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1.4 Impédancemétrie pour la neuro-imagerie

1.4.2 Imagerie fonctionnelle de l'activité neuronale par eit

Fonctionnement du neurone

Un neurone est délimité par sa membrane, constituée d'une ne bicouche phospholipidique d'une épaisseur d'environ 5 nm. Elle sépare les milieux intra- et extra- cellulaires, et forme une barrière semi-perméable aux ions présents dans les deux milieux, à des concentrations diérentes (principalement Na+, K+, Clet Ca2+). Une diérence de potentiel existe ainsi au niveau de la membrane, appelée potentiel de membrane. Sa modication résulte du transport d'ions à travers des canaux ioniques, Fig. 1.24.

La membrane sépare deux milieux de charges diérentes, et présente une capacitance Cm' 0.01 F · m−2. Les canaux passifs de fuite sont modélisés par une conductance indépendante du potentiel de membrane Gf, en série avec une source de tension correspond au potentiel de fuite Ef. Chaque canal ionique actif est représenté par une conductance variable, i.e. dont la valeur dépend du potentiel de membrane, en série avec une source de tension correspondant au potentiel d'équilibre de l'ion considéré (formule de Nernst).

Figure 1.24  Potentiel de membrane d'un neurone, et transport d'ions à travers les canaux ioniques ; A. Repré-sentation schématique de la bicouche lipidique de la membrane d'un neurone, avec la présence d'un canal ionique de fuite non spécique passif, et de deux canaux actifs voltage-dépendant potassique et sodique ; B. Circuit élec-trique équivalent d'une membrane d'un neurone avec la capacité membranaire Cm, et les trois canaux représentés par leurs conductances G et leurs potentiels d'équilibre E ; d'après [151].

Le potentiel de membrane Vms'exprime d'après les conductances des canaux ioniques et des potentiels d'équilibre. Le courant qui traverse la membrane est décrit à l'Eqn. 1.11 (équation de Kirchhoff).

I = Cm ∂Vm

∂t + Gf(Vm− Ef) + GN a(Vm)(Vm− EN a) + GK(Vm)(Vm− EK) (1.11) Au repos, I est nul, le potentiel de membrane est constant, et sa valeur correspond à une moyenne pondérée donnée par l'Eqn. 1.12, d'environ Vr = −70 mV. Les conductances indicées r sont prises au repos.

Vr=GfEf+ GN a,rEN a+ GK,rEK

Gf+ GN a,r+ GK,r (1.12) Le modèle de Hodgkin et Huxley [133] détermine les conductances par des modèles statistiques selon les probabilités d'ouverture (m et n) et de fermeture des canaux ioniques (h et n) : GN a = gN am3h, GG= gGn4 et Gf = gf. Un ordre de grandeur de ces paramètres bioélectriques est donné Tab. 1.2.

Table 1.2  Paramètres bioélectriques du transport membranaire d'un neurone ; d'après [194].

Canal Conductance (S · m−2) Potentiel d'équilibre (mV)

Na+ 1200 + 55

K+ 360 -77

fuite 3 -49

Potentiel d'action (pa)

En conditions physiologiques, l'ouverture de canaux conduit à une sortie de K+, et à une entrée de Na+, Ca2+ et Cl-. L'action conjuguée de ces canaux contribue à créer des signaux électriques de deux types [274] :

 potentiels post-synaptiques : signaux locaux d'amplitude faible entre 1 mV et 10 mV ;

 potentiels d'action (pa) : signaux auto-régénérés de grande amplitude, de l'ordre de 100 mV, et propagation sans atténuation sur des distances importantes.

Les canaux activés électriquement par les variations de Vm, appelés voltage-dépendants, sont respon-sables du déclenchement et de la propagation du pa. Egalement nommé spike, il correspond au signal électrique élementaire du signal nerveux. Tous les pa sont identiques pour un même neurone, ils ne di-minuent ni en taille ni en puissance au cours de leur progression sur l'axone. Ils correspondent à une dépolarisation brutale, rapide - environ 1 ms - et réversible, d'environ 100 mV d'amplitude. L'apparition d'un pa est un phénomène binaire : il survient uniquement si le stimulus implique une variation de Vm au-delà d'un seuil (−55 mV). L'information est codée par leur fréquence.

