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Chapitre 1 : la répartition sociale des rôles

III. Hommes et femmes dans l’espace public en France et au Gabon

3. Persistance des inégalités de traitements sous forme de discriminations à l’embauche et

Les discriminations à l’embauche et dans l’emploi sont encore d’actualité, malgré les campagnes de sensibilisations, les lois en vigueur en faveur de la non-discrimination et l’égalité de chance pour tous. Les entreprises, à travers les recrutements par exemple, continuent à traiter les individus appartenant à certaines catégories (genre, origines, âge…), qui n’ont aucun lien avec l’emploi à pourvoir, différemment des autres, ne respectant pas le principe d’égalité. Bien que l’accès aux preuves de discrimination liée à l’embauche ne soit pas aisé, des études ont mis en évidence des méthodologies permettant de détecter des éléments de discrimination (Du Parquet & Petit, 2011 ; Petit, 2003 ; Heckman, 1998).

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Petit (2003) examine une méthodologie basée sur l’étude d’audit par couples ayant des caractéristiques similaires. Ce qui les différencie, c’est leur appartenance à une certaine catégorie bien déterminée (le sexe par exemple). Le but est de voir si l’une des catégories est plus recrutée que l’autre. Ces études basées sur le principe d’audit par couples mettent en évidence la discrimination à l’embauche contrairement à d’autres études basées sur des éléments statistiques ou économétriques standards qui ne parviennent pas à isoler toute forme de discrimination liée à l’embauche ou à l’emploi. Le choix de la méthodologie s’avère donc important lorsqu’il s’agit de mettre en exergue la discrimination, et de proposer ensuite des outils pour lutter contre celle-ci. Les femmes sont encore confrontées à cette forme de résistance qui empêche la mise en œuvre de la réglementation existante. Pour cela, Ndobo (2009, p. 109) stipule que : « La mise en œuvre de ces recommandations se heurte souvent à la résistance de certains secteurs du corps social, ainsi qu’à la rigidité de certaines structures et institutions. Le langage ordinaire sur les sexes est un aperçu symbolique de cette résistance. Par exemple, la popularité de la métaphore du sexe faible vs sexe fort donne la mesure du conservatisme d’une langue qui persiste dans la disqualification des femmes, notamment dans le monde du travail où elles occupent la majorité des emplois précaires et peinent à mériter la considération associée à leur niveau de compétence. » Pour ce dernier, en nous basant sur l’analyse du discours des recruteurs, nous pouvons relever des éléments permettant d’expliquer les sources de discrimination dont les femmes font l’objet. Et il subsiste encore une représentation de la femme comme le sexe faible qui serait dans l’incapacité de réaliser certaines tâches.

En France, les défenseurs des droits15 identifient les différentes sources de discrimination que subissent les femmes comparativement aux hommes en situation d’emploi. Particulièrement, les écarts de rémunérations qui se situent entre 12 % pour la fonction publique et 19 % pour le secteur privé. Pour les défenseurs des droits, les sources sont multiples. D’une part, ils pointent du doigt la ségrégation professionnelle, c’est-à-dire que pour eux, le fait que les femmes occupent des positions professionnelles moins avantageuses que les hommes expliquerait plus de 40 % de l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes. D’autre part, ils abordent la maternité comme étant une source d’inégalités salariales persistantes entre les hommes et les femmes. En effet, la maternité réduit le temps de présence

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Les défenseurs des droits (accessible en ligne) :

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des femmes dans leur lieu de travail, contrairement aux hommes. Enfin, ils énumèrent une autre source de persistance de cet écart : le plafond de verre, plus les femmes évoluent dans la hiérarchie professionnelle et donc vers des postes les mieux rémunérés, plus elles rencontrent des difficultés.

Au Gabon, la mise en évidence d’éléments statistiques sur la discrimination liée au genre issus d’études ou enquêtes est assez difficile comme exercice. Cela est dû à un manque de documentation fiable et récente concernant la situation réelle dans ce pays. Toutefois, de manière assez globale, les données issues de nos enquêtes font état d’une différence de traitement entre les hommes et les femmes, notamment en matière de partage des tâches. En d’autres termes, la segmentation des activités familiales a eu pour effet, une sorte de transfert de la vision traditionnelle des rôles entre les hommes et les femmes de la sphère privée à la sphère professionnelle. Ce transfert entraîne la reproduction des phénomènes observés sur le plan familial, au niveau professionnel ; la femme, affectée aux tâches domestiques et à l’éducation des enfants, l’homme porté vers l’activité professionnelle pourvoyeuse de revenus pour toute la famille. La conséquence dans le monde du travail peut s’observer à travers une hyper féminisation de certains métiers (aides ménagères, enseignement, etc.), et une hyper masculinisation de certains autres métiers (électricien, mécanicien, etc.).

Cette segmentation des choses entraîne une ségrégation depuis les établissements de formations jusqu’à l’intégration dans le marché du travail. Lors d’un recrutement pour un poste situé à un niveau élevé de la hiérarchie, un homme sera privilégié comparativement à une femme qui certainement aura d’autres préoccupations (en plus du travail) liées à sa vie familiale, à ses enfants, etc. La capacité des femmes au Gabon à concilier sans trop de difficultés leur vie privée et leur vie familiale reste une donnée très révélatrice qui nous indique qu’avoir ce double statut ne constitue en rien une raison valable pour les écarter du monde professionnel. Pourtant, certains secteurs leur demeurent encore aujourd’hui fermés, celles qui y accèdent ne sont pas nombreuses et font parfois l’objet de critiques très virulentes. C’est le cas de la sphère politique dans laquelle les femmes sont encore sous-représentées, et ce surtout à des niveaux hiérarchiques élevés dans des institutions comme l’Assemblée nationale ou le sénat.

Ce tour d’horizon nous permet de relever les points sur lesquels hommes et femmes diffèrent encore de nos jours. Outre le processus de socialisation qui produit certainement des effets différents sur la jeune fille et le jeune garçon, il existe d’autres aspects sur lesquels les hommes et les femmes ont, semble-t-il, des différences qui induisent des écarts de traitement

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ou encore d’attitudes de la société vis-à-vis d’eux. Plusieurs aspects de la vie imposent une certaine concurrence qui demande à chacun des efforts d’intégration. Et ces efforts, très souvent, sont fonction des capacités et aptitudes des individus. Ainsi est-il par exemple demandé à une personne qui veut occuper un poste de direction de faire preuve de leadership, ou encore de justifier d’une certaine expertise. Pour mieux comprendre à quoi renvoie cette notion de leadership, le chapitre suivant présente les aspects aussi bien théoriques que méthodologiques qui permettent de mieux l’appréhender.

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