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Étendue de la pénalisation renouvelée de la tromperie du consentement.

CHAPITRE I. L'INFLATION PÉNALE

S ECTION 1 L A PÉNALISATION DE LA TROMPERIE DU CONSENTEMENT

99. Étendue de la pénalisation renouvelée de la tromperie du consentement.

L'étude de cet aspect de la pénalisation offre en revanche un autre intérêt, qui sera ici privilégié. Il permet en effet de dresser certaines frontières de la pénalisation des atteintes au consentement contractuel. Les frontières temporelles d'abord, par exemple en raison de la pénalisation de tromperies qui se situent bien en amont de la conclusion du contrat. Les frontières matérielles ensuite, par exemple lorsque la pénalisation aura pour objet ce qui

465 Voy. par ex., mêlant les diverses protections, la directive européenne précitée du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales, dont le huitième considérant dispose que « la présente directive protège les intérêts des consommateurs contre les pratiques commerciales des entreprises à leur égard. Dès lors, elle protège aussi indirectement les entreprises légitimes contre les concurrents qui ne suivent pas les règles du jeu fixées par elle, garantissant ainsi une concurrence loyale dans le secteur d'activité qu'elle coordonne ».

relève davantage d'une simple séduction du consentement. Le fondement, mais aussi la technique de pénalisation de ces atteintes diffèrent selon les deux inspirations principales de la pénalisation renouvelée de la tromperie du consentement : il s'agit de l'inspiration consumériste (A) et de l'inspiration concurrentielle (B).

A. L'inspiration consumériste de la pénalisation de la tromperie du consentement

100. La pénalisation de la tromperie du consentement a débuté avant l'essor du droit de

la consommation à proprement parler, avec la répression des fraudes et falsifications opérée par la fameuse loi du 1er août 1905, dont l'objectif initial était la protection du marché. Ces prémices de la pénalisation d'inspiration consumériste (1) ont été annonciatrices de sa plénitude (2), intervenue seulement dans la seconde moitié du XXème siècle, et concrétisée par une pénalisation massive de toutes les tromperies qui pourraient nuire à l'intégrité du consentement du consommateur.

1. Les prémices de la pénalisation d'inspiration consumériste de la tromperie du consentement : les fraudes et falsifications

101. La loi du 1er août 1905. La répression de la tromperie - du consommateur, mais pas

seulement - , constitue la base et l'origine de la pénalisation des atteintes au consentement, ce qui explique son ancienneté : avant 1905, la tromperie du contractant pouvait être poursuivie sur le fondement de l'escroquerie, ou sur l'ancêtre de l'incrimination de tromperie 466. Bien plus tard, d'autres incriminations tendant aux mêmes objectifs sont

apparues. Entre ces deux phases se situe une loi fameuse, celle du 1er août 1905 « sur la répression des fraudes dans la vente des marchandises et des falsifications des denrées alimentaires et des produits agricoles ». Mais cette loi de 1905 est-elle protectrice du marché, ou des consommateurs 467 ? Rattacher indistinctement la loi du 1er août 1905 à la protection du consommateur serait trahir l'inspiration concurrentielle qui présida à son adoption. La loi de 1905 répondit aux exigences des agriculteurs et commerçants, qui furent les premiers à exiger des sanctions contre les fraudeurs qui leur faisaient une concurrence déloyale. Ces derniers profitaient à l'époque de l'absence d'une quelconque réglementation pénale de la production alimentaire pour fournir des produits tels que du

466 Article 423 du Code pénal de 1810, lequel réprimait la tromperie de l'acheteur, notamment en matière de vente de minéraux de valeur.

467 Sur quoi, voy. A. LECOURT, « La loi du 1er août 1905 : protection du marché ou protection du

lait frelaté ou du vin coupé ou empli d'additifs nocifs 468. Mais ces mêmes exemples

montrent bien que, indirectement, la loi du 1er août 1905 aboutit à protéger également le consommateur, qui subissait en première ligne ces fraudes et falsifications. Cette dualité d'objectif, en germe dans le texte d'origine, a ensuite éclos sous l'influence conjuguée du législateur et du juge. Le mouvement consumériste des années 1970 en fut évidemment le facteur déterminant, et la loi de 1905 « reçut facilement, sans en être [bouleversée], les nouveautés inspirées par le mouvement consumériste moderne » 469. De sorte que certaines

de ses incriminations visent désormais incontestablement la protection du consentement contractuel 470.

