• Aucun résultat trouvé

Mod`ele `a deux fluides pour le manteau d’une ´etoile `a neutrons

Il a ´et´e ´egalement sugg´er´e par Epstein (1988) et par Mendell (1991b), puis confirm´e par des simulations num´eriques, tant en m´ecanique newtonienne (voir Lindblom & Men- dell (1994), Lee (1995), Prix & Rieutord (2002), Yoshida & Lee (2003a), Lee & Yoshida (2003), Prix et al. (2004)) qu’en relativit´e g´en´erale (voir Comer et al. (1999), Andersson & Comer (2001a), Yoshida & Lee (2003b)), que la pr´esence d’ un m´elange de superfluides de neutrons et de protons dans une ´etoile `a neutrons donnait lieu `a un nouveau type de modes d’oscillations, baptis´es des modes superfluides. Ces modes sont r´etrogrades et sont tr`es sensibles `a l’effet d’entraˆınement entre les deux fluides. L’influence d’une croˆute solide, en particulier sur la dissipation de ces modes, reste `a pr´eciser. L’´etude des modes d’oscillation par l’analyse des ondes gravitationnelles ´emises par une ´etoile `a neutrons, permettra dans quelques ann´ees de sonder la structure interne de l’´etoile (voir par exemple Andersson & Comer (2001b) et Andersson (2003)).

Afin d’´eclaircir le rˆole de l’´ecorce dans la dynamique d’une ´etoile `a neutrons et d’am´e- liorer ainsi l’interpr´etation des observations, nous avons adapt´e un mod`ele `a deux fluides, originellement d´evelopp´e pour d´ecrire le coeur de l’´etoile.

5.2

Mod`ele `a deux fluides pour le manteau d’une

´

etoile `a neutrons

Nous commencerons tout d’abord par d´ecrire de fa¸con succincte le mod`ele `a deux fluides qui a ´et´e d´evelopp´e pour d´ecrire le coeur externe d’une ´etoile `a neutrons, suppos´e compos´e uniquement de neutrons, protons et ´electrons (voir Sauls (1989) et les r´ef´erences cit´ees).

Les calculs microscopiques (voir Bender et al. (2003)) indiquent que l’int´erieur d’une ´etoile `a neutrons froide (c’est-`a-dire en excluant la phase de formation de l’´etoile) est form´e d’un superfluide de neutrons, d’un supraconducteur de protons et d’un gaz d’´electrons. N´eanmoins, les temp´eratures critiques de superfluidit´e et l’´etendue des r´egions superfluides sont tr`es sensibles aux effets de milieu et varient d’un mod`ele `a l’autre.

Par ailleurs, les protons, les ´electrons et les noyaux constituant l’´ecorce solide sont fortement coupl´es par le champ magn´etique si bien que l’ensemble de ces particules char- g´ees peuvent ˆetre assimil´ees `a un seul fluide (voir Easson (1979a, 1979b)). Contrairement au superfluide de neutrons, ce plasma ralentit par l’effet du rayonnement ´electromagn´e- tique, discut´e dans le chapitre 2. Le ralentissement du pulsar engendre ainsi une rotation diff´erentielle entre le superfluide de neutrons et les particules charg´ees. Il apparaˆıt donc naturel de traiter une ´etoile `a neutrons comme un m´elange de deux fluides avec d’une part un superfluide de neutrons et d’autre part un plasma de particules charg´ees.

Le gaz d’´electrons donne lieu `a un courant ´electrique. Ce courant ´electrique est im- portant en ce qui concerne les effets magn´etiques, n´eanmoins son influence est n´egligeable dans les ph´enom`enes de transport de masse qui nous int´eressent. C’est pourquoi, dans la suite nous ignorerons les ´electrons dont la masse est environ 1840 fois plus petite que la masse d’un nucl´eon.

5.2 Mod`ele `a deux fluides pour le manteau d’une ´etoile `a neutrons 121

pas r´ealiste parce que les distorsions de l’espace-temps induites par le champ de gravitation de l’´etoile sont importantes comme nous l’avons d’ailleurs soulign´e au premier chapitre. Cependant, elle pr´esente l’avantage de fournir des ´equations d’´evolution plus simples `a r´esoudre que leurs analogues en relativit´e g´en´erale et facilite ainsi les ´etudes qualitatives. Nous avons d’ailleurs cit´e pr´ec´edemment des ´etudes sur les modes d’oscillation d’une ´etoile `a neutrons dans la th´eorie de Newton.

