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Le l conducteur de ce travail de thèse est la disponibilité d'électrodes cu multicontacts (mcc) adaptées aux nerfs périphériques. Jusqu'alors destinées à la stimulation ou l'enregistrement, les mcc constituent un moyen de transduction qui peut être mis à prot pour caractériser le nerf par impédan-cemétrie.

Les informations de bioimpédance recueillies peuvent ensuite guider la stimulation et agir par rétro-action sur ses paramètres. Ces mesures peuvent :

i. conduire à des spectres de propriétés électriques volumiques du nerf, par spectroscopie d'impé-dance électrique (eis) [202] ;

ii. aboutir à une image des propriétés électriques locales, au voisinage des mcc, par tomographie d'impédance électrique (eit) [137, 195, 236].

L'eis et l'eit s'insèrent alors dans une boucle de rétrocontrôle, comme alternative à la localisation de sources d'après les eng. Ce processus a déjà été proposé pour l'adaptation de la stimulation électrique cardiaque des pacemaker [262]. Il est aussi breveté pour des applications de l'eit comme rétrocontrôle en stimulation du cortex cérébral [265].

Dans ce type d'applications, l'eit ore une résolution temporelle de l'ordre de la milliseconde et une forte sensibilité liée au contraste des propriétés électriques. Par rapport à la localisation de source par eng, la solution du problème d'estimation des paramètres électriques est unique, et le nombre de mesures indépendantes nettement supérieur [134]. Ce nombre est lié au nombre de paramètres déductibles des mesures, et ainsi à la résolution spatiale de l'image.

L'objectif de cette thèse consiste à déterminer la faisabilité d'obtenir des informations sur la distribu-tion des propriétés électriques d'une secdistribu-tion de nerf par eit avec des mcc in vivo. A terme, les régions d'intérêt à cibler par la stimulation pourraient être localisées par ce biais.

1.2.1 Contexte

Ce projet de thèse est préparé au sein :

 du laboratoire d'électronique et des systèmes pour la santé (direction P. Jallon), du CEA-Leti ; il est impliqué dans le projet intense, lié au développement de nouveaux dispositifs de neurosti-mulation (S. Bonnet, A. Bourgerette, S. Gharbi) ;

 de l'équipe fonctions cérébrales et neuromodulation (direction O. David), du GIN ; elle participe aux essais précliniques et cliniques de l'équipe stress et interactions neuro-digestives (direction B. Bonaz), en neurostimulation vagale à visée anti-inammatoire (D. Clarençon, V. Sinniger) Projet intense

intense est l'acronyme d'Initiative Nationale Technologique d'Envergure pour une Neuro Stimulation Evoluée. Ce projet, porté par A. Ripart de la société sorin crm sas admet pour objectif le dévelop-pement d'une plateforme électronique de neurostimulation évoluée, pour le traitement de l'insusance cardiaque et d'autres applications, dont le traitement de troubles comportementaux et moteurs. Il vise à mettre en place une technologie permettant la délivrance d'une thérapie auto-adaptative, ciblée et multimodale, avec des applications en vns. Dans le cadre de ce projet, le CEA-Leti est associé à la fabri-cation des électrodes, à la mise au point de circuits d'enregistrement et de stimulation, et au traitement de signaux neurologiques.

Neurostimulation clinique CHU Grenoble et GIN

L'équipe stress et interactions neuro-digestives, du professeur Bruno Bonaz, a acquis une réputation internationale pour ses travaux dans le domaine des colites et des interactions entre le système nerveux et digestif, en particulier via la modulation du tonus vagal. Elle développe des approches transversales incluant des modèles animaux et des études cliniques chez l'Homme. Les recherches portent sur :

 les déséquilibres de la balance sympatho-vagale observés dans les maladies inammatoires, et les altérations de la personnalité corrélées ;

 la vns à visée anti-inammatoire.

L'équipe fonctions cérébrales et neuromodulation, du docteur Olivier David, possède une expertise en électrophysiologie per- et post- opératoire sur animaux et patients implantés, ainsi qu'en traitement et modélisation des signaux.

Ces deux équipes ont mis en place une collaboration depuis 2008 pour développer une approche expérimentale et clinique de la stimulation vagale. Leurs travaux ont abouti à la mise en place courant 2012 d'un essai clinique portant sur l'utilisation de la vns dans le traitement de la maladie de Crohn.

Le GIN dispose ainsi de personnel et de moyens d'expérimentations dans le domaine de la vns, que ce soit chez l'homme ou l'animal.