Les incriminations issues de la loi de 1905 sont multiples et, par exemple, coexistent avec la tromperie certains délits connexes : tentative de tromperie, détention de faux poids ou d'instruments de mesure fausse 471. D'autres prescriptions pénales y ont ensuite été

adjointes : signalons l'article L. 214-1 du Code de la consommation, qui permet au pouvoir réglementaire de prendre, par décret en Conseil d'État, les mesures nécessaires pour prévenir la tromperie du consommateur, décrets dont les violations sont pénalement réprimées 472. Nous ne retiendrons ici que les deux délits principaux de la loi de 1905 que

sont les délits de tromperie et de falsification, pour remarquer que si le premier protège directement le consentement contractuel (a), le second n'envisage les atteintes au consentement que comme l'un des moyens d'une atteinte dirigée contre, principalement, la santé du consommateur (b).

a. La protection directe du consentement contractuel par le délit de tromperie

102. Le rattachement du délit de tromperie à la pénalisation des atteintes au consentement contractuel. L'incrimination de tromperie participe de manière évidente à

la pénalisation des atteintes au consentement contractuel. Elle figure aujourd'hui à l'article L. 213-1 du Code de la consommation, lequel réprime « quiconque, qu'il soit ou non partie

468 Idem, spéc. p. 722.

469 J.-H. ROBERT et H. MATSOPOULOU, Traité de droit pénal des affaires, PUF, coll. Droit fondamental, 1ère éd.,

2004, p. 296.

470 En ce sens, J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation, Dalloz, coll. Précis, 8ème éd., 2010,

n° 219 : « la loi de 1905, passée dans le Code de la consommation, n'a plus pour but principal de réprimer les fraudes. Elle tend principalement à protéger les consommateurs ».

471 Voy. l'article L. 213-4 du Code de la consommation.

472 Dans le cas où les délits de falsification et de tromperie sont inapplicables, l'article L. 214-2 du Code de la consommation sanctionne les infractions aux décrets visés d'une contravention de troisième classe. Voy. infra, n° 256.

au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers », le texte visant ensuite un grand nombre d'éléments sur lesquels la tromperie peut porter 473. Il faut donc d'abord un contrat ou une

offre de contrat 474 - un arrêt rendu le 20 novembre 2012 à propos du nuage de Tchernobyl

a permis de le rappeler 475 - , dont le juge a très vite étendu la nature 476. Ensuite, les

« marchandises » sur lesquelles le contrat porte ont été entendues de tous les meubles dits meublants, les voitures, jusqu'au sang humain, et c'est d'ailleurs en se fondant sur la tromperie - « délit d'épicier » 477, fulminèrent certains - , que fut engagée l'affaire du sang

contaminé 478. Seuls les immeubles sont exclus du domaine de la tromperie 479. Le

législateur est, lui, venu rajouter notamment les services au champ d'application de la tromperie par la loi du 10 janvier 1978 480. C'est depuis cette même loi que le texte vise,

comme auteur de l'infraction, « quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat […] même par l'intermédiaire d'un tiers », alors que seul le cocontractant était auparavant concerné. La largesse de cette formule induit par ailleurs que ce texte n'est pas réservé aux contrats entre

473 Inséré aux articles L. 213-1 et suivants du Code de la consommation en 1993, le délit de tromperie punit plus exactement « d'un emprisonnement de deux ans au plus et d'une amende de 37 500 euros au plus ou de l'une de ces deux peines seulement quiconque, qu'il soit ou non partie au contrat, aura trompé ou tenté de tromper le contractant, par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l'intermédiaire d'un tiers : 1° Soit sur la nature, l'espèce, l'origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ; 2° Soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité par la livraison d'une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l'objet du contrat ; 3° Soit sur l'aptitude à l'emploi, les risques inhérents à l'utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d'emploi ou les précautions à prendre ». Signalons que les peines de la tromperie sont amenées à être augmentées avec l'adoption du projet de loi relatif à la consommation (voy. infra, n° 358).

474 L'existence d'un contrat est ainsi une condition préalable du délit de tromperie, voy. TC Paris, 14 janvier 2009 ; Droit pénal 2009, comm. n° 98, note J.-H. ROBERT (affaire de l'hormone de croissance). Un arrêt,

sans doute d'espèce, a élargi de manière critiquable le délit en retenant qu'un contrat « éventuel » suffisait pour caractériser la tromperie (Crim., 7 septembre 2011 ; inédit, pourvoi n° 10-87354).

