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Probl`eme de Iordanskii

4.5 Sym´etries et vecteurs de Killing g´en´eralis´es

4.5.8 Probl`eme de Iordanskii

En 1794, l’Acad´emie des Sciences de Berlin offre un prix `a celui qui parviendra `a expliquer la d´eviation des projectiles de leur trajectoire attendue. La r´eponse ne sera apport´ee que 58 ans plus tard par Gustav Heinrich Magnus, professeur de physique `a l’universit´e de Berlin. Il montra exp´erimentalement qu’un cylindre en rotation dans une soufflerie subissait une d´eviation perpendiculaire `a la direction du vent. Cet effet Magnus avait n´eanmoins ´et´e d´ej`a expliqu´e par Benjamin Robins `a Londres dans un ouvrage re- marqu´e publi´e en 1742 et compl´et´e ensuite par Euler. Ces r´esultats furent expos´es `a la Royal Society en 1749, soit un peu plus d’un si`ecle avant Magnus. Ce n’est qu’au d´ebut du XX`eme si`ecle que le professeur russe Nikolai Egorovich Zhukosvky (aussi orhographi´e Joukowsky) d´emontra la forme explicite de cette force (la portance) dans le cas d’une aile d’avion obtenue par d´eformation conforme d’un cylindre, dans un fluide parfait de densit´e n en ´ecoulement uniforme `a la vitesse u. Cette force par unit´e de longueur (dans la direction du cylindre suppos´e infini) est donn´ee par la formule F = nuC, o`u C est la circulation autour de l’aile. Joukowsky donna ´egalement une prescription pour d´eterminer cette circulation. Anton Flettner, ing´enieur Allemand, s’est rendu c´el`ebre en construisant un bateau propuls´e par l’effet Magnus, dans les ann´ees 1920. Le commandant Cousteau reprit cette id´ee dans les ann´ees 1980.

Th´eor`eme de Kutta-Joukowsky g´en´eralis´e

Nous allons g´en´eraliser le th´eor`eme de Kutta-Joukowsky (voir Landau & Lifshitz (1989)) dans le cas d’un m´elange de fluides parfaits. Cette question a ´et´e soulev´ee no- tamment dans le cadre du mod`ele `a deux fluides de l’h´elium 4 superfluide (pour la g´e- n´eralisation relativiste, voir Carter et al. (2002)). Calculons la force qui s’exerce sur un tourbillon d’extension infinie dans un milieu asymptotiquement uniforme caract´eris´e par des courants nν

X (toutes les valeurs asymptotiques seront d´enot´ees par une barre). Nous

faisons l’hypoth`ese que le champ de gravitation n’est pas perturb´e par la pr´esence du tourbillon. L’´ecoulement est suppos´e stationnaire, et invariant par translation le long de l’axe du tourbillon. Le syst`eme admet donc deux vecteurs de Killing : le vecteur d’´ether eµ et un vecteur purement spatial lµ unitaire (lµt

108 Hydrodynamique d’un m´elange de fluides non relativistes

Figure 4.8 – Turbovoile con¸cue par l’´equipe du commandant Cousteau

du tourbillon. Chaque fluide est isol´e fX

ν = 0 et son courant est conserv´e ∇νnXν = 0. De

plus, l’´ecoulement est suppos´e irrotationnel $X

νµ = 0. Si cette condition est satisfaite

initialement, elle le sera ´egalement `a n’importe quel instant en cons´equence de l’´equation d’Euler nν

X$ X

νµ= 0. Les scalaires de Bernouilli associ´es aux vecteurs de Killing sont donc

constants νBaX = 0. En particulier, nous avons deux constantes :

BX

0 = πXνeν = πXνeν, BX−1 = πXνlν = πXνlν. (4.335)

Le m´elange de fluides exerce une force sur le tourbillon dans un plan orthogonal `a l’axe du tourbillon. Une force s’exprime comme le flux du tenseur ´energie-impulsion `a travers une surface. En particulier, la force par unit´e de longueur est donn´ee par l’int´egrale le long d’un contour ferm´e entourant le tourbillon

Fν =

I

νσTtotσνds , (4.336)

o`u ds est l’´el´ement de longueur infinit´esimale le long du contour, et νσ est un covecteur

unitaire d´efini par

νσds≡? εσνdxν, (4.337)

qui est orthogonal `a l’axe lµ et au d´eplacement infinit´esimal dxν le long du contour, avec

la mesure de surface

?ε

µν = εµνρσeσlρ. (4.338)

Le tenseur νσTtotσν repr´esente la densit´e surfacique de force.