1.2.2 Spectroscopie et tomographie d'impédance électrique

Principe de mesure

L'eis et l'eit partagent le principe de la mesure d'impédance. Une tension sinusoïdale u(t) est ap-pliquée entre les bornes de deux électrodes. Son amplitude est choisie faible an de garantir le régime linéaire du système. Le courant résultant i(t) est alors caractéristique des paramètres électriques du mi-lieu. Ceci se traduit par la loi d'Ohm u(t) = Zi(t), avec Z l'impédance globale vue par le système de mesure, Fig. 1.7. Cette impédance peut également être déterminée en injectant un courant et en mesurant la tension résultante. Dans ce cadre, l'amplitude des signaux en courant et tension, ainsi que leur déphasage, sont supposés constants pour une fréquence donnée.

Figure 1.7  Principe de la mesure d'impédance : une tension est appliquée entre les bornes de deux électrodes. Supposant une réponse linéaire du milieu, le courant résultant, de même fréquence, est caractéristique de l'impé-dance vue par le système de mesure.

L'impédance vue par le système de mesure est déterminée à partir de la connaissance de trois para-mètres, Eqn. 1.1 : les amplitudes des signaux électriques en courant ∆i et en tension ∆u ainsi que de leur diérence de phase Φ, Fig. 1.7. Seules les composantes alternatives du signal sont prises en compte pour déterminer l'impédance.

Z(f ) = ∆u(f ) ∆i(f )e

Selon la conguration de mesure utilisée, l'impédance globale vue par le système de mesure doit considérer ou non l'inuence de la transduction. Pour les mesures sur le vivant, deux congurations sont classiquement utilisées : (i) l'eis avec deux électrodes ; (ii) l'eis avec quatre électrodes, Fig. 1.8. L'amplicateur opérationnel de mesure présente en théorie une impédance innie, i.e. un courant d'entrée nul. Dans le premier cas, il ne perturbe pas la mesure. Cependant, les impédances de contact des électrodes zE1 et zE2 introduisent un biais en raison des chutes de potentiel intervenant entre leurs bornes. Dans le second cas, aucun courant ne circule dans les impédances de contact zE3 et zE4, la diérence de potentiel uentre les électrodes E3et E4est représentative de la tension aux bornes du milieu. En conguration à quatre électrodes, le quotient u

i est dénommé transimpédance.

Figure 1.8  Distinction entre eis 2 électrodes (gauche) ou bien 4 électrodes (droite) et mise en évidence des impédances d'interface à prendre en compte dans l'impédance globale vue par le système de mesure ; les équi-potentielles sont représentées par des traits colorés pleins, selon la valeur du potentiel électrique, et les lignes de densité de courant par les èches bleues ; gure issue d'une modélisation sous Comsol Multiphysics .R

En pratique, l'amplicateur opérationnel présente une impédance d'entrée ZIN nie. Tant que cette dernière est très supérieure aux impédances de contact des électrodes, i.e. ZIN  zEi∀i, l'amplicateur n'apporte pas de biais supplémentaire dans la mesure. Autrement, il crée un diviseur de tension, et la relation entrée - sortie doit être examinée avec attention.

L'eis consiste alors à tracer un spectre d'impédance, par balayage en fréquence ou en utilisant des signaux composites [202]. A partir de ces mesures globales d'impédance, non invasives, diérentes méthodes permettent de remonter aux propriétés électriques du milieu étudié. Certaines supposent de maîtriser la géométrie de la cellule de mesure, et de considérer des hypothèses sur les propriétés électriques (homogénéité, isotropie) [30]. L'eit exploite ces mêmes mesures. Elle cherche à reconstruire une image de la distribution spatiale interne de ces propriétés [137, 195, 236].

Processus de reconstruction d'images

Le processus de reconstruction en eit met en ÷uvre trois composantes, Fig. 1.9 : les données, le modèle (géométrie, position des électrodes) et la méthode de reconstruction. Des électrodes sont placées en surface de la zone d'intérêt et un champ électrique, de fréquence comprise entre quelques Hz et quelques MHz, est appliqué par leur biais ; la réponse du milieu traversé par le champ électrique est mesurée avec ces mêmes électrodes [279].

Figure 1.9  Schéma global du processus de reconstruction en eit.

A partir des mesures électriques, la reconstruction des propriétés électriques se déroule en deux étapes mathématiques : le problème direct et le problème inverse. Le problème direct consiste à construire un modèle numérique de la zone à imager capable de déterminer, pour une distribution donnée de propriétés électriques, les potentiels et les courants attendus au niveau des électrodes. Le problème inverse estime pour sa part les propriétés électriques de l'objet imagé, par l'intermédiaire d'une fonction d'optimisation qui ajuste la distribution de propriétés électriques pour minimiser l'écart entre les mesures expérimentales et les valeurs calculées par le modèle direct. Le modèle direct doit également être capable de prédire le champ électrique interne de la zone imagée puisque ces données sont utilisées par les algorithmes de reconstruction [169].

Imagerie statique, diérentielle

Deux approches d'imagerie en eit sont utilisées, Fig. 1.10 :

1. l'inversion statique s'attache à imager la distribution absolue des propriétés électriques d'un objet, avec des valeurs quantiées. Elle constitue le but ultime en eit. Sa mise en ÷uvre requiert une grande précision autant sur la construction d'un modèle représentatif de la situation que sur la maîtrise et la connaissance des conditions d'acquisition des données.

