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Les procédés de la redondance :

Le processus narratif mis en œuvre pour la relation des transformations et évolutions opérées au sein du contexte fictif, s’organise autour d’une dynamique inconstante et déstructurée. Un seul et même événement est narré, gommé, corrigé, répété et enrichi plusieurs fois dans le cours du récit.

La texture narrative enregistre alors la réitération constante de faits et actions déjà racontés, mais ressuscités comme dans une sphère circulaire à des fins d’amplification et d’accentuation. D’où

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Blanckeman, Bruno, « Les Fictions singulières : Etude sur le roman français contemporain », Paris : Prétexte Editeur, Coll. « Critique », Octobre 2002, p. 59.

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le retour fréquent des expressions du type « Comme je l’ai raconté plus haut », « Je le répète », « Comme dit plus haut » qui traduisent une répétition des faits narratifs.

Dans « La Fable du nain », nous repérons comme exemple l’épisode tant de fois raconté et reproduit, celui qui retrace le moment où le personnage abandonne ses proches et son emploi pour se cloîtrer chez lui. L’enfermement et la déconnexion du monde sont à chaque fois évoqués et en même temps amplifiés grâce à de nouvelles données. Cet épisode resurgit à maintes reprises dans le parcours narratif, où il est à chaque occurrence remodelé et enrichi :

« J’ai abandonné mon travail et mes anciennes frayeurs sur un simple soupçon. C’est quelque chose qui peut arriver à tout moment et à chacun. » (10)

« Il y a des virages que l’on devine dans sa vie avant même que la route ne soit creusée dans l’interrogation. Le mien fut finalement de quelques lignes : ma demande de congé sans solde faîte à mon employeur à la face hideuse… » (35)

« Cette évidence me donna le courage de couper ma vie à la hauteur de ses branches mortes. Je fis mes courses pour une longue traversée, le cœur parfois heureux à l’idée de se cloître qui promettait des apesanteurs. (…) C’est ainsi que je m’enfermais chez moi pour traverser le fameux Désert. » (38)

« Ainsi, l’été de la fin du millénaire fut décisif pour mes choix de m’isoler complètement. Comme je l’ai raconté plus haut, j’avais pris la décision d’abandonner, pour un long congé sans solde, l’administration fiscale qui m’employait à remplir des bulletins stériles et des cases vides. » (64-65)

« J’avais tout perdu finalement : mon travail, ma cécité vitale et la corde maigre qui me rattachait aux gens de mon cercle. » (90)

Le mécanisme de la redondance de l’événement confère au récit une dimension itérative. Le récit traditionnel, au contraire, ne tolère point la récurrence des données, considérée comme foncièrement inconcevable. R. Barthes affirme que l’« un des traits essentiels qui distinguent le texte ″lisible″ des textes modernes, c’est le recours à la redondance. »1

Le récit conventionnel se veut singulatif et veille à réduire les réitérations qui perturbent le lecteur et affaiblissent l’illusion réaliste.

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Dans « Meursault, contre-enquête », le sujet narrant admet expressément une réitération préméditée des faits et l’avoue clairement. La formule « je te l’ai déjà dit plusieurs fois » indique, sans détour, une récurrence narrative :

« Ce matin maudit de l’été 1942, Moussa avait annoncé, comme je te l’ai déjà dit plusieurs fois, qu’il allait rentrer plus tôt. » (85)

Voici un autre passage qui apparaît puis réapparaît au fil du trajet narratif, où il est corrigé et enjolivé. Celui-ci concerne le livre de Camus « L’Etranger » qu’Haroun a parcouru de fond en comble pour tenter d’y retrouver l’identité cachée de l’Arabe assassiné ou alors son histoire, mais en vain. Le prénom « Moussa » n’y figure point :

« Je n’y ai lu que deux lignes sur un Arabe. Le mot Arabe y est cité vingt- cinq fois et pas un seul prénom, pas une seule fois. » (162-163)

