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6.4 Structure d’une ´etoile `a neutrons

6.4.5 Phases exotiques

C’est sur la base du mod`ele de la goutte liquide compressible, dans le contexte de l’effondrement d’´etoiles en supernovae, que Ravenhall et al. (1983) ont sugg´er´e l’existence de noyaux fortement d´eform´es, adoptant des formes pour le moins surprenantes comme des noyaux tubulaires, dans les couches les plus profondes de l’´ecorce interne. La d´eformation des noyaux est li´ee `a l’instabilit´e des noyaux sph´eriques vis-`a-vis de la fission lorsque la condition de Bohr & Wheeler (1939)

EC(0) ≥ 2Esurf, (6.28)

est satisfaite. Cette condition a ´et´e obtenue en supposant un noyau isol´e. N´eanmoins les corrections induites par la pr´esences des autres noyaux dans l’´ecorce sont seulement de l’ordre de (R/Rcell)3 (voir Brandt (1985)). Cette condition associ´ee au th´eor`eme de viriel

(6.26), montre que les noyaux non sph´eriques apparaissent lorsque les noyaux occupent environ 1/8 de l’espace (R/Rcell ≥ 1/2 ⇒ Vnuc/Vcell ≥ 1/8). Les calculs de Ravenhall

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et al. (1983) indiquaient que la transition vers la mati`ere nucl´eaire homog`ene du manteau s’accompagnait d’une s´equence de phases exotiques. Par densit´e croissante, l’´ecorce serait ainsi compos´ee d’une phase de noyaux sph´eriques, suivie de noyaux en formes de tubes baptis´es (( spaghettis )) , puis une phase (( lasagnes )) de noyaux compl`etement aplatis.

A des densit´es plus grandes, lorsque la fraction de volume occup´e par les noyaux at- teindVnuc/Vcell ' 1/2, il apparaˆıt une s´erie de phases invers´ees, c’est-`a-dire de bulles dans

de la mati`ere nucl´eaire homog`ene, d´ej`a pr´edites plusieurs ann´ees auparavant par Baym et al. (1971a) : une phase (( antispaghettis )) de bulles cylindriques puis une phase de bulles sph´eriques. Ces r´esultats furent confirm´es peu de temps apr`es par Hashimoto et al. (1984) sur des arguments essentiellement g´eom´etriques. Ils montr`erent en particulier que les noyaux ou les bulles sph´eriques sont dispos´es selon un r´eseau cubique centr´e, et que leurs homologues cylindriques selon un r´eseau hexagonal bidimensionel (voir Oyamatsu et al. (1984)). Des calculs bas´es sur l’approximation de Thomas-Fermi, men`erent `a la mˆeme conclusion (voir Williams & Koonin (1985), Lassaut et al. (1987)). Lorenz et al. (1993) ´etudi`erent les diff´erentes phases exotiques `a l’´equilibre avec un mod`ele de goutte liquide compressible dont les param`etres furent calcul´es avec deux int´eractions nucl´eon- nucl´eon effectives ph´enom´enologiques de type Skyrme diff´erentes : l’int´eraction FPS d’une part, ajust´ee sur l’´equation d’´etat de Friedman & Pandharipande (1981) pour la mati`ere nucl´eaire sym´etrique et la mati`ere pure de neutrons, et l’int´eraction SkM (voir Krivine et al. (1980)) d’autre part. Dans le premier cas, ils retrouv`erent la s´equence des noyaux d´e- form´es mais dans l’autre cas, les configurations d’´equilibres ne laissaient jamais apparaˆıtre des phases exotiques. Ils montr`erent que cette diff´erence provenaient d’une diff´erence dans l’ajustement de l’int´eraction SkM sur les propri´et´es de la mati`ere pure de neutrons (voir Pethick et al. (1995)). Ceci illustre la n´ecessit´e d’avoir une meilleure compr´ehension de la mati`ere nucl´eaire dans des r´egimes de densit´e, de pression et de fraction protonique tr`es diff´erents de la mati`ere nucl´eaire rencontr´ee dans les noyaux ordinaires. Oyamatsu (1993) r´ealisa un calcul Thomas-Fermi avec une densit´e d’´energie ajust´ee sur l’´equation d’´etat de Friedman & Pandharipande (1981) et une forme param´etr´ee des densit´es et retrouva ´egalement la mˆeme s´equence de phases exotiques. Magierski et al. (2002, 2003) ont r´ecemment ´etudi´e la forme des noyaux dans l’approximation Skyrme-Hartree-Fock et ont montr´e que dans certains cas, la forme sph´erique n’´etait pas la forme d’´equilibre. La formation de phases exotiques a ´egalement ´et´e observ´ee par Watanabe et al. (2003) dans des simulations dynamiques. Signalons que certains mod`eles ne pr´edisent pas l’apparition de ces phases de (( pˆates )) nucl´eaires, comme le mod`ele de goutte liquide compressible de Douchin & Haensel (2000) bas´e sur une int´eraction effective de Skyrme (SLy4) et le mod`ele Thomas-Fermi de la th´eorie des champs moyens relativistes de Cheng et al. (1997). Les phases exotiques repr´esentent environ la moiti´e de toute la masse de l’´ecorce (voir Lorenz et al. (1993)). La pr´esence de noyaux d´eform´es pourrait jouer un rˆole important dans l’´emission de neutrinos et donc dans le refroidissement d’une ´etoile `a neutrons. Par exemple, il a r´ecemment ´et´e sugg´er´e par Gusakov et al. (2004) que l’existence d’une phase de bulles de neutrons pourrait d´eclencher des r´eactions de type URCA directes (n→ p+e+ ¯ν

esuivie de p + e− → n+νe) et affecter ainsi sensiblement le refroidissement

152 Physique nucl´eaire et ´etoile `a neutrons

propri´et´es voisines des cristaux liquides (voir Pethick & Potekhin (1998)), ce qui pourrait avoir des cons´equences importantes sur les modes d’oscillations de l’´etoile ou encore les sauts de fr´equences dans les pulsars.

