux caractères typo-

graphiques dans les pages d'un journal.

Les années 1890, sont les témoins d'une véritable révolution : la technique de la similigravure permet une reproduction mécanique des images qui respecte la facture des originaux, pour un faible coût.

Le Magasin Pittoresque et le Tour du Monde utilisent ces procédés tardivement, au début du xxe siècle, tout en continuant à commander des gravures. Cette utilisa-

tion n'est pas complètement assurée puisque les rédacteurs n'indiquent pas le procédé utilisé et se contentent de mettre le titre de l'illustration avec éventuellement le nom du photographe. Le document est plus dicilement identiable. Mais une vérication sur l'image permet de reconnaître les trames des similigravures. Après une étude à la loupe des illustrations de l'ensemble de la période, il semblerait que le Magasin Pit- toresque ait environ 20% d'illustrations qui proviennent de similigravures contre 50% pour le Tour du Monde. À partir des années 1890, les similigravures représentent 48% des illustrations du Magasin Pittoresque et presque 100% de celles du Tour du Monde. Ces pourcentages sont conséquents mais ils sont inférieurs à ceux de l'Illustration par exemple. En fait à partir des années 1895, toutes les illustrations, dessins ou photo- graphies, sont gravées par similigravures85. Le simili-graveur apparaît parfois dans la

légende.

La photographie originale, trouvée dans les archives de l'IMEC, (3.2.3, p. 115), a été reproduite par similigravure et les retouches en blanc que l'on a constatées ont servi à augmenter les contrastes pour la trame et à souligner les détails.

 La photographie est d'abord une source d'inspiration. Elle détermine cer- tains changements dans la nature des dessins proposés, plus exacts, plus précis, même si le dessin qui appartient au monde du sensible continue d'être une pure reconstitution du réel. [...] Grâce au procédé de la trame, la photographie s'installe enn à part entière dans les colonnes des hebdo- madaires puis des quotidiens, surtout après 1908 86.

La qualité des illustrations revendiquée par les deux revues ne pousse pas les rédac- tions à se tourner vers la photographie et la reproduction mécanique. Elles défendent la pertinence et l'originalité de leurs illustrations mais pas forcément leur grand réa- lisme et leur nouveauté. Elles se mettent à utiliser la photogravure lorsque la société

85. Seule la gravure d'art reste de la gravure sur bois.

86. Anne-Claude Ambroise-Rendu,  Du dessin de presse à la photographie (1878-1914) : histoire d'une mutation , p. 27.

réclame une certaine objectivité et que les techniques sont susamment développées pour assurer la beauté de l'image.

3.4 L'insertion dans le texte : nouveau pas de l'orien-