475 La Cour de cassation a refusé d'appliquer la tromperie aux « informations d'ordre général, délivrées en dehors de tout lien contractuel » données à l'occasion du passage en France du nuage radioactif de Tchernobyl (Crim., 20 novembre 2012 ; Bull. crim., n° 251 ; D. 2013, p. 218, note C. LACROIX ;

Communication commerce électronique 2013, comm. n° 7, note A. LEPAGE ; Droit pénal 2013, comm. n° 17,

note M. VÉRON, et comm. n° 28, note J.-H. ROBERT ; AJ Pénal 2013, p. 220,

obs. J. LASSERRE-CAPDEVILLE ; RSC 2013, p. 89, obs. C. AMBROISE-CASTÉROT ; RTD com. 2013, p. 361,

obs. B. BOULOC ; RPDP 2012, p. 367, note J.-C. SAINT-PAU).

476 Tous les contrats ne sont cependant pas concernés : ainsi les contrats à titre gratuit sont exclus du champ d'application de la tromperie (Crim., 8 mars 1990 ; Bull. crim., n° 111 ; JCP G 1990, II, 21542, note J.-H. ROBERT ; Droit pénal 1990, comm. n° 227, obs. J.-H. ROBERT).

477 J.-P. DELMAS SAINT-HILAIRE, « L'affaire du sang contaminé : la triple ambiguïté de l'arrêt de la Chambre

criminelle du 22 juin 1994 », Gaz. Pal. 1994, doctr. p. 1135 et s., spéc. p. 1135 (souligné par l'auteur). 478 Voy. Crim., 22 juin 1994 ; Bull. crim., n° 248 ; JCP G 1994, II, 22310, note M.-L. RASSAT ; D. 1995,

jur. p. 65, concl. J. PERFETTI, et jur. p. 85, note A. PROTHAIS ; RSC 1995, p. 347, obs. Y. MAYAUD.

479 Les juges ont également fait échapper la location d'un immeuble à la loi de 1905 (Crim., 24 janvier 1991 ; D. 1991, somm. p. 271, note G. AZIBERT ; et, plus récemment, Crim., 13 janvier 2009 ; Bull. crim.,

n° 12 ; JCP G 2009, II, 10094, note A. DONNIER ; Contrats concurrence consommation 2009, comm. n° 119,

obs. G. RAYMOND).

professionnels et consommateurs : la chambre criminelle applique donc le délit de tromperie aux relations entre professionnels, et même aux professionnels contractant dans leurs domaines de compétences 481. Si l'incrimination de tromperie est d'inspiration

consumériste, son champ d'application transgresse donc largement ce seul domaine.

Comme son nom l'indique, l'incrimination exige ensuite une tromperie, destinée à inciter autrui à contracter. La tentative étant réprimée, le délit est constitué par la simple mise en vente de la marchandise. Quant aux moyens de cette tromperie, une simple abstention ou défaut d'information suffit 482, ce qui rapproche ce délit du dol civil par réticence, mais

l'éloigne des autres incriminations pénales, notamment de l'escroquerie. Bien d'autres évolutions pourraient être citées, et notamment l'extension démesurée de l'élément moral, qui donnera lieu à des développements spécifiques 483. Mais il n'est pas utile de rentrer plus

en avant dans la description de l'incrimination : il suffisait de vérifier sa participation effective à la pénalisation des atteintes au consentement contractuel. En réalité, la place accordée au consentement contractuel par l'incrimination de tromperie est telle qu'elle pose la question de savoir s'il ne s'agit pas de l'intérêt désormais protégé.

103. L'intégrité du consentement, valeur protégée par l'incrimination de tromperie ? L'identification certaine de la valeur protégée par l'incrimination de tromperie

paraît impossible, car plusieurs protections s'entremêlent sans qu'aucune ne l'emporte réellement. Ce qui est certain, c'est que le contenu de l'incrimination est entièrement tourné vers la protection de l'intégrité du consentement du contractant : la consommation de la tromperie suppose nécessairement la tromperie du contractant, ou du moins un risque de tromperie lorsque la tentative est réprimée 484. D'ailleurs, la réécriture du texte incriminant

la tromperie telle que la proposait M. ROBERT dans le rapport « COULON », ne reprenait

que ce seul aspect de protection du consentement 485. En outre, les peines encourues seront

481 Crim., 4 novembre 2008 ; Bull. crim., n° 223 ; D. 2009, pan. p. 394, obs. N. SAUPHANOR-BROUILLAUD ;

Contrats concurrence consommation 2009, comm. n° 90, note G. RAYMOND ; AJ Pénal 2009, p. 74, note

J.-R. DEMARCHI ; Droit pénal 2009, comm. n° 14, note J.-H. ROBERT ; RSC 2009, p. 102,

obs. C. AMBROISE-CASTÉROT ; RTD. com. 2009, p. 472, obs. B. BOULOC ; Crim., 6 septembre 2011 ; Droit

pénal 2011, comm. n° 139, obs. J.-H. ROBERT.