Dans ce mod`ele (voir ´egalement Mendell (1991a, 1991b), Lindblom & Mendell (1994), Lee (1995)), l’´etoile est donc assimil´ee `a un m´elange de deux fluides, avec d’une part un superfluide de neutrons d’indice chimique n et d’autre part un supraconducteur de protons d’indice chimique p. De plus nous ferons l’hypoth`ese que le courant baryonique total est conserv´e, autrement dit nous avons

∇µnµb = 0 , (5.1)

avec nµb = nµ

n+nµp. Les courants de neutrons et de protons ne sont pas s´epar´ement conserv´es

du fait des int´eractions faibles qui autorisent des transformations entre neutrons et protons sans changer toutefois le nombre total de nucl´eons. La conservation de la masse totale du syst`eme impose la condition suppl´ementaire

∇µρµ= 0 , (5.2)

o`u ρµ est le courant total de masse d´efini par

ρµ = mnnµn+ mpnµp. (5.3)

Les conditions (5.1) et (5.2) impliquent notamment que mn = mp. En r´ealit´e cette relation

n’est qu’ approch´ee (mn− mp ' 1.3 MeV/c2, ce qui repr´esente environ 0.1% de la masse

d’un nucl´eon) et refl`ete une limitation de la th´eorie newtonienne dans laquelle la masse est conserv´ee ind´ependamment de l’´energie. Dans la suite nous d´esignerons par m la masse d’un nucl´eon en n´egligeant la diff´erence de masse entre neutron et proton.

La vorticit´e dans un superfluide est quantifi´ee sous la forme de tourbillons. Nous consid´ererons dans la suite, des particules de fluides dont les dimensions sont grandes devant l’´echelle des tourbillons de fa¸con `a ce que la vorticit´e varie quasi continˆument `a l’´echelle de la description hydrodynamique. La distance moyenne lV entre deux plus

proches tourbillons est d´efinie par

lV = n−1/2V , (5.4)

o`u nVest la densit´e surfacique de tourbillons donn´ee en fonction de la fr´equence Ω = 2π/P

du pulsar et de la constante de Planck h par la formule nV = 4mnΩ h ' 104 P (s)cm −2. (5.5)

La distance entre les tourbillons varie donc entre 10−2 cm (P ∼ 1 s) `a 10−3 cm (P ∼ 10

122 Mod`ele `a deux fluides pour une ´etoile `a neutrons

Tableau 5.1 – ´Echelles caract´eristiques. a d´esigne la distance entre deux plus proches noyaux, qui varie de quelques fermis `a l’interface entre la croˆute et le manteau `a une centaine de fermis dans les couches les moins profondes de l’´ecorce interne. lV est la

distance entre deux plus proches tourbillons superfluides d´efinie par l’´equation (5.4). ´

Echelles Distances l caract´eristiques

microscopique l  a

m´esoscopique a l  lV

macroscopique l  lV

En appliquant directement le formalisme du chapitre 4, chaque fluide est ainsi d´ecrit par un quadrivecteur courant nµ

X avec l’indice chimiqueX= n, p. Nous supposons que les

deux superfluides sont coupl´es par des effets d’entraˆınement, du mˆeme type que ceux dans des m´elanges3He-4He. La densit´e Lagrangienne Λ

int associ´ee `a l’´energie interne du milieu

est donc une fonction des courants nµ

n et nµp. A cette contribution, s’ajoutent les densit´es

cin´etique Λcin et potentielles Λpot donn´ees par

Λcin = nµnpnµ+ nµpppµ, (5.6)

Λpot=−ρµtµφ , (5.7)

avec les impulsions cin´etiques correspondantes pX

µ d´efinies par (4.139).

L’´ecoulement des deux superfluides est gouvern´e par des ´equations d’Euler

p$pµν− Dpπpµ= fµp, nµn$nµν− Dnπpµ= fµn. (5.8)

en termes des impulsions g´en´eralis´ees πµn = ∂Λ ∂nµn, π p µ = ∂Λ ∂nµp , (5.9)

et des vorticit´es associ´ees

$µνn ≡ 2∇[µπν]n , $pµν ≡ 2∇[µπpν]. (5.10)

Nous avons introduit les taux de destructions de particulesDp et Dn par

Dp ≡ −∇µnµp, Dn ≡ −∇µnµn. (5.11)

Comme seul le courant baryonique est conserv´e, les courants individuels de neutrons et de protons ne le sont pas n´ecessairement. Ceci se traduit par un terme de force suppl´ementaire dans l’´equation d’Euler.

