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Problèmes de la politique commerciale

Les 5 premiers bénéficiaires africains* d’investissements étrangers directs, 2006-2017

5.3 Problèmes à résoudre

5.3.3 Problèmes de la politique commerciale

L’une des options pour stimuler le commerce entre les régions africaine et arabe est l’octroi de préférences commerciales supplémentaires. Les régimes préférentiels ont contribué à soutenir le commerce de l’Afrique avec les pays donateurs, mais ils n’ont pas réussi à élargir l’industrialisation de l’Afrique. Cela s’explique par les contraintes qui limitent l’utilisation des préférences dans la fabrication de biens, principalement le déséquilibre entre la capacité de production des pays africains et les règles d’origine rigoureuses. De nombreux régimes de préférences commerciales ont des règles d’origine sur les niveaux minimums de production locale que la plupart des économies africaines sont incapables de satisfaire. La solution du problème des règles d’origine trop strictes ne consiste pas seulement à améliorer la capacité de

33 i) Instruments de soutien à la liquidité appuyant les obligations de paiement des entreprises d’État aux projets privés ; et ii) Assurance contre le risque politique et couverture des contreparties gouvernementales pour les prêts de financement de projets et les prises de participation. Voir : Loi type du PIDA - un cadre juridique harmonisé à l’échelle de l’Afrique pour faciliter les investissements du secteur privé dans les projets transfrontaliers sur le continent. Agence multilatérale de garantie des investissements (AMGI).

104 production des économies africaines, mais aussi à simplifier les règles d’origine qui leur sont imposées. En particulier, les pays africains qui s’engagent avec des partenaires émergents doivent négocier des règles d’origine qui permettent une utilisation suffisante de leurs préférences dans les secteurs industriels ayant un potentiel dans les chaînes de valeur régionales. La poursuite du développement des filières agricoles permettrait de progresser dans le domaine d’intervention 2 du Cadre stratégique de la BADEA pour 2030 (BADEA, 2018).

En outre, si les préférences commerciales sont importantes et peuvent servir de base aux chaînes de valeur régionales et, en fin de compte, à l’industrialisation, elles devraient être appuyées par des politiques nationales visant à accroître la productivité des travailleurs, à améliorer les compétences et la capacité de production, à renforcer la compétitivité des économies africaines et à attirer les investissements.

Actuellement, les coûts commerciaux entre l’Afrique hors pays de la LEA et les pays arabes sont relativement élevés. En 2016, la moyenne des droits appliqués par l’Afrique (hors pays de la Ligue arabe) était d’environ 6,5 % en équivalent ad valorem. Ce pourcentage est passé à environ 7 % pour les biens d’équipement, qui représentent environ 45 % des importations africaines non arabes en provenance des pays arabes. Les droits de douane appliqués en moyenne par les pays arabes sur les importations en provenance d’Afrique (hors pays de la LEA) sont inférieurs d’environ 2 % (Banque mondiale, 2018a)34. Pourtant, les obstacles au commerce entre l’Afrique (hors pays de la LEA) et les pays arabes sont peut-être plus importants que les droits de douane, car les coûts commerciaux liés au passage en douane sont élevés. Ainsi, entre 2015 et 2016, dans un pays africain moyen, il a fallu 200 heures pour satisfaire aux exigences en matière de documentation et de conformité aux frontières et plus de 800 dollars pour exporter un conteneur. Pour les importations, il a fallu plus de 230 heures et il en a coûté environ 1 000 dollars pour en importer un. Pour un pays arabe moyen, la mise en conformité documentaire et frontalière pour exporter un conteneur a pris environ 140 heures et coûté plus de 700 dollars. Pour les importations, les statistiques correspondantes étaient de 210 heures et près de 800 dollars (Banque mondiale, 2018b)35.

Ces barrières commerciales, la mauvaise logistique et le passage en transit augmente nt le coût du transport des marchandises entre les régions africaines et arabes. Comme indiqué dans l’étude de cas de l’Éthiopie établie pour le présent rapport, par exemple, l’Éthiopie se classe au 160e rang mondial dans l’Indice de performance logistique de la Banque mondiale et au 167e rang sur 190 pays dans la composante de la facilité du commerce transfrontalier de l’Indice Doing Business de la Banque mondiale.