La conservation du tenseur ´energie-impulsion σTtotσν = 0 implique que l’int´egrale

dans (4.336) peut ˆetre calcul´ee le long de n’importe quel contour entourant le tourbillon. Nous pouvons donc choisir un contour suffisamment ´eloign´e du tourbillon pour qu’un d´eveloppement lin´eaire soit valide

4.5 Sym´etries et vecteurs de Killing g´en´eralis´es 109

Par d´efinition, la force est nulle dans le milieu uniforme non perturb´e par le tourbillon donc

Fν = δFν + O δ2



. (4.340)

Le d´eveloppement du tenseur ´energie-impulsion au premier ordre conduit `a δTtotσν =X X πX νδnXσ+ n σ X δπ X ν + δΨδνσ  . (4.341)

Puisque le champ gravitationnel n’est pas affect´e par la pr´esence du tourbillon, par hypo- th`ese, la variation de la contribution correspondante au tenseur ´energie-impulsion est nulle δT σ

grfν = 0. La pression g´en´eralis´ee est d´efinie par Ψ = Λ−

P

Xπ X

νnXν, o`u Λ = Λmat+ Λpot.

La variation de la pression est ´egale `a

δΨ =X

X

XδπX

ν (4.342)

o`u nous avons utilis´e δφ = 0. Finalement le tenseur ´energie-impulsion s’exprime comme δTtotσν =X X πX νδnXσ+ n σ X δπ X ν − nρXδπ X ρδνσ  . (4.343)

La force par unit´e de longueur est donn´ee au premier ordre par δFν =

H δT σ totν ?ε σµdxµ, c’est–`a-dire δFν = X X  πX ν I δnXσ?εσµdxµ+ 2nXσ I δπX [ν?εσ]µdxµ  . (4.344)

Par les lois de conservation de Bernouilli (4.335), les composantes, temporelle et le long de l’axe du tourbillon, de l’impulsion g´en´eralis´ee sont inchang´ees eνδπX

ν = 0 et lνδπXν = 0

donc ησ

νδπXν = 0 o`u ηνσ est le projecteur parall`ele au tourbillon d´efini par1

ηνσ ≡ eσtν + lσlν. (4.345)

Nous pouvons directement v´erifier que ησ

νeν = eσ et ηνσlν = lσ (lνlν = 1). En d´ecomposant

le tenseur de Kronecker en δµ

ν = ηµν+⊥µν, nous avons la propri´et´e que

⊥σ

ν δπXσ = δπXν. (4.346)

Le projecteur orthogonal au tourbillon est ´egal `a

⊥σν≡ δνσ− ηνσ =?εµσ ?εµν, (4.347)

o`u la mesure contravariante de surface est d´efinie par

?εµν ≡ εµνρσt

σlρ, (4.348)

1Puisque lµ est purement spatial, nous pouvons descendre l’indice l

110 Hydrodynamique d’un m´elange de fluides non relativistes

dont la normalisation est

?εµν ?ε

µν =−2 . (4.349)

La force par unit´e de longueur peut s’´ecrire, en introduisant le projecteur orthogonal (4.347), δFν = X X  πX ν I δnXσ?εσµdxµ+ 2nXσ I δπX ρ ⊥ ρ [ν ?ε σ]µdxµ  . (4.350) En utilisant l’identit´e ⊥ρ[ν?εσ]µ =−?ενσ ⊥ρµ, (4.351)

la force (4.336) se r´eduit finalement `a l’expression δFν = X X πX νδDX+ n σ X ?ε σνδCX  , (4.352) dans laquelle CX et D

X sont respectivement la circulation de l’impulsion et le flux de

courant d´efinis par

DX ≡ I nXσ?εσµdxµ (4.353) CX I πX ν dxν. (4.354)

Comme la vorticit´e est nulle $X

µν ≡ 2∇[µπXν]= 0 et que le courant est conserv´e∇νnXν =

0, les int´egrales sont ind´ependantes du contour. Nous pouvons donc les ´evaluer le long d’un contour situ´e `a une distance suffisamment grande du tourbillon pour que le d´eveloppement lin´eaire de la force soit exact. En supposant, que le coeur du tourbillon n’est pas une source de courant, alors DX = 0 et puisque les valeurs asymptotiques de ces deux int´egrales sont

nulles, la force s’exer¸cant sur le tourbillon est finalement donn´ee par la formule Fν =?εσν

X CXnσ

X . (4.355)