« Il y avait tout sauf l’essentiel : le nom de Moussa ! Nulle part. J’ai compté et recompté, le mot Arabe revenait vingt -cinq fois et aucun prénom, d’aucun d’entre nous. Rien de rien, l’Ami. » (174-175)

D’autres exemples illustrent la redondance qui caractérise la texture narrative notamment lorsque le héros ressasse les faits d’après guerre survenus à l’orée de l’Indépendance, marqués par le grand nombre de morts, de tueries gratuites et de vengeances assouvies :

« A l’époque, on tuait beaucoup, je te l’ai déjà dit, c’était les premiers jours de l’Indépendance. Dans cette période étrange, on pouvait tuer sans inquiétude ; la guerre était finie mais la mort se travestissait en accidents et en histoires de vengeance. » (110) « Je t’ai dit que ce soir- là la nuit ressemblait à un rideau léger. Et je t’ai dit qu’à cette époque là on tuait beaucoup et dans le tas- l’OAS mais aussi des " djounoud ʺ FLN de la dernière heure. Temps troubles, terre sans maîtres, départs brusques des colons, villas occupées. » (110)

Dans le même cours d’idées, l’assassinat du français Joseph Larquais par Haroun à l’aube de la délivrance nationale, est un acte qui lui procure un immense sentiment d’allégement et en même temps de frustration : il se sent libre mais rêverait tout de même d’un procès afin de cesser d’être un « condamné » impuni. Cet état des faits est évoqué et réitéré à chaque fois dans le récit comme le démontre l’exemple qui suit :

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« La seule chose qui avait changé pour moi, peut-être, était cette sensation que je t’ai déjà décrite : au moment où j’ai commis ce crime, j’ai senti une porte qui, quelque part, se refermait définitivement sur moi. J’en conclus que j’étais condamné- et pour cela, je n’avais besoin ni e juge, ni de Dieu… » (121)

Dans ce texte, la répétition prend la forme de la reformulation du déjà-dit, du déjà-raconté en enregistrant un renforcement des faits lesquels, une fois ressuscités, ont tendance à s’accentuer. La séquence consacrée à la description du lendemain du meurtre commis par le héros, fait l’objet d’une réduplication explicite. C’était un jour calme et tranquille comme n’en a jamais vu le sujet qui s’était assoupi de fatigue après avoir passé la nuit à creuser la tombe pour enfouir le cadavre :

« Le lendemain du meurtre, tout était intact. C’était le même été brûlant avec l’étourdissante stridulation des insectes et le soleil dur et droit planté dans le ventre de la terre. » (121)

« Le lendemain de mon crime, tout fut très paisible. Je m’étais assoupi dans la cour après m’être exténué à creuser la tombe…On oublie jamais le premier jour du monde…Le ciel avait une couleur qui ne me concernait pas. J’ai donc rejoint ma chambre où j’ai dormi encore quelques heures. » (131)

« Qu’est-ce qu’on disait ? Ah oui, le lendemain du crime. Je n’ai rien fait, donc. Comme je te l’ai dit, j’ai dormi pendant que ce peuple dévorait l’incroyable terre retrouvée. » (135)

Il convient de noter que le procédé de la redondance ne concerne pas uniquement l’évolution diégétique de la dynamique événementielle mais affecte aussi la part de l’intertexte convoqué et intégré à l’espace scripturaire. Le texte en question insère effectivement en son contenu des segments appartenant à « L’Etranger » d’Albert Camus :

« J’arrivais enfin à la dernière phrase du livre : ʺ […] il me restait à souhaiter qu’il y ait beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et qu’ils m’accueillent avec des cris de haine ". Dieu, comme je l’aurais voulu ! » (175)

« C’est sûr, il y aura " beaucoup de spectateurs le jour de mon exécution et ils m’accueilleront avec des cris de haine ʺ. » (190)

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« Je voudrais, moi aussi, qu’ils soient nombreux, mes spectateurs, et que leur haine soit sauvage. » (191)

Ainsi, même les fragments intertextuels placés généralement entre guillemets, n’échappent –ils pas au traitement de la redondance systématique : à l’image d’ « Albert meursault », le héros aspire lui aussi à la célébrité et raffole des millions de spectateurs admirateurs.