Ces coûts commerciaux élevés empêchent un accroissement des échanges entre les régions africaine et arabe. C’est ce que soulignent Mevel et Mathieu (2016) et Sloan et Chemingui (2018). Ces derniers soulignent que les coûts commerciaux sont au cœur des facteurs qui empêchent l’approfondissement du commerce arabe et africain. Les estimat io ns effectuées à l’aide d’un modèle de gravité sur la période 2000-2011 révèlent que les exportations arabes sont confrontées à des coûts supplémentaires représentant entre une et trois fois la valeur initiale des marchandises exportées, ce qui exerce une pression énorme sur les exportateurs, réduit leur compétitivité et empêche le succès des accords commerciaux.

En outre, les barrières non tarifaires, telles que les règlements sanitaires et phytosanitaires, peuvent constituer un obstacle au commerce entre les pays africains et arabes, comme dans le cas des restrictions imposées par l’Arabie saoudite aux importatio ns

34 L’Érythrée ne figure pas dans ce calcul, faute de données.

35 Le Yémen ne figure pas dans ce calcul, faute de données.

105 alimentaires en provenance d’Afrique du Sud (étude de cas de l’Afrique du Sud). Sloan et Chemingui (2018) notent également que même avec des actions politiques fortes, les obstacles au commerce sont difficiles à supprimer et des réformes globales sont nécessaires pour réduire leurs effets restrictifs.

En tant que tels, afin de tirer le meilleur parti des relations commerciales potentielles, les pays africains et arabes devraient mettre en œuvre des réformes de facilitation du commerce en plus d’éliminer les obstacles tarifaires et réglementaires au commerce des services. De plus, le commerce est une perspective et non une garantie de résultats positifs. Néanmoins, les réductions tarifaires et autres réformes commerciales peuvent accélérer l’intégration entre les deux régions et renforcer une stratégie de croissance efficace, mais ces réformes ne peuvent garantir leur succès. D’autres éléments qui s’attaquent aux obstacles à la croissance sont nécessaires, notamment l’infrastructure, les institutions et le capital humain liés au commerce.

Les deux régions doivent poursuivre la réforme commerciale dans le cadre d’une stratégie de croissance globale.

Un autre obstacle à la réalisation des gains potentiels d’une plus grande intégratio n commerciale est la crainte que l’intégration régionale ne profite pas à tous les pays, car les économies africaines sont souvent petites et fragmentées. Toutefois, en améliorant les perspectives de commerce intra-industriel, une plus grande intégration commerciale entre les pays africains et arabes pourrait créer les conditions de la conquête de nouveaux marchés et tirer parti des chaînes de valeur régionales. Un marché intégré pourrait permettre une complémentarité en termes d’implication des pays dans les chaînes de valeur régionales. Cela permet à chaque pays de se concentrer sur une étape particulière de la production – étape pour laquelle il dispose de la capacité de production requise. Ofa et al. (2012) ont observé une corrélation positive entre la diversification des exportations et le commerce intra-industr ie l pour les pays africains. Au sein d’une même industrie, il s’agit d’échanges d’articles qui sont similaires ou différenciés par qualité ou la variété ou qui sont à différents stades de production.

Ofa et ses collaborateurs ont également établi une relation positive entre le commerce intra -industriel et la part du secteur manufacturier dans le PIB, ce qui donne à penser qu’une ouverture vers une plus grande industrialisation peut favoriser le commerce intra-industriel et vice versa. Cette conclusion est primordiale, car elle suggère une causalité bidirectionne l le entre le commerce et l’industrialisation. Ainsi, si les conditions de l’industrialisation par le commerce sont réunies, il faut s’attendre à un effet multiplicateur, le commerce et l’industrialisation se renforçant mutuellement.

Des parts plus élevées du commerce intrarégional sont également associées à des parts plus élevées de valeur ajoutée régionale dans le commerce intrarégional. Cette constatation est vérifiée pour toutes les principales régions. Par exemple, l’Europe s’arroge la part du lion dans le commerce intrarégional et dans la valeur ajoutée régionale. En revanche, l’Afrique et la Ligue arabe sont loin derrière. L’approfondissement de l’intégration régionale entre l’Afriq ue et les États arabes – au-delà de leurs propres accords commerciaux méga-régionaux (c’est-à-dire la ZLEC et la GAFTA) – semble très prometteur pour ce qui est de soutenir les efforts de diversification et de transformation structurelle de leurs pays, surtout que ces deux régions sont déjà bien pourvues en combustibles et en produits primaires et ont donc un fort potentiel pour accroître leurs échanges en produits agroalimentaires, biens manufacturés et services.

106 5.4 Recommandations