Le potentiel d'action présente un décours temporel en 4 phases, Fig. 1.25 :

i. prépotentiel, visible uniquement lorsque Vmest enregistré dans le corps du neurone, et non dans l'axone ;

ii. dépolarisation rapide d'une amplitude voisine de 100 mV, rapide < 1 ms et atteint +30 mV au sommet (overshoot) ;

iii. repolarisation rapide : le potentiel de membrane retourne à sa valeur initiale, voire plus basse −110 mV;

iv. hyperpolarisation post-spike ou période réfractaire relative, avec une membrane hyperpolarisée. Les deux phases médianes constituent la période réfractaire absolue pendant laquelle le neurone est insensible à tout stimulus.

Figure 1.25  Phases du potentiel d'action ; le décours temporel comprend des phases d'hypopolarisation (dépo-larisation) et de repolarisation, de dépassement ; le niveau du potentiel de membrane au repos Vr, du seuil de déclen-chement (critical ring level CFR) ; d'après [180].

La genèse du pa est liée au phénomène de dépolarisation qui modie la conductance des canaux ioniques et le déclenche au-delà du seuil, Fig. 1.26.

Figure 1.26  Eets de la dépolarisation de la membrane lors de la genèse d'un potentiel d'action ; d'après [274].

La physique des signaux neuronaux est complexe. L'étude de la propagation des potentiels membra-naires le long des bres nerveuses est l'objet des travaux de Hodgkin et Huxley [133]. Elle peut également être modélisée à l'aide de solitons [16]. En première approximation, pour un neurone amyélinique orienté selon l'axe z, le courant membranaire I s'exprime sous la forme de l'Eqn. 1.13, avec d le diamètre de l'axone, et σe la conductivité de l'endonèvre [194, 151].

I =e 2

2Vm

∂z2 (1.13)

Une fois né au niveau du segment initial de l'axone, le potentiel d'action se propage. Son comportement ne ressemble pas à celui d'une onde qui se propagerait sur un câble électrique en cuivre, avec une perte d'amplitude du fait des résistances électriques rencontrées. Au contraire, il se recrée à l'identique de proche en proche, sans aucune atténuation.

Axones non myélinisés Une zone positive en intracellulaire par rapport à l'extracellulaire se crée à l'endroit où est généré le pa, par entrée massive d'ions Na+. Un dipôle induisant des courants locaux de charges électriques est créé. Les charges positives extracellulaires qui entourent la zone dépolarisée (négatives en extracellulaire) sont attirées vers cette zone, tandis que les charges positives intracellulaires de la même zone sont attirées vers les zones intracellulaires négatives adjacentes, Fig. 1.27.

Figure 1.27  Dipôle généré lors de la survenue du potentiel d'action (PA) sur un neurone amyélinique ; en bleu : la zone du potentiel d'action, négative en surface ; en rose : la membrane au repos, recouverte de charges positives en surface ; les charges positives (la source) sont attirées par la zone négative (le puit) ; à droite, coupe de la membrane avec en haut l'extérieur positif et en bas l'intérieur négatif ; les courants locaux entraînent la dépolarisation qui permet au potentiel d'action d'avancer dans le sens de la êche rouge ; il ne recule pas car il laisse derrière lui une zone hyperpolarisée ne permettant pas d'atteindre le seuil de déclenchement ; d'après [274].

Ces mouvements de charges intra- et extra-cellulaires contribuent à dépolariser les zones adjacentes. Ces zones atteignent le seuil de décharge, un nouveau pa naît à côté du précédent qui est en train de disparaître. Ainsi, le pa se propage le long d'un axone, en se régénérant de proche en proche. Le pa ne se propage que dans un sens, sans revenir en arrière. En eet, la zone en aval est au repos et facilement

dépolarisable, alors que la zone amont est hyperpolarisée par le recaptage des ions K+, et donc en phase réfractaire.