2. l'inversion diérentielle reconstruit une variation de la distribution des propriétés électriques, avec des valeurs qualitatives, à partir de deux jeux de données acquis à des temps (tdeit) ou des fréquences (fdeit) diérents. Elle est plébiscitée, en pratique, dans la mesure où elle permet de s'aranchir d'artefacts systématiques et de réduire le degré de précision requis sur le modèle et l'instrumentation.

Inversion statique quantitative Inversion diérentielle qualitative

1.2.3 Spécicités des applications à l'échelle submillimétrique

L'eit a été employée avec succès pour produire des images reproductibles et validées de variations de conductivité à large échelle du corps humain, par exemple le suivi en continu de la respiration au niveau du thorax et de la vidange gastrique au niveau de l'abdomen [137].

La spécicité de l'adaptation de cette technique à des échelles spatiales réduites pour des mcc im-plantées autour de nerfs périphériques vient notamment de la taille des contacts mis en jeu. Ces derniers assurent la transduction des propriétés électriques en signal exploitable. La diminution de taille inue sur l'interface entre l'électrode et le tissu.

Double couche électrique

La transduction implique un contact physique entre conducteur électrique, le métal de l'électrode du dispositif de mesure, et conducteur ionique, le milieu biologique étudié. A l'interface, sous l'action d'un champ électrique externe, se forme une double couche électrique (edl) entre la surface chargée de l'électrode et l'électrolyte. Le modèle le plus abouti à ce jour pour représenter l'edl est le modèle de Gouy-Chapman-Stern, Fig. 1.11 [112]. Ce modèle fait intervenir deux couches distinctes :

 la couche de Stern, ou couche compacte : composée de contre-ions immobiles au contact direct de la surface chargée, les contre-ions présents dans la solution subissent une attraction électrostatique par les charges de signe opposé à celui des ions de la paroi ; un condensateur plan est alors formé ;  la couche de Gouy-Chapman, ou couche diuse, au sein de laquelle la distribution des ions résulte de la compétition entre les forces électrostatiques et les forces de diusion brownienne des ions (agitation thermique).

Figure 1.11  Modèle de Gouy-Chapman-Stern pour la double couche électrique (edl) ; la couche compacte et la couche diuse constituent l'edl et contribuent à la décroissance du potentiel à l'interface selon deux régimes : linéaire puis exponentiel.

La décroissance du potentiel électrique dans l'edl suit deux régimes : une décroissance linéaire dans la couche compacte, puis une décroissance exponentielle dans la couche diuse. En première approximation, la chute de potentiel dans la couche compacte est négligée en considérant que le potentiel à l'entrée de la couche diuse est confondu avec le potentiel de l'électrode. De plus, l'absence de réaction d'oxydoréduction est supposée à la surface de l'électrode (électrode idéalement polarisable).

Modèles de double couche électrique

L'équation de Poisson-Boltzmann permet de décrire la chute de potentiel au sein de la couche diuse de l'edl [208]. Diérentes variantes permettent de prendre en compte l'encombrement stérique des ions, i.e. la gêne inter-molécules du fait de leurs volumes respectifs [156, 157]. Des modèles de capacitance

d'edl peuvent ainsi être déduits. L'épaisseur de l'edl est de l'ordre de grandeur de la longueur de Debye λD, soit environ 0.8 nm, Fig. 1.11. L'edl peut être modélisée, par l'approximation de couche mince, comme une condition aux limites. La densité de courant j normale (vecteur normal n sortant) au niveau d'une électrode chargée est alors déterminée par l'Eqn. 1.2, à partir de la capacitance CEDL=

εEDL

λD (F · m−2)et de la chute de potentiel ∆vEDL à travers l'edl.

j · n = ωCEDL∆vEDL (1.2)

Toutefois, le modèle de l'interface capacitive ne permet pas de décrire convenablement les obser-vations expérimentales. Le modèle empirique appelé élément à phase constante (CPE) est employé pour tenir compte de la dispersion fréquentielle observée [26]. L'impédance eective d'interface ze(Ω · m2) n'est plus décrite par ze= ωC1

EDL; elle fait intervenir deux paramètres Q et α dans l'Eqn. 1.3. L'ordre de grandeur de ces paramètres pour des électrodes de taille millimétrique est α = 0.85 et Q = 1.10−5uSI.

ze= 1

(ω)αQ (1.3)

L'impédance de contact d'une électrode zEi dépend ainsi du paramètre surfacique ze et de la surface de l'électrode considérée kEikselon zEi = ze

kEik, en supposant ze constant sur l'électrode. En particulier, pour un paramètre zexé (matériau, aspect de l'électrode et électrolyte en regard), une diminution de surface entraîne une augmentation de l'impédance de contact.