• Aucun résultat trouvé

1.3 Tomographie d'impédance électrique

1.3.2 Problème direct, analyse de sensibilité

Le lien entre les paramètres d'intérêt, l'admittivité γ = σ + ωε, et les données, les mesures électriques du potentiel v selon le courant injecté i, constitue le problème direct, Eqn. 1.6. L'opérateur de mesure (MO, noté M) représente un modèle adéquat pour décrire les données disponibles. Il associe un opérateur Neumann vers Dirichlet Λγ à une distribution d'admittivité inconnue γ, Eqn. 1.7.

v = M(γ)[i] (1.6) M : γ 7→ M(γ) = Λγ (1.7)

L'opérateur Neumann vers Dirichlet Λγ décrit le processus de mesure : il fait le lien entre les courants injectés i et les potentiels résultants v sur la frontière du domaine d'étude ∂Ω décrite par le vecteur position x, Eqn. 1.8.

∂Ω : i 7→ Λγ[i](x) = v(x) ∀x ∈ ∂Ω (1.8) L'étude de l'opérateur de mesure apporte des informations très importantes sur la structure du pro-blème inverse considéré, i.e. pour reconstruire les paramètres à partir des données, avec deux probléma-tiques :

 l'ensemble acquis des données est-il susant pour reconstruire les paramètres ? Cela correspond à l'injectivité du MO.

 comment se propagent les erreurs sur les données lors de la reconstruction ? Les estimations de stabilité du MO caractérisent la manière dont le bruit est amplié.

Opérateur de mesure : physique 3D, non locale, non linéaire

L'opérateur de mesure en eit présente deux caractéristiques essentielles [236, 169] :

 3D : l'eit, contrairement à ce que laisse penser sa dénomination, n'est pas tomographique, i.e. liée à la seule section 2D ;

 l'équation de l'électrocinétique complexe se traduit par un processus de moyennage itératif. Le potentiel électrique à l'intérieur du domaine étudié s'exprime, d'après l'Eqn. 1.4 sous la forme d'une moyenne pondérée des potentiels voisins, avec des poids déterminés par la distribution d'admittivité. Ce processus de moyennage itératif transporte l'information sur l'admittivité au niveau des données sur la frontière du domaine, Fig. 1.17.

Figure 1.17  Illustration du processus de moyennage itératif pondéré qui décrit l'opérateur de mesure en eit : la valeur du potentiel dans un voxel du domaine d'étude, en gris, s'exprime comme une moyenne pondérée des potentiels des voxels voisins, pointés par les èches ; les poids correspondants dépendent des valeurs de la distribution d'admittivité ; le transport de l'information de l'admittivité du voxel mis en évidence suit un processus itératif jusqu'à la frontière du domaine où les électrodes sont présentes ; d'après [236].

Cela se traduit par trois aspects de l'opérateur de mesure de l'eit [236] :

 non linéaire, Fig. 1.18 : les mesures ne sont pas reliées de façon linéaire aux paramètres électriques ; typiquement, pour des forts contrastes, une reconstruction linéaire sous-estime le contraste eectif ; de plus, le principe de superposition n'est pas respecté, y compris pour des faibles contrastes ;  faible sensibilité : l'inuence d'un changement localisé d'admittivité diminue avec sa distance au

détecteur ;

 non local : un changement localisé de paramètres ne sut pas à expliquer les données, l'ensemble de leur distribution doit être considéré.

Figure 1.18  Illustration comparant la linéarité de la tomographie par rayons X (gauche) avec la non linéarité de l'eit (droite) ; en rayons X, les photons traversent le milieu en ligne droite ; certains photons sont atténués par diusion et interaction, mais le faisceau mesuré a traversé le milieu linéairement ; en revanche, pour l'eit, la propagation des ondes électromagnétiques dépend du milieu, et le chemin parcouru est inconnu lorsque la composition du milieu est inconnue ; d'après [195].

Le problème direct en eit peut être étendu pour tenir compte des inconnues expérimentales : les impédances de contact [45], la position des électrodes et la géométrie du contour [71].

