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I. INTRODUCTION :

6. La problématique des surinfections :

C’est tout récemment que les premiers cas avérés de surinfection ont été mis en

évidence. Dans une première étude, réalisée par Ramos et al en Thaïlande où deux souches

majeures cocirculent (la souche recombinante CRF01-AE et la souche B), deux usagers de

drogue par voie intraveineuse se sont surinfectés malgré une réponse humorale et cellulaire

importante contre le virus primaire (103). L’un des patients s’est infecté trois mois après

l’infection primaire, tandis que le deuxième l’a été 11 mois plus tard. Cette démonstration

génère de nombreuses réflexions quant à la capacité vaccinale à protéger contre des infections

hétérologues (103).

Une deuxième étude menée par Jost et al, décrit le cas d’un homosexuel de 38 ans,

infecté par une première souche AE. Enrôlé dans une cohorte de mise sous HAART, ce

patient s’est surinfecté lors de vacances thérapeutiques par une souche B durant un voyage au

Brésil (104). Un rebond de la charge virale plasmatique jusqu’à 400.000 copies/ml fut observé

lors de la surinfection, et le premier variant CRF01_AE devint indétectable par la suite.

Dans une troisième étude, Altfeld et al (105) ont mis en évidence une surinfection

chez un individu qui présentait pourtant, à nouveau, une large réponse CD8 contre 25 épitopes

des protéines virales Gag, RT, Intégrase, Env, Nef, Vpr, Vif et Rev contre le virus primaire de

sous-type B. Cet individu présentait un rebond de charge virale plasmatique important lors de

la surinfection par un sous-type B divergent de 12% dans l’enveloppe. De même, la réponse

des lymphocytes CD8 a subi une régression importante conséquente à la présence du nouveau

variant (105). Une quatrième étude a décrit une surinfection après acquisition de résistance

d’un variant B, par un autre variant sauvage, du même sous-type (106). Plus récemment

encore, l’équipe de Jost a procédé d’une manière originale en recherchant, au sein d’une

cohorte suisse d’usagers de drogue par voie intraveineuse, ceux qui avaient un pic de charge

virale élevé sans raison définie (5 parmi 136). Deux nouveaux cas de surinfection d’un

sous-type B par un variant CRF011_cpx furent mis en évidence de cette manière (107).

Au vu de ces résultats, il semble de plus en plus évident que les phénomènes de

surinfection ne soient pas des phénomènes marginaux, mais, que, au contraire, ils sont plus

fréquents qu’initialement imaginé par la communauté scientifique (108). De nombreuses

polémiques ont suivi ces publications, et les avis sont partagés quant à l’impact de ces

découvertes sur la conception d’un vaccin efficace.

En effet, la surinfection a été induite chez les chimpanzés avec le VIH (109), comme

chez le macaque avec le SIV (110, 111). Dans ces deux modèles expérimentaux, l’infection

secondaire génère une dégradation de l’immunité ralentie par rapport à l’infection avec le

premier variant et la charge virale plasmatique est stabilisée (109-111). De plus, lorsque

expérimentalement, le compartiment CD8+ est éliminé, les hauts niveaux de virémie initiaux

persistent (112).

Tableau 2. Interprétation du « timing » de la TME en fonction des résultats de

(RT)-PCR :

Transmission/RT-PCR* J1/J8 J45 J90 J180

Perinatale Positif Positif Positif Positif

Postpartum précoce Négatif Négatif ou

Positif

Positif Positif

Postpartum tardive Négatif Négatif Négatif avec

résultat positif

plus tard

Positif ou négatif

avec résultat

positif plus tard

Pas de transmission Négatif Négatif Négatif Négatif sans

résultat positif

plus tard

*Infection déterminée par RT-PCR spécifique de l’ARN VIH sur le plasma du nouveau-né

Chez l’homme, l’espoir de la mise au point d’un vaccin qui permettrait d’engendrer

une large réponse immunitaire, contre un large spectre de variants génétiquement différents

reste maintenu (113, 114). Jay Levy rappelle que pour de nombreux virus, la réinfection est

un phénomène courant, comme pour le virus Epstein-Barr, le cytomégalovirus et les

papillomavirus (113). La surinfection avec le VIH n’est donc pas surprenante, et la réponse

immunitaire, une fois installée contre le second variant devrait permettre une stabilisation de

la virémie, comme observé in vitro (115).