Vers la fin du récit, le mot « El-Merssoul » se voit repris plusieurs fois :

« Tu sais comment on prononce Meursault en Arabe ? Non ? El- Merssoul. ʺ L’envoyé " ou " le messager ʺ. » (191)

« Deux inconnus avec deux histoires sur une plage sans fin. Laquelle est la plus vraie ? Une question intime. A toi de trancher. El – Merssoul ! Ha, ha. » (191)

« La Préface du nègre » se prête également au jeu de la redondance, mais en déployant de nouvelles formes. Dans « L’Ami d’Athènes », la répétition prend pour cible quelques expressions qui font l’objet d’une récurrence prolongée au fil du tissu narratif, telle que la formule « Il s’en est fallu de peu » qui revient plus de cinq fois de suite au niveau du même paragraphe :

« Le plus étrange est qu’il s’en est fallu de peu pour que je ne sois pas sélectionné pour ces Jeux d’Athènes…, il s’en est fallu de peu pour qu’un autre prenne maa place et mon billet d’avion, il s’en est fallu de peu pour que je ne courre jamais après avoir raté mon bac et il s’en est fallu de peu pour que je ne vienne pas au monde car il s’en est fallu de peu pour que mon père meure le jour où il est tombé dans un puits… » (19-20)

L’itération de cette formule au début de chaque proposition, installe une sorte d’anaphore. Franck Evrard écrit au sujet de cette technique déployée par la nouvelle :

« La brièveté fait apparaître la structure répétitive de la nouvelle. La répétition se traduit par la réduplication de scènes…, la reproduction de faits, la création de réseaux sémantiques et thématiques. (…) Parmi les phénomènes de répétition syntaxique ou rhétorique, on retiendra l’anaphore. »1

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Dans cette optique, la forme concise de la nouvelle joue un rôle crucial dans l’apparition de tournures répétitives qui reposent sur nombre de procédés syntaxiques et rhétoriques et forgent a fortiori la structure redondante du texte.

« Gibrîl au Kérosène » est une nouvelle qui traduit elle aussi l’usage manifeste du procédé de la redondance, en optant pour la reproduction des données diégétiques et le redoublement des scènes. Citons ces exemples :

« Cela fait cinq heures que je suis debout. Là, attendant le début de l’histoire que j’ai prévue depuis des années, guettée, lentement élaborée… » (33)

« Je suis un militaire, debout près d’un stand (…) immobile depuis cinq heures et quelques siècles. Avant cela, je fus toute une histoire. » (40)

« Cela fait donc cinq heures que je suis debout et personne n’a osé s’approcher de moi, franchir ce périmètre de trois mètres… » (38)

Un autre exemple concerne le lieu de naissance du héros, sujet à de multiples enrichissements :

« Je viens d’une ville du sud et dans cette ville, je viens d’un douar et de là, je viens d’une maison située en haut d’une colline et au-delà de cette colline, il n’y a plus que le ciel… » (34-35)

« Je suis né dans un douar dans le sud-ouest du pays, avec le désert derrière le dos, et le vide à mesure que l’on marchait vers le nord… » (40)

Ou bien lorsque le personnage expose son avion à la foire d’Alger où il ne récolte que le désintéressement et la désinvolture des gens insoucieux de son invention. C’est alors qu’il énonce un dire railleur et dérisoire, répété comme pour en accentuer encore davantage la portée :

« C’est un grand pas pour moi, un trop grand pas pour ce Peuple. » (36) « C’est un grand pas pour moi et juste une chaussure pour ce Peuple. » (36)

« C’est un grand pas pour moi mais un peu trop grand : j’ai fini par enjamber tout un peuple qui n’arrive plus à me voir. » (37)

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En somme, le lecteur se retrouve à chaque fois orienté vers une situation diégétique dont il a déjà pris connaissance. L’œuvre dans son intégralité, est marquée par des expressions du type « je me répète », prises en charge par le sujet narrant. Les redondances qui interviennent au sein de chaque trame narrative, entravent l’évolution rythmique du récit. La technique de la récurrence provoque un ralentissement de l’action diégétique et un ébranlement de la durée du récit. La progression du personnage se voit, à plusieurs reprises, suspendue.