Chapitre 7

Th´eorie des bandes

Sommaire

7.1 Introduction . . . 153 7.2 Mod`ele des bandes . . . 155 7.3 Sym´etries en m´ecanique quantique . . . 157 7.4 Repr´esentations du groupe sym´etrique . . . 170 7.5 Sym´etries d’un cristal . . . 171 7.6 Repr´esentations du groupe d’espace . . . 176 7.7 Limite de la mati`ere nucl´eaire homog`ene . . . 185 7.8 Surface de Fermi dans la th´eorie des bandes . . . 191

(( I found to my delight that the wave differed from the plane wave of free electrons only by a periodic modulation. This was so simple that I didn’t think it could be much of a discovery, but when I showed it to Heisenberg he said right away : ‘that’s it !’ ))

F. Bloch, Physics Today, 29 (12), 23-27 (1976)

7.1

Introduction

La th´eorie des bandes a ´et´e fond´ee par F´elix Bloch en 1928, c’est-`a-dire deux ans apr`es la d´ecouverte de l’´equation ´eponyme de Schr¨odinger. Bloch montra que la fonction d’onde d’un ´electron dans un potentiel p´eriodique est une onde plane modul´ee. Ce mod`ele pr´edit une structure en bandes dans le spectre d’´energie des ´electrons. Une des confirmations ex- p´erimentales les plus ´eclatantes de cette th´eorie est l’existence de mat´eriaux m´etalliques et isolants. Depuis, le mod`ele des bandes a permit de comprendre une grande vari´et´e de ph´enom`enes, comme par exemple les propri´et´es ´electriques et optiques des solides ou le comportement magn´etique des m´etaux `a basse temp´erature. La th´eorie des bandes a aussi donn´e naissance `a l’industrie des semiconducteurs et `a l’´electronique. Cette th´eorie n’est

154 Th´eorie des bandes 0.050 0.055 0.06 0.065 0.07 0.075 0.08 100 200 300 400 500 600 ρ [ fm−3 ] Z , A , N n , surf A Z A − Nn , surf

Figure 7.1 – Nombre de masse A et nombre de protons Z des noyaux sph´eriques dans l’´ecorce d’une ´etoile `a neutrons, en fonction de la densit´e de nucl´eons ρ. La r´egion gris´ee repr´esente le manteau homog`ene. La composition des noyaux r´esulte d’un calcul de goutte liquide compressible par Douchin & Haensel (2000).

d’ailleurs pas confin´ee `a la description des solides ordinaires. Pour preuve, ce formalisme a ´et´e r´ecemment adapt´e pour la description des cristaux photoniques dont un exemple est illustr´e sur la figure 7.2, c’est-`a-dire de mat´eriaux dont l’indice de r´efraction est spatiale- ment p´eriodique, les photons jouant le rˆole des ´electrons (voir par exemple Joannopoulos et al. (1997)). Les chercheurs parviennent `a contrˆoler la propagation de la lumi`ere en fabriquant des mat´eriaux (guides d’ondes) dont le spectre d’´energie des photons a ´et´e calcul´e pr´ec´edemment. Les applications industrielles sont nombreuses, notamment dans les t´el´ecommunications. De tels critaux photoniques s’observent ´egalement dans le monde vivant, comme par exemple dans certaines esp`eces de papillons (voir Bir´o et al. (2003)) et la souris de mer, et dans le monde min´erale avec l’opale. Le mˆeme principe a ´et´e ap- pliqu´e pour contrˆoler la propagation du son dans certains mat´eriaux, connus sous le nom de cristaux phononiques, comme la structure illustr´ee sur la figure 7.3. Par ailleurs, les condensats de Bose-Einstein dans des pi`eges optiques ont permit de mettre en ´evidence des propri´et´es pr´edites par la th´eorie des bandes, comme par exemple les oscillations de Bloch (voir Niu et al. (2000)), qui sont difficiles `a observer dans les solides du fait des ph´e- nom`enes de dissipation. Les oscillations de Bloch ont ´egalement ´et´e r´ecemment observ´ees dans des cristaux photoniques par Sapienza et al. (2003). Jusqu’`a pr´esent, l’astrophysique nucl´eaire semble ˆetres rest´ee tr`es herm´etique `a la diffusion des concepts de physique du solide alors que la th´eorie des bandes trouve un champ d’application naturel `a travers la description de l’´ecorce d’une ´etoile `a neutrons. En effet, les neutrons (( libres )) dans l’´ecorce sont les analogues des ´electrons de conduction dans un solide ordinaire. Nous al-