Cependant, Goulder et Walker signalent l’importance de la mise en évidence de

nouveaux cas de surinfection, de l’observation de la naissance de nouvelles formes

recombinantes dans le cas de surinfections et du fait de savoir si elles peuvent s’opérer au sein

de mêmes clades (114). Par ailleurs, les deux réflexions présentées mettent en avant le fait que

les personnes surinfectées étaient ou avaient été sous HAART, et que la réponse immunitaire

devait, dès lors, s’en trouver affaiblie. Notre travail a eu pour objectifs de développer un

outil simple, basé sur le HMA, pour l’identification des surinfections chez des adultes

non traités, puis d’évaluer si celles-ci pouvaient être détectées chez les enfants.

6.2. La surinfection dans le contexte de la TME :

Jusqu’à présent, aucune équipe n’a présenté de résultats sur l’impact que pouvaient

avoir de telles coinfections/surinfections sur les femmes enceintes et sur la transmission de

variants différentiels de la mère à l’enfant. Mais, l’on sait, d’après ce qui a été étudié sur la

TME que, dans certains cas pour le moins, des variants mineurs de la quasi-espèce peuvent

être transmis (116-118). Dès lors, deux scenarii peuvent se présenterqui pourraient influencer

les types de variants lors de TME et mimer une surinfection chez l’enfant :

1°) La mère présente une population virale très divergente, comme c’est le cas

lorsqu’un patient évolue vers le stade SIDA (116), et transmet in utero un variant mineur qui

acquière la propriété de traverser la membrane placentaire. L’enfant est infecté in utero et

présente une PCR positive quelques jours après la naissance (tableau 2). Cependant, il est

probable qu’un variant qui acquerrait la propriété de franchir les muqueuses mammaires cette

fois, serait de type différent de celui qui avait acquis les propriétés de pénétrer la membrane

placentaire. Si cette nouvelle classe de variants, qui se multiplient dans les glandes

mammaires, infecte le nouveau-né, on se trouverait dans un cas similaire à celui d’une

surinfection du nouveau-né par un nouveau variant, mais par l’allaitement.

Le nouveau-né pourrait aussi s’infecter intrapartum avec un variant différent présent

mais intrapartum cette fois. Ce phénomène pourrait avoir lieu a fortiori si la mère est

coinfectée par deux populations virales différentes.

2°) Un autre scénario qui pourrait se présenter est que la mère, déjà infectée, se

surinfecte par un nouveau variant, lors de sa grossesse ou après l’accouchement. En effet,

durant ces deux périodes, la femme se trouve dans une situation de switch immunitaire d’une

réponse cellulaire – plus adaptée contre le VIH – vers une réponse en Ac (cfr infra)(120). Dès

lors, avec l’augmentation de CVpl (générant une plus grande diversité génétique) et la baisse

des lymphocytes T CD4+ consécutifs à l’infection primaire, il est vraisemblable que

l’infection in utero peut être facilitée. Et que, parmi les deux populations virales présentes, il

s’en trouve une ayant des propriétés pour franchir la membrane placentaire. D’autre part,

cette diversité génétique, et l’augmentation de la CVpl liée à la surinfection devrait favoriser

la transmission par l’allaitement également.

Un autre argument qui favorise cette hypothèse est le fait qu’après l’accouchement, la

femme se trouve dans une situation de fragilisation des muqueuses cervicales (ectopion, cfr

infra) qui favorise la transmission hétérosexuelle. En cas de surinfection, l’augmentation de

CVpl et donc de CVlm (121) devrait donc également favoriser la transmission par

l’allaitement. Quoiqu’il en soit, il est vraisemblable qu’en période de grossesse, le phénomène

de surinfection puisse survenir plus facilement chez la mère et avoir un impact sur la TME.