Plusieurs types de conduction des pa sont distingués, selon le sens de conduction :

 orthodromique : normalement (à quelques exceptions près), naissance à l'extrémité proximale de l'axone et propagation impossible vers le corps cellulaire ;

 antidromique ; production du pa par un stimulus électrique ou chimique et propagation de l'ex-trémité distale vers le corps cellulaire ;

Pour une expérience où un axone est stimulé en dehors d'une de ses extrémités, avec un stimulus électrique supraliminaire, la dépolarisation induite engendre un pa qui se propage dans les deux sens. Cela montre que l'axone n'admet pas de sens de propagation privilégié : l'organisation du système nerveux donne une direction à la propagation des pa.

Axones myélinisés La présence de myéline, composée de couches alternées de lipides et peptides, augmente jusqu'à 5, 000 fois la résistance de la membrane au passage des ions, et diminue jusqu'à 50 fois la capacité de la membrane. Elle est discontinue autour du nerf, et interrompue par les n÷uds de Ranvier, d'une longueur d'environ 1 µm. La distance entre les n÷uds est de l'ordre de 2, 000 µm, et croît selon le diamètre de la bre.

Pour les bres nerveuses myélinisées, les n÷uds de Ranvier correspondent aux seuls endroits où un transfert d'ions a lieu. La densité des canaux ioniques est nettement plus grande en ces lieux : tandis qu'il y a seulement environ 20 canaux Na+ par µm2 sur un axone non myélinisé, il en existe environ 100 par µm2à chaque n÷ud de Ranvier sur un axone myélinisé.

La baisse de la capacité de la membrane implique une croissance plus rapide des potentiels locaux. L'augmentation de la résistance induit une diminution moindre avec la distance. Dans ces conditions, puisque tous les canaux Na+ sont concentrés au niveau des n÷uds de Ranvier, les pa ne naissent qu'en ces points. Leur propagation s'eectue en sautant d'un n÷ud à l'autre, ce phénomène est appelé conduction saltatoire, Fig. 1.28.

(a) Conduction saltatoire sur un neurone myélinisé (b) Structure du n÷ud de Ranvier

Figure 1.28  Progression du potentiel d'action (PA) dans le cas d'un neurone myélinisé, dans le sens de la èche rouge en sautant d'un n÷ud de Ranvier à l'autre. Les champs électriques sont indiqués avec les traits rouges ns ; le puit est au niveau du n÷ud de Ranvier central ; les sources aux deux n÷uds précédent et suivant ; d'après [274].

En dénitive, la gaine de myéline augmente la vitesse de conduction des bres nerveuses (fcv) d'un facteur 5 à 7, tout en isolant les axones les uns des autres. Les n÷uds de Ranvier n'étant pas adjacents entre bres, un pa d'un axone ne peut pas déclencher un autre pa sur un axone voisin par transfert de charge (conduction éphaptique).

Inuence du diamètre La fcv est proportionnelle (i) au diamètre des bres myélinisées (selon la loi de Hursh, le diamètre de la bre myélinisée D (µm) et sa fcv v (m · s−1)sont liés par v ' 6D) ; (ii) à la racine carrée du diamètre des bres amyéliniques. Elles sont classées selon leurs propriétés de conduction, Tab. 1.3.

Table 1.3  Classication des axones d'un nerf périphérique d'après leurs diamètres ; d'après [180].

Type Diamètre (µm) Vitesse (m · s−1) Exemple de fonction Aα 13 - 22 70 - 120 Motoneurones α, toucher Aβ 8 - 13 40 - 70 Toucher, proprioception,

Aγ 4 - 8 15 - 40 Toucher, pression, motoneurones γ Aδ 1 - 4 5 - 15 Douleur, pression, température

B 1 - 3 3 - 14 Fibres sympathiques eérentes préganglionnaires C 0.1 - 1 0.2 - 2 Fibres symp. e. postganglionnaires (amyéliniques)

Les bres nerveuses, myélinisées ou non, présentent des propriétés spéciques, par rapport à l'appli-cation d'anesthésiques locaux, leur susceptibilité à l'hypoxie (absence d'oxygène), et l'eet de la pression. Elles sont résumées Tab. 1.4.