Ouhibi- Ghassoul souligne la portée subversive du procédé de la redondance en ces termes : « Cette récurrence de l’information donne un cachet itératif, désordonné, répétitif, non inscrit dans une durée du récit qui détruit ainsi toute illusion du réel. »1

Elle affirme que le procédé introduit une fragmentation au sein du parcours linéaire de la narration et bouleverse, d’autant plus, toute tentative de construction d’un effet de réel :

« L’effet de suspens sur lequel repose le romanesque traditionnel est cassé par la répétition de mêmes énoncés. Cette répétition ralentit la progression, projette paradoxalement dans le passé et détruit l’effet de réel. »2

Dès lors, une telle procédure si prisée par l’œuvre de Daoud, s’attaque irréversiblement au système réaliste de la fiction qu’elle déconstruit et anéantit complètement. Dans cette perspective, la récurrence apparaît comme une infraction à la norme et s’affiche de facto comme une distorsion narrative qui entrave l’uniformité traditionnelle et porte atteinte à la cohésion du sens.

Par ailleurs, le récepteur a l’impression de revenir vers le passé, c’est-à-dire vers une situation initiale, ce qui va à contre courant des procédures conventionnelles où la réception n’est point envisagée. Le modèle narratif normatif ne cherche pas à perturber le lecteur par l’abus des répétitions et par la quête interminable d’un sens éparpillé.

En définitive, la redondance en tant que procédé transgressif leste le texte, provoque le lecteur même averti, et procède à la démystification du récit classique conventionnel.

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Ouhibi – Ghassoul, N.B., « Perspectives Critiques : le roman Algérien de langue française dans la décennie 1985

/ 1995 », Thèse de Doctorat, Université d’Oran, 2003, p. 210.

2 Ouhibi – Ghassoul, N.B., « Le Concept d’écriture dans les romans : ″Topographie idéale pour une agression

caractérisée″ ; ″L’Escargot entêté″ ; ″Le Démantèlement″, de Rachid Boudjedra », Thèse de Magister, Université

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Synthèse :

La désarticulation de la trame narrative est le fait de l’intrusion de codes génériques hétérogènes qui pervertissent l’uniformité ou la lisibilité des textes ; ainsi, s’entrelacent au sein du même espace des formes variées qui donnent le tournis au lecteur non habitué à ce type d’écriture. Des codes comme le fantastique, le mythique, le déliriel, l’autofictionnel, l’historique, le romanesque ou encore le fabuleux émergent et se greffent à la matrice textuelle dans leur pluralité divergente et leur aspect éclectique. Ces faits sont des traits majeurs de l’écriture moderne qui fait intervenir l’hétéroclite en sa composante pour revendiquer son « ouverture » incontestable.

La problématique du genre se pose d’emblée eu égard aux différentes combinaisons formelles que prône chaque récit et aux indices offerts par la paratextualité. Nous songeons à l’amalgame générique dont fait preuve l’œuvre et qui trouble son homogénéité et sa cohérence, des paramètres qui habituellement donne un accès facile au sens. L’œuvre opère le procès esthétique du genre et le condamne au nom de la création et de la créativité littéraire.

« Meursault, contre-enquête » fait cohabiter le romanesque, le mythique, le théâtral en se donnant à voir, a fortiori, comme une robinsonnade détournée. « La Fable du nain » se veut être une fable de tradition orale narrative mais s’ouvre volontiers au roman ou encore à l’autofiction. Il en est de même pour « La Préface du nègre » où des catégories bien éloignées s’entrelacent dans un champ textuel hybride : chaque nouvelle se réclame de l’essai et /ou de la chronique. Ensuite, l’analyse a illustré que le dispositif mis en place pour sous-tendre le cadre spatio-temporel, est aussi démantelé qu’altéré. Au plan spatio-temporel, le matériau narratif est totalement déstructuré : le va et vient constant entre le présent et le passé, le mécanisme défaillant d’une mémoire capricieuse, l’imbrication des scènes diégétiques ainsi que la superposition des épisodes, représentent autant de facteurs à l’origine des dérèglements temporels générant à leur tour une discontinuité voire une anachronie. Le procédé du fragment est utilisé à l’excès dans une entreprise de collage / montage de séquences au fond disparate.