Dans la formulation traditionnelle en d´ecomposition 3+1, ces ´equations peuvent se r´e´ecrire sous la forme

ρn∂tvin+ρnvjn∇jvni+nn∂tχni+nnvnj∇jχni−njn∇iχnj+nn∇i(mφ+χn) = fin+Dn(mvn i+χni) ,

5.2 Mod`ele `a deux fluides pour le manteau d’une ´etoile `a neutrons 123 ρp∂tvip+ ρpvpj∇jvpi+ np∂tχpi + npvpj∇jχpi − njp∇iχpj+ np∇i(mφ + χp) = fip+Dp(mvp i+ χpi) . (5.13) avec χn = ∂Λint ∂nn , χp = ∂Λint ∂np . (5.14)

L’effet d’entraˆınement se manifeste dans les ´equations d’Euler (5.12) et (5.13) par la pr´esence de termes d´ependant des impulsions chimiques χn

j et χ p j d´efinies par χni = ∂Λint ∂ni n , χpi = ∂Λint ∂ni p . (5.15)

Ces impulsions chimiques ne sont pas ind´ependantes puisque d’apr`es l’identit´e de Noether (4.247) nous avons

npχpj + nnχnj = 0 . (5.16)

C’est la raison pour laquelle les ´equations d’Euler (5.12) et (5.13) pour les deux super- fluides sont coupl´ees.

Ces ´equations se simplifient si le syst`eme est isol´e, c’est-`a-dire fn i + f

p

i = 0. Lorsque les

temps consid´er´es dans la description hydrodynamique sont tr`es courts devant les temps caract´eristiques des r´eactions faibles, par exemple dans l’´etude des modes d’oscillations de l’´etoile, les courant de neutrons et de protons peuvent ˆetre consid´er´es comme s´epar´ement conserv´es avec une bonne approximation ce qui conduit aux relationsDp = 0 =Dn.

Les effets d’entraˆınement se traduisent en g´en´eral par le fait que les impulsions de chacun des fluides ne sont pas align´ees avec les courants correspondants. En utilisant des notations plus famili`eres, notamment en introduisant des (( vitesses superfluides ))

Vpi = γijπ p j m , V i n = γij πn j m (5.17)

et les courants de masse

ρip = mnip, ρin= mnin (5.18)

nous pouvons ´ecrire des relations du type

ρip = ρppVpi+ ρpnVni,

ρin = ρnnVni+ ρnpVpi.

(5.19) Les ´el´ements ρnn, ρpp, ρpn et ρnp sont homog`enes `a des densit´es de masses. Dans la lit-

t´erature sur la superfluidit´e, une confusion persiste, depuis le mod`ele historique `a deux fluides de Landau, entre vitesses vi

X(tenseurs intrins`equement contravariants) et (( vitesses

superfluides )) Vi

X qui sont proportionelles `a des impulsions π X

i (tenseurs intrins`equement

covariants) et ne peuvent donc s’identifier avec les vitesses de particules. Nous prendrons garde dans la suite `a bien distinguer ces deux quantit´es.

124 Mod`ele `a deux fluides pour une ´etoile `a neutrons

Il est souvent plus intuitif de faire apparaˆıtre des masses, c’est pourquoi nous poserons ρnn ≡ ρn m mn ∗ , ρpp = ρp m mp∗ (5.20) o`u mn et mprepr´esentent des masses effectives par particule associ´ees `a chacun des fluides. Le principe de relativit´e sous la forme de l’identit´e de Noether (5.16) impose que

ρnp = ρpn= ρn mn − m mn ∗ = ρp mp− m mp∗ . (5.21)

Ces derni`eres relations donnent une interpr´etation tr`es intuitive des masses effectives puisque les effets d’entraˆınements disparaissent lorsque celles-ci sont ´egales aux masses ordinaires mp

∗ = m et mn∗ = m.

Borumand et al. (1996) ont montr´e comment calculer les masses effectives dans la th´eorie des liquides de Fermi, en n´egligeant l’appariement des nucl´eons `a l’origine de la superfluidit´e des neutrons et des protons. Ces masses effectives sont typiquement inf´e- rieures aux masses non renormalis´ees correspondantes.

Comer & Joynt (2003) ont r´ecemment g´en´eralis´e le mod`ele `a deux fluides pour le coeur de l’´etoile `a neutrons (sur la base du mˆeme mod`ele standard compos´e de neutrons, protons et ´electrons) pour lequel les effets relativistes sont importants. Ils ont montr´e comment ´evaluer les coefficients d’entraˆınement avec un mod`ele de champ moyen relativiste dans l’approximation de Hartree, en n´egligeant aussi les effets d’appariement entre nucl´eons.