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Problématique de la pénalisation des atteintes au consentement contractuel.

III. LA PÉNALISATION « DES ATTEINTES AU CONSENTEMENT » 30 La notion de consentement La notion de consentement est loin d'être inconnue

48. Problématique de la pénalisation des atteintes au consentement contractuel.

Notre sujet est une réflexion sur la pénalisation, et doit par conséquent s'articuler autour de cette notion - en prenant garde, toutefois, à ne jamais oublier son objet : les atteintes au consentement contractuel. À cette fin, le plus simple est alors de reprendre les deux connotations de la pénalisation qui ont pu être dégagées.

La pénalisation désignerait d'abord, nous l'avons dit, l'extension du recours au droit pénal. En ce premier sens, la pénalisation n'est finalement rien d'autre que l'inflation pénale, phénomène aussi commenté que critiqué 259. Son étude pourrait alors paraître peu

novatrice, si elle n'était en réalité motivée par certaines particularités. En premier lieu, ce n'est pas n'importe quelle pénalisation qu'il s'agit ici d'étudier, mais celle des atteintes au consentement dans le champ contractuel. C'est, autrement formulé, s'attacher à rechercher les incriminations qui protègent l'intégrité du consentement ou la bonne foi contractuelle. Cette démarche, qui n'a jamais été entreprise, est justifiée par la mutation apparente de la valeur sociale protégée par certaines incriminations vers l'intégrité du consentement. Dans un second cas de figure, plus fréquent, l'atteinte au consentement contractuel est le moyen de l'infraction - laquelle porte atteinte à différents intérêts protégés. La question

256 Chiffre issu du rapport remis à la ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme par la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (www.fevad.com).

257 Siège d'atteintes au consentement parfois des plus insidieuses : ainsi s'est développé un phénomène de création de faux internautes qui laissent des appréciations valorisantes sur tel ou tel produit. Sur le site internet www.facebook.com, des entreprises créent virtuellement des milliers de faux comptes qui « aiment » un produit, faisant croire à son approbation massive par de véritables personnes (sur le phénomène, voy. l'article de Y. EUDES, « Les faux amis de mes amis... », Le Monde, 19 septembre 2012,

p. 17).

258 Voy. par ex., pour la condamnation pour pratiques commerciales déloyales d'un comparateur de prix sur internet, en réalité site publicitaire : Com., 4 décembre 2012 ; à paraître au bulletin, pourvoi n° 11-27729 ; D. 2012, act. p. 2956, obs. C. MANARA ; Revue Lamy Droit des Affaires 2013, n° 4414,

obs. C. MATHONNIÈRE ; Communication commerce électronique 2013, comm. n° 14, note G. LOISEAU ; Contrats

concurrence consommation 2013, comm. n° 68, note G. RAYMOND.

259 L'expression semble avoir été employée pour la première fois par M. DELMAS-MARTY lors de son

intervention au VIème congrès de l'Association française de droit pénal qui s'est tenu à Montpellier les 7, 8 et 9 novembre 1983.

sous-jacente aux deux situations est celle de la mesure de la pénalisation. Il faudra ici s'interroger quant à la pertinence même de notre intitulé : peut-on parler de pénalisation, dans ce pan du droit pénal des affaires où une dépénalisation est régulièrement annoncée, et parfois opérée ? Il n'est à cet égard pas inutile de remarquer que notre thèse a commencé quelques mois après le chassé-croisé des plus curieux 260 entre la loi du 3 janvier 2008 261

incriminant entre autres les pratiques commerciales déloyales et la présentation, quelques jours plus tard, du rapport du groupe de travail présidé par M. COULON tendant à une réelle « dépénalisation de la vie des affaires » 262.

Bien évidemment notre sujet dépasse la simple question de la mesure de l'étendue de la pénalisation. La pénalisation n'est pas qu'une simple addition d'incriminations. C'est en réalité un ensemble de règles - substantielles comme procédurales - , tendant à l'amélioration de la prévention et au durcissement de la répression du plus grand nombre d'atteintes au consentement contractuel. Ainsi l'élément matériel des incriminations a-t-il été souvent élargi, tandis que, parallèlement, l'élément moral a été assoupli dans des proportions parfois inquiétantes. C'est alors se poser la question de la portée de la pénalisation, en particulier sur la nature et la qualité des incriminations.

Les implications de la pénalisation dépassent en réalité le seul droit pénal. Il ne s'agit pas d'oublier que la protection pénale du consentement contractuel coïncide souvent avec la protection offerte par le droit civil, lequel reste le protecteur naturel du contrat. M. OTTENHOF se proposait de rechercher « comment le droit pénal collabore avec le droit

civil pour assurer le respect des règles qui président à la formation correcte du contrat » 263.

Dans bien des cas cependant, la réalité est moins celle d'une collaboration que d'une subordination du droit civil au droit pénal. En particulier, il est possible de se demander dans quelle mesure la présence d'une infraction pénale est susceptible d'influer sur la validité du contrat d'une part, sur le procès civil d'autre part.

Ce constat d'une inflation de la pénalisation des atteintes au consentement, qui cause par ailleurs une dénaturation de certains principes classiques, ne peut laisser indifférent. Il pose

260 Voy., parlant à ce sujet d'une « dépénalisation peu cohérente et parfois contradictoire », M. BÉNÉJAT, La

responsabilité pénale professionnelle, préf. J.-C. SAINT-PAU, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque de Thèses,

vol. 111, 2012, n° 238.

261 Loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs.

262 J.-M. COULON (dir.), La dépénalisation de la vie des affaires, op. cit.

à nos yeux ce qui est la véritable question de la pénalisation des atteintes au consentement contractuel, celle de sa légitimité. La nécessité pénale est un principe central. Or, fallait-il recourir au droit pénal en cette matière, ou plutôt, fallait-il y recourir aussi souvent et aussi largement ? C'est s'atteler à un travail risqué, mais particulièrement intéressant, d'un contrôle de légitimité de la pénalisation. Mais, et là est sans doute la question la plus délicate, selon quels critères ? Ces critères devront s'appuyer sur certaines solutions déjà dégagées par le Conseil constitutionnel, mais surtout de solides bases logiques au regard de la fonction et de l'efficacité du droit pénal. Il conviendra de faire preuve d'une certaine mesure : il ne serait ni réaliste ni même souhaitable de dépénaliser à l'excès. Pour autant que nous y arrivions, les conséquences seront importantes, en particulier car cela nous conduira à proposer une dépénalisation du droit pénal illégitime. Si l'on s'accorde sur une dépénalisation partielle des atteintes au consentement contractuel, cela ne doit pas être synonyme d'une baisse de la protection des contractants. Il faudra alors proposer des substituts à la pénalisation, en étudiant principalement les voies administratives et civiles. Toute la difficulté sera d'identifier des sanctions originales et distinctes des sanctions pénales, mais suffisamment efficaces dans la protection du consentement contractuel.