482 Voy. par ex., Crim., 27 janvier 1987 ; D. 1988, jur. p. 156, note C. CARREAU.

483 Voy. infra, n° 263.

484 Comp. Crim., 20 octobre 2009 ; inédit, pourvoi n° 09-83678 ; Droit pénal 2010, comm. n° 50, obs. J.-H. ROBERT, et chron. n° 4, obs. A. LEPAGE : la tromperie a été caractérisée en présence d'une

indication inexacte quant à la cylindrée du véhicule, alors que l'acheteur ne s'y intéressait pas.

485 « Constitue une tromperie le fait de dire ou de suggérer, même par réticence, lors de la formation ou de l'exécution d'un contrat à titre onéreux, des informations mensongères relatives aux qualités substantielles de l'objet de la convention lorsqu'il consiste en un objet mobilier matériel ou en une

doublées notamment lorsque certaines manœuvres frauduleuses destinées à tromper le consommateur seront caractérisées 486. Il serait alors possible d'identifier cette intégrité du

consentement comme valeur protégée par l'incrimination de tromperie.

Mais il convient de remarquer qu'aucune des différentes extensions ne perd de vue l'objectif initial de la tromperie : favoriser les professionnels honnêtes, de sorte que l'incrimination ne saurait être totalement détachée de ses vertus concurrentielles. Il serait donc possible de considérer que la tromperie du consentement du contractant n'est incriminée que parce qu'elle risque de nuire à la concurrence, ratio legis initiale de l'incrimination, sans qu'aucun argument ne permette de trancher cette question d'une manière définitive, dans un sens ou dans l'autre. On ajoutera qu'à ces différentes finalités s'ajoute encore la protection de la santé des consommateurs, impératif présent de 1905 à nos jours, ce qu'attestent notamment certaines circonstances aggravantes de la tromperie 487.

En définitive, il faut reconnaître que la valeur protégée par l'incrimination de tromperie est diffuse au sein de l'objectif général de loyauté du marché, qui se décline en une concurrence saine d'une part, la protection des consommateurs, et notamment de leurs consentements d'autre part 488. En tous les cas, la tromperie constitue un instrument certain

et essentiel de la pénalisation des atteintes au consentement dans le champ contractuel. Pareilles considérations ne sauraient être étendues au délit de falsification, qui n'intègre qu'indirectement la pénalisation des atteintes au consentement contractuel.

prestation de service » (in J.-M. COULON (dir.), La dépénalisation de la vie des affaires, op. cit., p. 47).

486 Selon l'article L. 213-2 du Code de la consommation, « Les peines prévues à l'article L. 213-1 sont portées au double : 1° […]; 2° Si le délit ou la tentative de délit prévus à l'article L. 213-1 ont été commis : a) Soit à l'aide de poids, mesures et autres instruments faux ou inexacts ; b) Soit à l'aide de manœuvres ou procédés tendant à fausser les opérations de l'analyse ou du dosage, du pesage ou du mesurage, ou tendant à modifier frauduleusement la composition, le poids ou le volume des marchandises, même avant ces opérations ; c) Soit enfin à l'aide d'indications frauduleuses tendant à faire croire à une opération antérieure et exacte ». Rappr. l'article L. 213-4 du Code de la consommation (délit connexe de détention réprimant notamment la détention d'appareils de mesures inexacts ou d'objets propres à falsifier).

487 L'article L. 213-2 du Code de la consommation double ainsi les peines prévues pour la tromperie notamment lorsque celle-ci aura eu pour conséquence de rendre l'utilisation de la marchandise dangereuse pour la santé de l'homme ou de l'animal (circonstance aggravante retenue dans l'affaire dite du sang contaminé, voy. la jurisprudence citée note 478).

488 En ce sens, A. LECOURT, « La loi du 1er août 1905 : protection du marché ou protection du

b. La protection indirecte du consentement contractuel par le délit de falsification