L’écriture de l’espace est marquée par une certaine opacité narrative qui réduit ostensiblement l’intelligibilité de l’histoire et, de facto, l’adhésion du lecteur au monde fictionnel. Le mode d’élaboration scripturaire des lieux ne s’inscrit point dans une logique réaliste référentielle. Leur représentation est pauvre en traits descriptifs comme si l’écriture optait pour une sorte d’économie langagière. L’espace est dépourvu de toute topographie détaillée ou nettement identifiable. Le manque de renvoi au « hors-texte » porte préjudice à l’axe référentiel. Dès lors,

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un sentiment de suspicion émerge chez le lecteur qui doute de l’authenticité de l’histoire relatée et de la crédibilité du sujet narrant.

Généralement, c’est un rapport de binarité qui est à l’œuvre dans les textes où l’espace est représenté dans sa dimension dichotomique, dyadique : l’espace de l’intériorité et celui de l’extériorité. L’évocation des catégories locatives se fait à travers le regard corrosif d’un être marginal qui abhorre son entourage et sa société. Foncièrement empreinte de négativité, sa vision subjective traduit un espace chaotique, répugné et méprisé.

Dans cet univers complètement déchiqueté, qu’en est-il de la représentation des personnages ? La stratégie d’écriture du personnage et son parcours narratif s’inscrivent indéniablement dans une isotopie de l’écart. L’auteur fait échec au stéréotype du héros positif aux valeurs bien fondées, si sacralisé par la tradition. Le cliché du héros classique mystifié par la fiction normative, est ébranlé entraînant dans son sillage l’anéantissement du mythe identitaire.

Chaque récit se caractérise par le nombre assez retreint des personnages, lesquels semblent presque être des agents-fantômes, présents dans la diégèse par leur dire ou leur faire, dénués d’apparence, de visage ou de référence. En effet, aucune caractérisation nominale, physique ou socio- professionnelle n’est perceptible, ce qui porte préjudice à la dimension vraisemblable de l’histoire.

Au plan du statut et de l’évolution diégétique, la fiction met en scène des marginaux, des figures « anti- héros » vivant au ban d’une société maudite et évoluant dans un contexte dépravé. Du fou suicidaire, à l’assassin alcoolique en passant par l’Arabe sauvage ou encore le nègre révolté, ces êtres s’affichent comme des cas exceptionnels, atypiques car à la fois protagonistes et antagonistes des faits : le personnage entre en conflit avec un opposant qui n’est autre que lui. La rupture se fait interne et externe en ce sens où, l’individu peint est en dé- liaison totale avec le monde et en désunion avec soi.

Dès lors, La parcours narratif entrepris est, dans la plupart des cas, motivé par le désir de Liberté absolue et d’autonomie profonde. Toutefois, la quête menée s’avère à chaque fois inaboutie, au schéma tronqué de la phase de reconstruction : si la réconciliation avec soi est réussie grâce à une transfiguration ontologique radicale, par contre, la réconciliation avec la société fait défaut. Leur périple diégétique s’apparente à une sorte de quête identitaire, existentielle, et a fortiori, sociale : chaque être cherche à rétablir sa propre condition individuelle désarticulée, pour

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pouvoir ensuite reconstruire le corps social lui aussi démantelé. Comme si la marge qu’incarnent ces personnages, était en réalité la « norme ». Ces anti-sujets se présentent comme autant d’actants d’un soulèvement à la fois narratif, diégétique, existentiel et social. Leur voix est porteuse d’un dire percutant qui conteste l’ordre social en ruine. Leurs paroles s’enveloppent d’une certaine gravité dans la mesure où ils cherchent tous à se redresser d’abord, et à réédifier