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L'Égypte illustrée, de l'observateur au lecteur

3.1 L'illustration originelle sur le territoire égyptien

3.1.3 Les inconvénients de la photographie

Les amateurs qui prennent des photographies sont donc nombreux à partir des années 1880. Cependant, si tout le monde peut bientôt se prétendre photographe, les

conditions ne sont pas toujours optimales. Nicolas le Guern18 dénombre les problèmes

liés aux photographies et à l'Égypte :

 Le photographe doit déjà faire attention à son appareil et à ne pas le casser. Il en va de même pour les plaques de verre. C'est pourquoi la plupart des photo- graphes en Égypte préférent le calotype, qui utilise du papier, au daguérréotype qui fonctionne avec des plaques. De plus le matériel est très encombrant et très lourd et il nécessite des accompagnateurs pour le manipuler. Il faut au départ se déplacer avec tout un chariot et développer les photographies juste après leur prise. Ce n'est qu'avec l'invention du kodak que les voyageurs développent leurs images tranquillement à leur retour en Europe.

 Le climat égyptien, très chaud, déforme le bois et entraîne une destruction plus rapide de la chambre noire ou l'apparition de ssures. Des raies de lumière peuvent alors empêcher la prise des photographies. La lumière est souvent trop forte et interdit la xation de l'image sur le mélange chimique qui recouvre la plaque ou le papier. D'autre part, une trop grande sécheresse peut altérer les substances chimiques. Le photographe doit donc choisir avec soin le jour d'utilisation de son appareil.

 La préparation et le tirage sont aussi problématiques car ils nécessitent l'utilisa- tion de produits chimiques qu'il faut doser correctement. Les plaques du daguér- réotype se préparent dans un laboratoire portatif juste avant la prise de vue tandis que les négatifs sur papier ciré sec du calotype peuvent être traités à l'avance19.

 Les premiers appareils nécessitent un temps de pose très long de plusieurs di- zaines de minutes. S'il diminue très vite à quelques dizaines de secondes, les photographes se contentent au départ de prendre des monuments et ne peuvent pas représenter les hommes, incapables de rester immobiles si longtemps. L'image peut être oue quand quelqu'un bouge pendant la prise ou quand le photographe fait une erreur : elle est facilement ratée. Ainsi les premiers photographes en Égypte, comme Henry Cammas prennent essentiellement des monuments alors qu'au début du siècle suivant, Albert Gayet n'hésite pas à prendre ses ouvriers en train de faire des fouilles.

 Le photographe amateur n'est pas forcément un artiste et ses images sont par- fois mal cadrées, sans profondeur... Contrairement au dessin qui est toujours un

18. Nicolas le Guern, L'Égypte et ses premiers photographes, étude des diérentes techniques et du matériel utilisés de 1839 à 1869, Mémoire de DEA, 2001.

19. C'est pourquoi le calotype reste utilisé en Égypte jusque dans les années 1860, remplacé ensuite par le procédé au collodion puis par celui au gélatino-bromure.

bel objet rééchi comme un tout, la photographie ne laisse pas vraiment le choix du sujet et la prise de vue est parfois hasardeuse. Les pères jésuites que le comte de Kergorlay accompagne, photographient le couvent Saint-Catherine avec des points de vue tout à fait nouveaux : les terrasses des maisons ou la ruelle particulière. Mais en fait, l'image est très sombre et ne présente pas beaucoup d'intérêt.

Cependant, Henry Cammas obtient de magniques résultats :

 Nos travaux photographiques avaient consumé deux journées, 1eret 2

février ; mais les beaux résultats obtenus étaient faits pour nous conso- ler du retard. Tout ce qu'une chambre noire peut prendre de la réalité, relief, ombres puissantes, chaleur même des terrains et des granits dorés par le soleil, nous l'emportions avec nous 20.

Mais ce n'est pas le cas de tout le monde, du moins au départ ; la photographie est dicile et une belle image doit aussi comporter des aspects artistiques ; comme les scènes doivent être xes pour être saisies, le photographe a souvent fait un travail de composition très important.

La précision des photographies dépend de la compétence et du niveau de technicité de leurs auteurs. Les photographies ont du mal à se plier aux constructions convention- nelles : les trois plans, les objets plaisants... Les graveurs peuvent éventuellement ap- porter des améliorations ensuite. Les professionnels, plus conscients de la composition, dotés d'appareils de bonne qualité, avec parfois des trépieds, réalisent des photographies plus nettes et plus pittoresques puisqu'ils peuvent faire poser en studio.

La photographie permet certe de rapporter beaucoup plus d'images sur l'Égypte mais elle concède peut-être une baisse de la qualité artistique des images21. Il existe

diérentes utilisations de la photographie : le photographe qui suit une mission archéo- logique en Égypte ne doit pas s'attarder sur la vue d'ensemble mais sur les détails. Il doit être attentif aux contrastes de la lumière et éventuellement utiliser l'éclairage arti- ciel pour les renforcer. Le photographe d'art cherche plus à donner la vie, à distinguer des plans dans son image et à jouer avec la lumière. Dans les deux revues, ce sont plutôt des images du second type qui sont proposées et les objets archéologiques sont toujours issus de dessins, reproduits en gravure. L'origine photographiques des illustrations est

20. Voir l'exposition en ligne de la BnF, Voyage en Orient, http://expositions.bnf.fr/veo/ photographes/index2.htm, consultée le 13 mai 2012.

21. Les problèmes liés aux aspects matériels, chimiques et techniques s'atténuent avec le temps à mesure que les procédés deviennent plus ecaces mais les photographes sont de plus en plus des amateurs.

parfois impossible à déterminer ; l'esthétisme ne peut pas être un critère parce que la plupart sont très belles22.

3.2 Le travail du dessinateur : imiter ou traduire le