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Pittoresque et le Tour du Monde, pyramide, mosquée ou

2.1 Égypte antique contre Égypte arabe ?

2.1.1 L'enquête iconographique : clarier le corpus

Les illustrations ont été classées en fonction d'une approche particulière qui s'est faite en deux étapes. Elles sont organisées par champs documentaires puis par sujets dans chaque champ. Ce classement est repris et adapté de l'enquête iconographique menée par Caroline Lehni sur la représentation de l'Égypte au Royaume-Uni5.

D'autres classications ont été adoptées pour étudier les illustrations, mais elles ne sont pas assez précises pour parler du récit de voyages et de l'Égypte. Ségolène le Men, qui a rédigé l'article Illustration de l'Encyclopaedia distingue trois catégories :

4. Voir les annexes.

5. Caroline Lehni, Lire l'Égypte en image, la représentation de l'Égypte au Royaume-Uni à travers l'illustration des récits de voyage (1798-1914), 2007, Thèse, Paris 7.

 Le portrait de genre.  Le site.

 La scène.

Cette tripartition ne fait pas ressortir les diérents aspects historiques de l'Égypte : les sites, par exemple, peuvent être antiques ou contemporains. Or laisser cette information de côté ne permet pas de mesurer quelle facette de l'Égypte est la plus présente.

François Moureau, dans Images et Imaginaires dans les illustrations de la littérature des voyages6, fait d'autres distinctions :

 Les illustrations techniques (faune, ore...).

 Les paysages, accompagnés souvent de gures humaines pour donner l'échelle.  La nature humanisée (monuments, villes).

 Le portrait, ce qu'il appelle une représentation directe de l'autre.  Le tableau.

Mais nalement sa classication reste assez imprécise, nature humanisée et paysage peuvent se confondre, et il ne fait pas non plus la distinction entre les divers visages de l'Égypte.

L'Égypte a plusieurs facettes qui attirent des voyageurs de diérents horizons : elle est une terre éminemment chrétienne et certaines personnes veulent aller sur les traces des épisodes bibliques de la fuite d'Égypte ou du retour de la Sainte Famille. Mais le pays est aussi terre antique, maîtresse de la Grèce dans les imaginaires européens, terre arabe, liée aux croisades, terre moderne, depuis l'Expédition et avec les réformes de Mehemet-Ali. Qu'est ce qui attire le plus les voyageurs ? Quel visage du pays viennent- ils voir ? Et surtout quelle image présentent les rédacteurs des revues ?

Les illustrations de l'Égypte sont en fait un corpus spécique qui nécessite une approche particulière à deux niveaux et Caroline Lehni a trouvé le moyen de tout faire coïncider avec son classement par champs et par sujets. Cependant si nous conservons les champs qu'elle a distingués, nous avons fait quelques changements dans les sujets pour pouvoir rassembler davantage certaines catégories isolées comme la ore ou la faune assez peu représentées.

Les champs dénissent un environnement global dans lequel va évoluer le sujet. Ils sont déterminés par le visage de l'Égypte qui est représenté.

 L'Égypte antique concerne tous les monuments antiques, les ruines, les objets

6. François Moureau,  Images et imaginaires dans les illustrations de la littérature des voyages , Visualisation, Berlin, 1999, p. 127-138.

ou les momies.

 L'Égypte arabe ou nubienne sert à décrire ce qui concerne l'architecture arabe, les m÷urs et les modes de vie des habitants. Nous y mettrons aussi les représen- tations des diérents types de population.

 L'Égypte biblique ou chrétienne regroupe ce qui est montré des coptes, des monuments religieux catholiques, ou des lieux mythiques de la Bible.

 L'Égypte moderne, les travaux de modernisation, les quartiers européens, les bâtiments neufs...

 La Nature, pour montrer que la nature égyptienne intéresse aussi, quand il n'y a pas de bâtiments. Il y a parfois des personnes qui servent soit à donner l'échelle soit à dépayser.

 Le Voyageur et son aventure distingue toutes les illustrations qui mettent en scène le voyage, des portraits de voyageurs jusqu'à leurs péripéties..

 Enn une catégorie s'attache aux Faits militaires.

Il y a donc sept catégories diérentes qui contextualisent les illustrations. Ces champs permettent par exemple de voir la place de l'Égypte antique par rapport à celle de l'Égypte arabe.

Les sujets sont plus nombreux et dénissent la nature des objets représentés.  Les sites : le site est un  paysage considéré du point de vue de l'harmonie ou

du pittoresque ; panorama. Lieu géographique considéré à partir d'une ou de plusieurs activités , d'après la dénition du Larousse Seule la première partie de cette dénition nous intéresse ici. Les illustrations représentant des sites sont donc des panoramas de temples, de vieilles villes, de sites connus en particulier en archéologie mais aussi de villes, de villages ou de campagne. Ce sont des lieux étranges, loin des paysages européens.

 Les objets, comme les ustensiles de l'Égypte antique ou moderne, les décors (les bas-reliefs en particulier) ou les écritures, reproduction de hiéroglyphes ou d'écri- ture hébraïque ont une catégorie à part qui revient à mettre en évidence une utilisation particulière des journaux, plus scientique.

 Les scènes sont des scènes d'agriculture, de l'aventure, de manifestations typiques des pays arabes comme la caravane ou des scènes de la vie de tous les jours, de la vie antique. Elles peuvent aussi être des présentations de travaux réalisés pour moderniser le pays...

 Les personnages, parmi lesquels nous distinguerons les personnes anonymes ou celles identiées (comme le guide d'un des voyageurs dont le nom est donné en

légende). Il faut mettre de côté les personnalités françaises ou égyptiennes.  La terre vierge dans laquelle la faune, la ore et les structures géologiques sont

incluses.

Ces sujets ont été un peu modiés par rapport au classement de Caroline Lehni : elle distingue la faune, la ore et les structures géologiques qui, dans notre corpus n'ont pas beaucoup de représentations et que nous avons regroupées pour plus de visibilité. Il en est de même pour les décors, les écritures et les objets, qui sont réunis.

Les illustrations sont classées à la fois par le dessin et par la légende quand elle aide à distinguer son thème principal : par exemple l'image "Ouadi Ledja" de l'année 1892, qui montre une caravane devant une montagne peut être classée dans le champ de l'Égypte Arabe ou dans celui de la Nature7.

Figure 2.1  Ouadi Ledja, Tour du Monde, 1892, p. 123

Sa légende indique Ouadi Ledja, qui désigne la vallée représentée. Cette image est donc placée dans la catégorie Nature. Cependant, il faut souligner la présence de cette caravane qui donne un certain goût exotique à l'illustration et qui permet au lecteur de situer le paysage : le chameau montre un pays arabe alors que les montagnes seules ne permettraient pas de localisation géographique. La caravane est un marqueur d'exotisme qui fait immédiatement voyager le lecteur loin de son fauteuil.

Certaines illustrations mêlent plusieurs champs. Une vue du Caire par exemple peut à la fois être arabe (avec les minarets) et antique (avec les pyramides), il faut

alors classer selon le sujet que l'on juge principal, pour ne pas tout compliquer. Il a parfois été dicile de choisir : la gure du paysan égyptien, le fellah, est considérée dans cette étude comme une vision de l'Égypte arabe ou nubienne, mais aurait pu être mise dans la case de l'Égypte moderne puisque c'est aussi une gure que croisent les voyageurs durant leur périple ; cependant, ils la jugent eux-mêmes complétement archaïque8.

2.1.2 L'Égypte du Magasin Pittoresque au Tour du Monde :