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Chapitre 4 : Etude 1, analyse de l’activité des managers/cadres dirigeants sur la question

I. Problématique de l’étude 1 : analyse d’activité

Le travail peut être conçu comme l’activité à travers laquelle l’individu se réalise. De plus, dans plusieurs domaines, l’instar de la psychologie du travail, il est considéré que « le rapport de l’individu à son travail engage le corps, la pensée, le collectif, l’histoire, l’instrument » (Sarnin, Caroly, & Douillet, 2011). Ainsi, aborder l’activité des cadres dirigeants que nous appellerons ici managers entraîne la prise en compte de ces différents éléments et n’est pas une tâche aisée au regard de la complexité de leurs missions. Fiol et Lebas expriment le « double rôle du manager » (cités par Fiol & Fronda, 2000, p.4) et le déclinent comme suit : « Ce double rôle se reflète dans chacune des relations qu’un manager entretient avec les composantes de son environnement de travail, qu’elles soient humaines (supérieur hiérarchique, subordonné, pair, clients, fournisseurs, etc.) ou non (contenu du travail, temps, événement imprévu, etc.). Quelle que soit la place qu’il occupe dans un réseau de management, le responsable est à la fois « un générateur de performance et un créateur de

situations de sens » (Ibid). Le manager est donc l’élément qui relie la partie supérieure de la

hiérarchie et la partie inférieure, cette position lui confère ce rôle de relais auquel des responsabilités sont associées.

Comme nous l’avons présenté dans la problématique générale de ce travail, diverses études ont été réalisées dans le but de comprendre l’activité des managers. Toutefois, nous nous rendons compte que ces recherches ont été réalisées dans un contexte européen ou dans les pays dits du Nord. Les pays du Sud, notamment les pays africains demeurent encore en marge de ces études. Cette situation engendre un certain nombre de questions qui, nous pensons, mériteraient d’être examinées. Nous nous demandons notamment en quoi le contexte socioculturel aura un impact sur la manière de diriger des managers ? La perception que les salariés et les managers ont du statut de supérieur hiérarchique varie-t-elle selon le milieu dans lequel nous nous trouvons ?

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Il faut dire que le contexte joue un rôle prépondérant dans la manière d’aborder une activité, et son impact a été mis en évidence par plusieurs chercheurs à l’instar de Hersey et Blanchard (1969) qui ont mis en avant le « leadership situationnel ». Nous avons tous une manière de diriger qui est prédominante, elle est le fruit de notre expérience combinée à nos aptitudes. Cependant, ce style prédominant n’est pas efficace dans tous les contextes. Le leadership situationnel vise à repérer les niveaux de développement de ses collaborateurs pour y adapter son style de management. Il prend donc en compte à la fois les personnes et les situations pour rentabiliser au mieux l’énergie dépensée et maximiser le résultat obtenu. On entend ici par niveaux de développement des collaborateurs, leur niveau de compétence, qui comprend en particulier le savoir, le savoir-faire et le potentiel, et leur niveau d’engagement, c’est-à-dire le bon vouloir, la motivation et la confiance en soi. Face à ce cas de figure, la questionne qui nous vient à l’esprit est celle de savoir si à la base, le style de leadership prépondérant en chacun est fonction de son genre. En d’autres termes, les hommes et les femmes ont-ils des manières différentes (basiques) de diriger au-delà du fait qu’ils vont tout de même s’adapter à un contexte qui exige un style plus ou moins défini ? Selon que nous soyons en France ou au Gabon, la manière de diriger varie-t-elle ? Y a-t-il un style de leadership plus dominant dans un contexte par rapport à un autre ?

Nous partons du principe que le travail, l’entreprise n’ont pas la même valeur selon le lieu où le contexte socioculturel et économique dans lequel nous nous situons. Même s’il s’avère que les modes de fonctionnement tendent à s’uniformiser à cause de la mondialisation, l’expatriation des compétences et les échanges de biens et services, etc. Les pratiques managériales demeurent tout de même liées à un contexte bien défini. Pour Morice, nous pouvons observer « l’étroite confusion qui prévaut en Afrique entre le milieu du travail et le milieu familial, entre la sphère de la production et la sphère de la reproduction » (cité par Ela, 2006, p.8). Ce qui laisse entrevoir que le mode de gestion dans les deux sphères peut comporter des similitudes, en ce sens qu’un chef d’entreprise ou un cadre dirigeant peuvent adopter la même position que celle de chef de famille dans le sens classique africain du terme. Ce chef de famille est celui à qui le reste des individus doivent respect et obéissance car c’est lui qui est le garant de la sécurité, ces décisions demeurent pleines de sagesse eu égard à son expérience.

