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L'existence discutable d'une obligation : la difficulté du droit de révocation discrétionnaire L'élément déterminant du rejet de la qualification contractuelle consiste

II. LA PÉNALISATION DES ATTEINTES AU CONSENTEMENT « DANS LE CHAMP CONTRACTUEL »

25. L'existence discutable d'une obligation : la difficulté du droit de révocation discrétionnaire L'élément déterminant du rejet de la qualification contractuelle consiste

dans l'octroi au sujet de l'expérimentation d'un droit de retrait unilatéral et discrétionnaire.

154 En ce sens, C. LABRUSSE-RIOU, « Aux frontières du contrat : l'expérimentation biomédicale sur des sujets

humains », in J. CLAM et G. MARTIN (dir.), Les transformations de la régulation juridique, LGDJ, coll. Droit et

société, 1998, p. 335 et s. ; A.-S. GINON, La recherche biomédicale en quête de principes, thèse, Paris X, 2002,

n° 224 et s.

155 Voy. en particulier M. MEKKI, L'intérêt général et le contrat, Contribution à une étude de la hiérarchie des intérêts en

droit privé, th. préc., n° 499, qui soutient l'existence d'un consentement « à triple détente », c'est-à-dire un

premier consentement qui forme le contrat, un deuxième qui intervient pour légitimer l'atteinte à l'intégrité corporelle, un troisième qui peut être amené à intervenir pour chaque intervention.

156 « La personne physique ou la personne morale qui est responsable d'une recherche impliquant la personne humaine, en assure la gestion et vérifie que son financement est prévu, est dénommée le promoteur […]. La ou les personnes qui dirigent et surveillent la réalisation de la recherche sur un lieu sont dénommées investigateurs » (article L. 1121-1, 3° du Code de la santé publique).

157 D. THOUVENIN, « La personne et son corps : un sujet humain, pas un individu biologique », art. préc.,

Selon l'article L. 1122-1, 6°, alinéa 2 du Code de la santé publique, en matière d'expérimentation biomédicale, « la personne dont le consentement est sollicité [est informée] de son droit de refuser de participer à une recherche ou de retirer son consentement à tout moment sans encourir aucune responsabilité ni aucun préjudice de ce fait ». De même, pour tout ce qui concerne le don et l'utilisation des éléments et produits du corps humain, le consentement du donneur « est révocable sans forme et à tout moment » 158. On pourrait, certes, rétorquer que « la place désormais réservée à la

résolution unilatérale du contrat inexécuté est remarquable » 159, et, d'autre part, que la

faculté de rétractation n'est pas inconnue en droit des contrats français 160. Mais cette

révocation en matière de bioéthique dépasse largement ces hypothèses. En particulier, elle n'est pas limitée dans le temps. On pourrait rapprocher cette faculté du pouvoir de se dégager unilatéralement par la résiliation du contrat dans les contrats à durée indéterminée. Mais il est évident que toutes les recherches médicales ou prélèvements ne sont pas à durée indéterminée : un consentement peut ne valoir que pour une recherche 161 ou un

prélèvement donné 162. Or, la révocation discrétionnaire, et à tout moment d'un contrat à

durée déterminée est contraire à l'esprit même de ce type de contrat. Elle prive, au demeurant, de tout intérêt la nullité de l'acte juridique, la révocation étant bien plus avantageuse pour le patient. Seule une demande de dommages et intérêt pourra alors justifier son action en justice.

Toute la difficulté est là. Elle conduit une partie de la doctrine à nier tout caractère contractuel aux opérations d'expérimentation et de prélèvement 163. Le propre du contrat

est de faire naître des effets de droit, plus particulièrement une obligation. Et le propre de l'obligation est de contraindre la personne qui s'est engagée : c'est un « lien de droit,

158 Article L. 1241-1 du Code de la santé publique (à propos des prélèvements de tissus, cellules, produits du corps humains). Adde pour tous les prélèvements, l'article L. 1211-2 du Code de la santé publique. 159 D. MAZEAUD, « Les sanctions en droit des contrats, Brèves réflexions sur quelques tendances lourdes... »,

in C. CHAINAIS et D. FENOUILLET (dir.), Les sanctions en droit contemporain, volume 1. La sanction, entre

technique et politique, Dalloz, coll. L'esprit du droit, 2012, p. 235 et s., n° 9.

160 Ainsi en particulier les différents contrats de crédits - immobilier, à la consommation - , se voient assortir une faculté de rétractation étendue et obligatoire, voy. infra, n° 119 et s.

161 Pour les recherches, la situation est assez complexe. Le consentement du sujet porte en effet à la fois sur l'opération elle-même mais aussi sur les finalités de la recherche (médicale, industrielle etc). Or ces recherches sont par nature évolutives, quand certains produits du corps humain peuvent être conservés des dizaines d'années. Le consentement n'a de sens que si la personne est informée des suites des recherches. Le consentement est donc conçu comme continu, devant être renouvelé à chaque changement d'affectation (F. BELLIVIER et CH. NOIVILLE, Contrats et vivant, op. cit., n° 122).

162 Idem, n° 155.

163 Voy., niant la qualification contractuelle, D. THOUVENIN, « La personne et son corps : un sujet humain,

pas un individu biologique », art. préc. Contra, M. MEKKI, L'intérêt général et le contrat, Contribution à une

unissant deux personnes, et en vertu duquel l'une (le créancier) est en droit d'exiger quelque chose de l'autre (le débiteur) » 164. En notre hypothèse, il n'y a aucune contrainte pesant sur

le donneur ou le sujet de l'expérimentation puisqu'il est libre, au contraire, de revenir quand il le souhaite sur son consentement. Quant au prétendu créancier - pour autant que l'on parvienne à l'identifier - , il n'est nullement en droit d'exiger quoi que ce soit.

En définitive, les deux éléments centraux de la notion de contrat que sont l'accord de volonté et la création d'obligations nous paraissent difficilement caractérisables, ce qui ne peut conduire qu'à exclure la qualification contractuelle, tant pour les expérimentations médicales que pour les prélèvements d'éléments et produits du corps humain. Il semble en revanche possible de voir, dans le consentement du donneur ou du sujet de l'expérimentation, une forme d'acte juridique unilatéral.