Méthodes de résolution

Le problème direct en eit doit prédire les mesures électriques sur la frontière du domaine avec une précision supérieure à celle de la mesure. Il doit également calculer la distribution du champ électrique interne an de procéder à l'analyse de sensibilité. Sur ce dernier point, la précision nécessaire et le choix de la méthode de résolution restent des questions ouvertes en eit [169, 96].

Historiquement, la résolution est traitée de manière analytique, par le biais des transformées de Fourier [234, 163, 76, 284]. Cette technique est limitée à des géométries relativement simples. Des méthodes numériques ont ensuite été adaptées à la physique de l'eit, la plus utilisée étant les éléments nis (fem) [213, 182, 94, 271, 212]. Des approches par diérences nies (fdm) [204], par volumes nis (fvm) [295, 79, 74], par ondelettes [290] ou hybrides [99] ont également été proposées, sans vraiment s'imposer dans la communauté eit.

Les systèmes courants d'eit comprennent entre 16 et 72 électrodes [186]. Ils nécessitent la résolution d'autant de problèmes directs. L'implémentation de solveurs 3D ecaces [140, 245, 149], avec la paral-lèlisation des calculs sur gpu [40] fait l'objet de recherches actives. La gestion des maillages adaptatifs [117] associée à la prise en compte des phénomènes d'anisotropie dans la représentation de la distribution d'admittivité [47, 103, 2, 1, 170, 3] est également abordée.

Analyse de sensibilité

Chaque voxel du domaine imagé contribue aux données, i.e. les tensions mesurées. Physiquement, bien que le courant circule dans l'intégralité du milieu, la densité de courant est plus importante dans certains voxels. Leurs contributions aux données dépendent de leurs admittivités, de la densité de courant qui les atteint, et des distances qui les séparent des électrodes. L'analyse de sensibilité consiste ainsi à déterminer l'inuence d'une variation élémentaire des paramètres des voxels sur les données, pour chaque combinaison source - détecteur d'électrodes, Fig. 1.19. Elle aboutit à la génération de la matrice de sensibilité, ou matrice Jacobienne, notée S ou J, exploitée pour l'estimation des paramètres. Pour des maillages denses géométriquement réalistes, la taille de cette matrice atteint plusieurs millions de colonnes et plusieurs centaines de lignes. Elle est déterminée par perturbations [213]. Son inverse peut également être calculé par apprentissage, en fonction des détails d'intérêt [6].

Figure 1.19  Explications sur la matrice de sensibilité en conductivité pour un objet comprenant quatre voxels avec quatre congurations de mesure ; chaque colonne représente la conductivité d'un des voxels de l'objet d'étude ; chaque ligne correspond à une conguration de la position des sources et des détecteurs ; le courant injecté circule au sein du milieu, mais les tensions mesurées sont plus sensibles à un certain volume, présenté en gris ; les tensions résiduelles correspondent à la somme des conductivités de chaque voxel, pondérées par le facteur de sensibilité du voxel correspondant, qui quantie l'inuence de ce voxel sur la tension mesurée ; d'après [137].

La particularité de la matrice de sensibilité en eit vient de l'ordre de grandeur des éléments de la matrice : dans de nombreux voxels, la densité de courant est proche de zéro, et leurs facteurs de sensibilité sont très faibles [236].

Les techniques de reconstruction directe, appelées méthodes D-bar, fournissent une alternative à l'analyse de sensibilité. Elles s'appuient sur les démonstrations mathématiques des critères d'unicité pour le problème de conductivité inverse, ou problème de Calderón. A travers l'utilisation d'intégrales de diusion, l'estimation des paramètres est réduite à la résolution d'une équation diérentielle ordinaire, dont l'opérateur de diérentiation est appelé D-bar [196].

Ces deux approches ont aujourd'hui supplanté la méthode historique de reconstruction qui exploitait un algorithme de type rétroprojection, inspiré des transformées de Radon utilisées en rayon X [236].