104. L'impossible rattachement du délit de falsification à la pénalisation des atteintes au consentement contractuel. Voisin, dans le Code et dans l'esprit, de la

tromperie, le délit de falsification, prévu par l'article L. 213-3 du Code de la consommation 489, est puni des mêmes peines. La distinction des deux délits peut d'ailleurs

s'avérer délicate : si tromper, c'est induire le client en erreur, falsifier suppose une modification ou altération du produit 490. L'article 213-3 incrimine plus précisément quatre

comportements, qu'il est possible de schématiser ainsi : falsifier, exposer des produits falsifiés, exposer des instruments de falsification, et enfin provoquer à l'emploi de ces moyens de falsification. L'infraction est, comme la tromperie, assez naturellement intentionnelle, encore que cette condition soit relativement assouplie par la jurisprudence 491. Le domaine de l'incrimination de falsification est cependant plus étroit,

puisqu'elle ne s'applique qu'en matière de produits alimentaires 492, médicaments, boissons

et produits agricoles ou naturels. Si l'incrimination protège initialement les professionnels honnêtes, les consommateurs en bénéficient tout autant, ce qu'attestent les sanctions jurisprudentielles d'abus en tous genre, notamment en matière alimentaire 493. Mais pas

question de sanctionner ici la falsification de voitures ou de logiciels comme le permet le délit de tromperie. En effet, c'est de la santé du consommateur que le délit de falsification se soucie principalement, et non de la liberté de son consentement. D'ailleurs, l'existence d'un contrat n'est nullement une condition préalable du délit. De sorte que l'incrimination de falsification ne peut être vue comme principalement protectrice du consentement contractuel. Les atteintes qui lui sont portées ne sont en effet que l'un des moyens de l'incrimination, destinée à la protection d'intérêts différents.

489 À côté du délit de falsification proprement dit existent les délits de détention de produits falsifiés (article L. 213-4 du Code de la consommation).

490 Le terme de falsification, non-défini par la loi, l'a été par la jurisprudence : « la falsification d'un produit est constituée par le recours à un traitement illicite et non conforme à la réglementation en vigueur de nature à en altérer la substance » (Crim., 23 janvier 2001 ; Bull. crim., n° 19 ; Droit pénal 2001, comm. n° 89, obs. J.-H. ROBERT ; RTD com. 2001, p. 791, obs. B. BOULOC).

491 Voy. C. AMBROISE-CASTÉROT, « Consommation », Répertoire pénal Dalloz 2009, n° 453.

492 Excepté toutefois les fruits et légumes frais fermentés ou corrompus (article L. 213-3, alinéa 8 du Code de la consommation) qui sont visés spécifiquement par une loi du 29 juin 1934 et le décret n° 55-1126 du 19 août 1955.

493 Voy. la « petite boutique des horreurs alimentaires » retracée par C. AMBROISE-CASTÉROT,

2. La plénitude de la pénalisation d'inspiration consumériste de la tromperie du consentement

105. Malgré l'incrimination remarquable des fraudes et falsifications dès 1905, les

contours de la pénalisation au service de la protection du consommateur n'étaient initialement que vaguement esquissés. Or, le développement économique et sociétal de la France à partir des années 1960 a engendré une recrudescence des atteintes au consentement de contractants souvent placés en situation d'infériorité, économique ou informationnelle. Le législateur devait réagir, et l'a fait à l'aide de son arme favorite, l'arme pénale. Des réactions souvent indirectes et ponctuelles de ses débuts, la pénalisation de la tromperie du consentement s'est alors peu à peu étoffée, jusqu'à acquérir une réelle plénitude 494.

De l'éparpillement législatif qui en résulte, il est possible d'en tirer une tendance nouvelle, celle de prévenir les atteintes au consentement. La pénalisation des atteintes au consentement contractuel s'entend alors de l'incrimination de comportements susceptibles de tromper les consommateurs, notamment par le biais d'une information insuffisante ou mensongère. Ici plus qu'ailleurs, le nombre et la diversité des réglementations pénales impressionnent. S'y mêlent des réglementations aussi spécifiques que celles relatives à l'étiquetage 495, aux informations spécifiques à certains contrats particuliers, tels les contrats

d'utilisation de biens à temps partagé, de revente ou d'échange 496, ou à certains types de

vente, par exemple la vente dite à la boule de neige 497. Chacune de ces réglementations

fourmille de sanctions pénales extrêmement précises, qu'il est impossible et inutile de reprendre ici dans leur intégralité. Mais nous ne négligerons ces exemples que pour mieux les retrouver plus tard, car il est certain qu'ils entretiennent la réflexion sur l'opportunité d'une pénalisation aussi massive des atteintes au consentement contractuel. Seules seront donc ici retenues les incriminations qui présentent un intérêt particulier au regard de la pénalisation de la tromperie d'inspiration consumériste, de par leur importance ou leur

494 Ce terme est synonyme d' « ampleur » et d' « épanouissement » (Dictionnaire Le Petit Robert 2014,

v° Plénitude), autant de mots qui qualifient avec justesse la pénalisation contemporaine de la tromperie