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Chapitre 2 : le leadership

III. Analyse du lien entre l’exercice du leadership et le pouvoir dans les contextes culturels

3. Exercice du pouvoir

3.1. Pouvoir et leadership

Il ne fait aucun doute que leadership et pouvoir sont deux notions extrêmement liées. Nous en voulons pour preuve l’idée selon laquelle, avant l’introduction du terme leadership dans la langue française, c’est celle de pouvoir qui était utilisée lorsqu’il s’agissait d’exprimer un phénomène d’influence. Ce que nous souhaitons mettre en évidence dans cette partie, c’est cette capacité qu’a un leader à exercer une certaine forme de pouvoir dans la direction des subordonnés. Pour cela, notons dans un premier temps que le pouvoir (nous avons défini celle de leadership en introduction de ce chapitre) peut être perçu comme la capacité qu’à un individu à influencer le comportement des autres. Il apparaît donc que, aussi bien le leadership que le pouvoir, s’inscrivent dans une relation d’échange entre un individu et un ou

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plusieurs autres (ou même un groupe et un autre), relation qui a pour objectif d’inférer un changement ou de modifier les idées ou les comportements des autres de manière à ce qu’ils pensent ou agissent dans un sens ou dans un autre.

Dans un second temps, le pouvoir, concept qui a occupé une grande place dans des débats en philosophie, en sociologie politique depuis l’antiquité et aujourd’hui encore en sociologie, en psychologie sociale et du travail, est basé sur plusieurs éléments. French et Raven (1959) ont identifié dans un premier temps cinq bases du pouvoir, qu’ils ont complété dans un second temps en 1965 par une sixième :

Le pouvoir de récompense : la personne qui a la possibilité de récompenser une autre

personne (ou un groupe) sera détentrice de ce pouvoir. Ce type de pouvoir repose donc sur la marge de manœuvre que possède la personne qui influence au regard des faveurs qu’il peut accorder aux autres si ces derniers se conforment à ce qu’il demande. Et, les personnes qui se laissent influencer pensent que leur conformité entraînera des augmentations de salaire par exemple, ou des promotions, de la reconnaissance ou d’autres récompenses.

Le pouvoir de coercition : ce pouvoir repose sur la possibilité qu’a une personne de

punir l’autre (ou les autres) s’il ne se conforme pas à ce qui lui est demandé. Le pouvoir coercitif est basé sur la peur, celui qui le possède est considéré comme pouvant induire une obligation de respect de la conformité parce que le non-respect entraîne une punition, des réprimandes ou un licenciement (dans le monde du travail).

Le pouvoir de légitimité : ce type de pouvoir résulte du niveau d’autorité qui est

associé à une position dans la hiérarchie d’une organisation. Le pouvoir légitime est basé sur le poste occupé : plus le poste est élevé, plus le pouvoir légitime est élevé. Une personne qui possède un pouvoir légitime induit la conformité ou influence les autres parce qu’ils estiment que cette personne a le droit, en vertu du poste dans l’organisation, de s’attendre à la conformité. Il concerne également un individu qui, au regard de certaines valeurs comme le droit d’aînesse, va occuper une position supérieure par rapport aux autres.

Le pouvoir d’information : Le pouvoir d’information est basé sur la possession ou

l’accès à l’information qui est précieuse aux autres. Cette base de pouvoir est influente lorsque les autres ont besoin ou veulent avoir cette information.

Le pouvoir de référence : ce type de pouvoir est basé sur les traits personnels d’une

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détient un pouvoir de référence est aimée et admirée par les autres, et d’autres souhaitent être identifiés à lui. Il tient donc sa légitimité de ses traits personnels.

Le pouvoir d’expertise : il repose sur le niveau de compétence d’une personne. Le

pouvoir expert fait donc référence au niveau d’expertise, de savoirs, savoir-faire et de savoir être de la personne qui le possède. Cette dernière va s’illustrer par une capacité à faciliter les comportements ou le travail des autres, qui en retour vont faire ce que cette personne leur demande de faire.

Il en ressort de ces différentes bases de pouvoir, deux grandes dimensions : les bases liées à la position d’individu (les pouvoirs de récompense, de coercition, de légitimité et d’information) et les pouvoirs personnels (le pouvoir de référence et d’expertise). Lorsque nous faisons le parallélisme avec les notions de manager et leader, nous nous rendons compte de ce que les bases de pouvoir liées à la position de l’individu (celle qu’il occupe dans l’organisation), sont plutôt en rapport avec l’aspect formel, donc le management. Par contre, les bases de pouvoir personnel sont quant à eux en rapport avec l’aspect informel, à savoir le leadership. De plus, nous pensons que ces différents types de pouvoir n’induisent pas le même type d’engagement des personnes qui sont sous influence. En effet, certains types comme le pouvoir de coercition ou de récompense font plutôt référence à une relation transactionnelle qui fait appel aux récompenses ou aux sanctions entre celui qui détient le pouvoir et les autres. Cependant, d’autres types comme le pouvoir d’expertise, place par exemple celui qui l’exerce comme un modèle ou un exemple à suivre, et que tout le monde souhaite effectivement suivre. Pour le premier type, nous voyons une forme d’obligation à se laisser influencer et pour le second il y a comme un engagement volontaire, les autres ressentant l’envie de suivre celui qui détient le pouvoir.