Une étude menée en Côte d’Ivoire par Hernandez (1997) a examiné l’influence des facteurs socioculturels, surtout ethniques dans la gestion des ressources humaines. Il découvre que les facteurs ethniques et familiaux sont des éléments sur lesquels les supérieurs dans l’entreprise

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se fondent pour mieux asseoir leur autorité. Nous avons encore là un exemple qui met en exergue cette étroite confusion dont nous parlions plus haut, entre la sphère du travail et celle de la vie privée. Confusion où finalement les rôles associés aux différents postes ne sont que le reflet des rôles de chaque acteur dans la vie familiale. L’entreprise devient donc un endroit où pouvoir social et sociétal se confondent (Enriquez, 1997).

L’analyse de l’activité des cadres dirigeants semble être une démarche non sans difficulté. Car elle implique de considérer divers aspects du contexte situationnel. C’est dans cette optique que nous avons choisi de faire usage d’une des nombreuses techniques présentées par Guilbert et Lancry (2007), à savoir l’analyse d’activité.

En ergonomie, l’analyse d’activité se positionne comme une méthode de travail incontournable car elle permet de répondre à plusieurs types de questionnements notamment en quoi consiste le travail d’un opérateur et comment le réalise-t-il ? En d’autres termes, qu’est-ce qui lui est assigné comme tâches à réaliser et comment le réalise-t-il en termes d’activités ? Il s’agit donc comme le stipulent Ombredane et Faverge (1955), des exigences de la tâche d’un côté et de l’autre, les attitudes et séquences opérationnelles par lesquelles les individus observés réalisent concrètement ces exigences. Il s’opère une réelle distinction entre la tâche prescrite et l’activité réelle d’un travailleur. Dans notre cas, les managers ont certainement des prescriptions liées à leur fonction. L’accès à leurs réalités de travail nous permettra de déterminer s’il existe des différences (entre les catégories que nous aurons identifiées entre les hommes et les femmes cadres au Gabon et les cadres en France) dans la manière d’aborder leur travail et la posture qu’ils adoptent sur le plan du management de leurs équipes.

Au regard de tout cela, nous nous demandons qu’est-ce qui en termes d’activités constituera un ou des éléments de différenciation dans les différents contextes ? Comment peuvent s’observer les différences managériales entre la France et le Gabon ? Quelles sont les spécificités en ce qui concerne les femmes managers comparativement aux hommes dans les deux contextes ? Ces différentes questions seront analysées grâce aux données recueillies par la présente étude sur l’analyse d’activité des cadres qui, rappelons-le, est réalisée en parallèle dans les deux pays afin de mener plusieurs niveaux de comparaisons.

Comme mentionné plus haut, un cadre peut avoir la casquette de manager lorsqu’il a une équipe à diriger et celle de leader par conséquent. Dans certains cas, leader et manager sont une seule et même personne même si tout manager n’est pas un leader obligatoire (voire

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partie sur la distinction entre manager et leader). Ainsi, en tant que manager, le cadre a pour prérogative de motiver ses troupes et se positionne en conséquence comme celui ou celle qui oriente l’activité générale du service. Toutefois, lorsque nous employons le terme leader (ou manager), en général la conception classique nous oriente vers un homme « chef » avec tout le charisme qui s’y colle. Comme le stipule Tavris (1992), la culture européenne et occidentale à l’instar d’autres sociétés propose le masculin comme norme de référence et comme catégorie générique ou de base. C’est le genre qui l’emporte sur l’autre lorsqu’il y a la mixité. Cette situation n’est pas sans conséquence en termes d’égalité entre les hommes et les femmes dans le monde du travail.

Le terme leader renvoie à un statut auquel des rôles peuvent être attribués. Suivant cette logique et pour la présente étude, nous souhaitons démontrer comment au quotidien la fonction de leader se manifeste en termes de compétences observables sous forme d’activités. Comment ces activités sont-elles abordées par les différents cadres interrogés ? Quelle relation aura chacun avec ses équipes et les exigences professionnelles qui sont les siennes ? En fin de compte, cette étude pose le problème des activités qui font le travail des managers et constituent ainsi leurs styles de leadership. Ces activités seront donc appréhendées en fonction du genre du manager en ce sens que les hommes privilégieront certaines activités qui seront différentes de celles que les femmes préféreront. Nous nous interrogeons principalement sur les différences qui existent ou non entre les hommes et les femmes en matière de management des collaborateurs aussi bien au Gabon qu’en France. Tout ce questionnement nous permettra de mettre en évidence les activités similaires et différentes ; la manière dont elles sont abordées par les individus (homme/femme) et d’en dégager pour finir les styles de leadership qui se dessinent de ces observations pour chaque manager.