Table 1.4  Susceptibi-lité des diérents types de bres à des blocages de conduction par dif-férents agents ; d'après [180].

Type de blocage Plus susceptible Intermédiaire Moins susceptible

Hypoxie B A C

Pression A B C

Anesthésique local C B A

En enregistrement, le recrutement des diérents types de bres est lié à leur diamètre. Les cap dièrent dans le nombre et la variété de composantes présentes, selon les paramètres du stimulus : durée, intensité Fig. 1.29.

Figure 1.29  Recrutement des diérents types de bres (cap) au sein du nerf sciatique, visualisé sur des eng ; les dif-férentes composantes apparaissent avec un accroissement de l'amplitude du stimulus ; un écartement de 8 cm existe entre les électrodes de stimulation et d'enregistrement ; d'après [180].

Le cap correspond ainsi à la réponse graduée d'un nerf périphérique à la stimulation élec-trique. Les nerfs présentent des axones de diérents diamètres, qui inuent sur le seuil de recrutement. La fcv d'un axone est fonction de son diamètre. Les composantes les plus rapides d'un cap viennent des bres les plus larges et rapides, alors que les composantes tardives proviennent des bres les plus petites et lentes. De plus, les bres contribuent à la tension mesurée selon le carré de leurs diamètres. Ce constat implique que les bres les plus grosses, bien que moindres dans les nerfs, donnent les composantes les plus importantes des cap [180].

Contraste fonctionnel de propriétés électriques, imagerie

Vis-à-vis de l'impédancemétrie, le raisonnement sous-jacent est le suivant : le courant injecté dans un tissu nerveux excitable reste dans l'espace extracellulaire ; ceci est dû à la présence de la membrane de type capacitive, et de grande résistance (10 MΩ) pour des courants de faible fréquence. Pendant l'activité neuronale, i.e. la dépolarisation des axones :

 les canaux ioniques s'ouvrent, cela conduit à une décroissance de la résistance de la membrane cellulaire d'un facteur 80, la capacité de la membrane reste constante ; des expériences menées sur l'axone géant du calmar montrent une décroissance de l'impédance membranaire jusqu'à 10 % [64] ;  l'espace intracellulaire fournit des ions conducteurs additionnels, et le courant injecté se propage au

sein de cet espace [155].

Ces changements d'impédance ont été conrmés par la suite pendant l'activité du cortex chez le chat [87, 95], des motoneurones spinaux [243], des neurones du noyau rouge [264], et lors de mesures au niveau de la colonne vertébrale [88].

Ainsi, la dépolarisation neuronale modie l'impédance de manière locale lors de la propaga-tion d'un potentiel d'acpropaga-tion, Fig. 1.30. Ce principe est à l'origine de la source de contraste foncpropaga-tionnelle utilisée pour l'imagerie en eit du fonctionnement des neurones.

Figure 1.30  Représentation schématique de la va-riation d'impédance de membrane axonale, lors de la dépolarisation neuronale ; mesure par le biais d'élec-trodes déportées ; d'après [159].

Bien que le changement dans la résistance membranaire soit grand lorsque les canaux ioniques s'ouvrent, l'eet net sur la résistance globale du tissu est relativement faible, et présente une décrois-sance de l'ordre de 1 %. En eet, le chemin extracellulaire pour le ux de courant est déjà un très bon conducteur au repos. En pratique, la variation d'impédance concurrente à la propagation de potentiels d'action est très petite et très rapide, ce qui la rend extrêmement dicile à mesurer.

Pour une population de neurones, cela conduit à une décroissance plus marquée de la résistance pendant une activité neuronale cohérente. Elle peut alors être mise en évidence dans des paradigmes de stimulation répétitive, conjointement à l'enregistrement de cap [135].

Ainsi, chez le nerf moteur de la jambe du crabe avec des électrodes cu monocontact, des décroissances d'impédance reproductibles ont été mesurées, de l'ordre de 0.2 % à 0.7 % en courant continu (dc), et de 0.005 %à 50 kHz [135]. Sur le même milieu d'étude, la variation de la fréquence du signal injecté jusqu'à 600 Hz a démontré des variations de 0.1 − 1 % [101, 199].