I. INTRODUCTION :
2. Origine et évolution génétique du virus :
2.2. Causes et conséquences de la variabilité
Le taux d'évolution du génome rétroviral dépend de quatre facteurs :
- le taux de mutations spontanées dues aux erreurs de la transcriptase inverse
- le nombre de générations par unité de temps
- les recombinaisons de deux ou plusieurs variants au sein d’une même cellule
- les pressions de sélection positive et négative
Figure 2 : cycle de réplication du VIH :
Turner BG & Summers MF. Structural Biology of HIV. J Mol Biol 1999;285 :1-32.
Reconnais-sance et liaison Fusion et pénétration Récepteur de chimiokine Récepteur CD4+
Phase précoce
Phase tardive
Transcription sur ribosome Reconnaissance du génome Assemblage Transcription sur ribosome Dégradation du CD4 Bourgeon-nement Reticulum endoplasmique Maturation2.2.1. Faible fidélité de la transcriptase inverse :
La transcriptase inverse a un taux d’erreur estimé à environ 10
-4mutations par site et
par cycle, soit une erreur par cycle réplicatif en moyenne dans les études qui furent réalisées
in vitro (40, 41). Cette ADN polymérase ne possède pas d’activité exonucléase 3’-5', et ne
peut corriger les mauvaises incorporations de nucléotides essentiellement lors de la
transcription de l'ARN en ADN (42). Des études in vivo donnent un taux de mutation plus
faible [3x10
-5mutations par site et par cycle selon Mansky (43)].
2.2.2. Fort taux de réplication
Le taux de réplication du VIH estimé in vivo est de l'ordre de 10
9à 10
10par jour (44),
ce qui génère une grande quantité de variants (figure 2) (45).
2.2.3. Recombinaisons
La transcriptase inverse "switch" d’un brin d’ARN à l’autre durant la transcription (46,
47), pendant la synthèse du brin négatif (premier synthétisé) (48, 49). Les recombinaisons
intramoléculaires (à l'intérieur d'une même molécule d'ARN) génèrent ainsi des délétions ou
des insertions (50). Les co-infections sont à la base des phénomènes de recombinaison inter
sous-types lorsque deux ARN de souches différentes sont ensemble dans le même virion (cfr
infra).
Une première forme de recombinaison est le transfert d'amorce durant la synthèse du
provirus. Le LTR 5' synthétisé à partir de l'amorce ARNt Lys peut se fixer sur la deuxième
molécule d'ARN lors de ce transfert.
D'autres recombinaisons ont lieu pendant la transcription inverse, elles se produiraient
pendant les pauses de l'enzyme (49) qui change de brin d'ARN, sur des régions de forte
homologie (50). Cependant, une petite zone d’homologie semble suffisante pour l’échange de
matériel génétique ce qui justifie l’existence de recombinants inter sous-types et
inter-groupes.
Récemment, Meyerhans et son équipe ont démontré que le taux de recombinaisons
entre virus au sein d’une même cellule pourrait être beaucoup plus important qu’imaginé
initialement. En effet, par des hybridations in situ dans des splénocytes après
micro-dissection, ils ont identifié une moyenne de 3 à 4 séquences provirales dans l’ADN cellulaire
et jusqu’à 8 séquences dans certaines cellules (figure 3). Ces découvertes démontrent que les
Figure 3 : Observation de séquences provirales VIH dans des splénocytes de patients
infectés lors de différentes phases cellulaires (51):
Splénocytes de deux patients séropositifs pour le VIH : les points verts correspondent aux provirus VIH détectés par une sonde spécifique de l’enveloppe virale (sonde ∆env). Les points rouges indiquent les centromères du chromosome 12 (sonde D12Z1).
A : ce patient a un nombre de cellules T CD4+ évalué à 583/µl et une CVpl de 5900 c/ml
2.2.4. Pressions de sélection du système immunitaire :
Mutations synonymes :
Les pressions dites négatives génèrent les mutations synonymes n'entraînant pas de
changement d'acide aminé. Les régions indispensables aux activités enzymatiques, de même
qu’aux fonctions d’une protéine particulière sont conservées. Par exemple, pour les protéines
du gène gag, les zones d'interaction entre protéines sont conservées, pour pouvoir former la
matrice et la capside de la particule virale. En revanche, les protéines de l'enveloppe
comprennent des régions variables (V1- V5) qui subissent plus facilement des changements
d'acides aminés : ce sont des mutations non synonymes (52).
Mutations non synonymes :
Les pressions positives génèrent des mutations non synonymes qui favorisent les
changements d'acides aminés. Les mutations des protéines de l'enveloppe peuvent induire des
changements des épitopes conformationnels et structurels du virus, et donc l’échappement à la
réponse des anticorps et des cellules immunitaires. De même, des mutations qui induisent une
résistance aux ARVs peuvent être sélectionnées lors de traitements. De plus, il existe des
souches naturellement résistantes à certains ARVs (53) (cfr infra).
2.2.5. Conséquences :
La formation de quasi-espèce est une des conséquences de la variabilité du VIH (54,
55) : plusieurs variants viraux co-circulent chez un même patient ; ils dérivent du variant
initialement transmis par mutations, insertions et/ou délétions (56, 57). La diversité génétique
des quasi-espèces est de l’ordre de 5% ; 17% sur le gène de l'enveloppe chez les patients en
progression lente (58, 59) : elle augmente au fur et à mesure de l’évolution vers la maladie
alors qu’elle est faible en primo-infection (60). La pression de sélection du système
immunitaire des différents groupes d’individus infectés a généré de grands taxons viraux. Ils
ont été classés en fonction de la divergence observée dans l’enveloppe virale dans un premier
temps. Ensuite, lors de la découverte de virus chimères, cette classification s’est étendue en
fonction d’analyses de séquences du génome tout entier, et un classement taxonomique en
sous-types, sous sous-types et CRFs a été établi.
Figure 4 : Arbre phylogénétique des groupes VIH et liens avec le SIV / Formes
recombinantes les plus courantes en Afrique :
a) Arbre phylogénétique de séquences complètes de génomes (la barre indique 10% de divergence) (le nombre indiqué aux branchements indique les valeurs de bootstrap).
b) Structure mosaïque des CRF en Afrique
c) Recombinant complexe de VIH-1 à partir de deux CRF et structure mosaïque de deux groupes différents (M/O)
Martine Peeters, Coumba Toure-Kane and John Nkengasong. Genetic diversity of HIV in Africa : impact on diagnosis, treatment, vaccine development and trials. AIDS 2003; 17(18):2547-2560