3.2. Hommes, femmes et exercice du pouvoir

La conception classique du pouvoir est assez négative étant donné qu’elle fait souvent référence à la domination, à l’exploitation d’un individu (ou d’un groupe d’individus) par un autre. Il nous apparaît donc que le sens commun que le langage courant attribue à la notion de pouvoir, c’est-à-dire cette capacité à contraindre, par la force ou autrement et à dominer les autres (Rocher, 1986) est incompatible avec les valeurs ou spécificités dites féminines, que sont la diplomatie, le consensus, l’écoute, l’empathie, etc. (Cherret de la Boissière, 2009). Ce qui implique le fait que l’exercice du pouvoir soit plutôt réservé aux hommes, qui sont perçus comme possédant une certaine autorité naturelle, ou ayant cette capacité à être directifs. C’est

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dans cette optique que le débat sur une conception usuelle du pouvoir (Rocher, 1986) revêt pour nous un caractère important car nous sommes appelés à nous demander si l’exercice du pouvoir n’a de valeur que dans une perspective de domination. Et en ce qui concerne la capacité à faire preuve de leadership, dans quelle mesure se relie-t-elle au fait de détenir un certain pouvoir ?

Il s’avère comme le stipulent Hersey, Blanchard et Natemeyer (1979), dans leur article qui porte sur la perception des bases du pouvoir d’un leader et son influence sur l’utilisation des différents styles de leadership, qu’un leader ne peut influencer automatiquement d’autres personnes sans pour autant faire usage du pouvoir. Même s’il existe différents types de pouvoir, il n’en demeure pas moins qu’en situation de leadership, le leader possède un ou plusieurs de ces types de pouvoir. Qui dit leadership, dit par conséquent pouvoir sur les autres. Étant donné que les femmes se sont illustrées et continuent encore de s’illustrer en matière de leadership, elles font donc usage d’un certain pouvoir à l’instar de leurs homologues hommes. Nous avons notamment mentionné le fait que l’exercice du pouvoir, ou du moins du leadership (au regard du fait que lorsque nous parlons de leadership, nous parlons également d’exercice de pouvoir) semble non compatible avec les rôles sociaux attribués ou attendus des femmes.

Lorsque nous examinons la structure des différents modèles théoriques du leadership que nous avons abordé, nous nous rendons compte que certains types de leadership sont plutôt en adéquation avec les rôles attribués et attendus des femmes. Parmi ces types de leadership, nous avons par exemple les leaderships de types : démocratique et transformationnel. Le premier est le reflet du partage du pouvoir et de prise en compte des subordonnés dans la gestion des activités (des traits généralement attribués aux femmes), et le deuxième permet de transformer les subordonnés pour en faire des leaders à leur tour. D’ailleurs, de nombreuses études (Bass, Avolio, & Atwater, 1996 ; Kouzes & Posner, 1990 ; Rosener 1990) montrent que les femmes déploient un style de leadership plus transformationnel grâce notamment à leur capacité à prendre soin des autres (considération) et à une forme d’influence idéalisée. Elles sont perçues et se perçoivent comme utilisant un style plus transformationnel comparativement aux hommes.

Ces résultats nous montrent que le mode d’usage du pouvoir à travers leur style de leadership fait plutôt référence au partage et à la considération des autres. Ce qui va totalement à l’encontre de la conception usuelle de la notion de pouvoir qui, comme nous le disions, fait référence à la domination et à l’exploitation. Il ressort donc qu’hommes et

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femmes sont capables les uns les autres d’exercer des postes qui nécessitent l’exercice du pouvoir, en dépit du fait que cela était plutôt réservé aux hommes. Elles (les femmes) sont entrées progressivement dans la sphère de décision, mais cela entraîne certainement d’autres phénomènes ou difficultés dont les conséquences sont perceptibles dans divers aspects comme l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, ou encore dans leur manière de travailler. L’un des objets de notre de travail de recherche est de mettre en évidence les aspects qui vont causer des différences dans la gestion du pouvoir et par là du leadership, entre les hommes et les femmes d’une part. Et, d’autre part, quels sont les effets de ces différences sur l’organisation en général, et les subordonnés en particulier. Pour examiner les tenants et aboutissants de ces objets, une mise en contexte des questions que nous nous sommes posées nous paraît nécessaire.

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