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1. Le recueil d’expertise

1.1. La prise en charge de la douleur chez l’enfant

La douleur peut être définie comme «!une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, associée à un dommage tissulaire réel ou virtuel, ou décrite comme un tel dommage!» [Gauvain-Piquard, 1999]. Ainsi, la douleur de l’enfant comporte trois composantes!: une composante sensorielle directement liée au processus nociceptif*!; une composante émotionnelle proportionnelle au stress de l’enfant! et éventuellement à l’inquiétude des parents!; une composante cognitive traduisant le fait que l’enfant se sent submergé et envahi par la douleur [Caron, 1999].

Prendre en charge la douleur d’un enfant nécessite alors calme et tranquillité. Il faut que le praticien établisse une relation avec l’enfant, seulement après le dialogue peut avoir lieu. Gauvain-Piquard montre cela de façon très caractéristique dans la vidéo «!TAMALOU!»

présentant l’examen clinique de l’enfant douloureux [Gauvain-Piquard, 1993]. L’idée est alors d’identifier les signes directs de la douleur, comme la mobilisation spontanée d’un membre permettant de limiter la sensation douloureuse, ou encore les signes indirects de la douleur, comme l’atonie psychomotrice (état psychologique de l’enfant qui, totalement submergé par la douleur, devient apathique).

Prendre en charge la douleur consiste, d’une part, à évaluer cette douleur, et, d’autre part, à la traiter. Dans le cadre de la pédiatrie, cette démarche requiert une approche méthodologique précise. Un rapport de l’Agence Nationale d’Accréditation et d’Evaluation en Santé (ANAES) définit en mars 2000 les protocoles d’évaluation et de traitement de la douleur de l’enfant [ANAES, 2000].

® Evaluation de la douleur

Selon le CD-ROM «!La douleur de l’enfant!» [Annequin et al., 2001], l’évaluation de la douleur permet de quantifier et de mesurer objectivement la douleur, tout en aidant au diagnostic. Celle-ci permet également d’établir une relation de confiance avec l’enfant en lui montrant qu’il est pris au sérieux. Cependant, le jeune âge des enfants, et leurs difficultés à exprimer ce qu’ils ressentent, compliquent considérablement cette évaluation. Ainsi, l’évaluation de la douleur se pratique grâce à l’adaptation de méthodes et d’outils d’évaluation à l’âge de l’enfant. Trois tranches d’age sont déterminantes dans les modes d’évaluation de la douleur. Elles correspondent à différents stades du développement des enfants et aux différents niveaux atteints à propos de leurs capacités à s’exprimer et à caractériser ce qu’ils ressentent. Par exemple, les enfants de moins de 4 ans ne peuvent décrire avec précision leurs sensations. En revanche, au delà de six ans, le médecin peut se reposer entièrement sur les dires de l’enfant. Pour chacune des tranches d’âge, le rapport de l’ANAES précise les outils disponibles et leur mode d’application.

Ainsi, pour les enfants de plus de 6 ans, l’utilisation d’outils d’auto-évaluation est préconisée. Ces outils visent à permettre à l’enfant de quantifier lui-même sa douleur. On retiendra particulièrement l’EVA (Echelle d’éValuation Analogique) qui permet à l’enfant de déterminer «!combien il a mal!» en quantifiant sa douleur sur une réglette graduée, de 10 en 10 et de 0 à 100. Le 0 représente «!pas de douleur du tout!» et le 100 représente «!la douleur la plus forte que l’enfant puisse imaginer!». Il existe de nombreuses autres échelles/outils d’auto-évaluation gradués de différentes manières [Annequin et al., 2001].

Concernant les enfants de moins de 4 ans, le protocole recommandé est l’utilisation d’échelle/outils d’hétéro-évaluation. Ces échelles d’hétéro-évaluation sont utilisées par

d’autres personnes que l’enfant, tels que les professionnels de santé. Elles se réfèrent uniquement à l’observation de l’enfant. Quatre groupes de critères d’observation sont généralement quantifiés!: les pleurs, cris et plaintes de l’enfant!; les signes corporels tels que les raideurs ou les attitudes antalgiques!; les signes physiologiques!; le comportement de l’enfant et sa consolabilité. Il existe de nombreuses échelles validées, adaptées à différents âges et différentes pathologies. L’idée principale de ces échelles est d’aider le médecin à déterminer les signes directs et indirects de la douleur de l’enfant. Ces échelles sont présentées également dans [Annequin et al., 2001].

Enfin, lorsqu’il s’agit d’enfants âgés de 4 à 6 ans, le médecin doit plutôt chercher à faire converger les résultats de plusieurs échelles d’auto-évaluation. Si la convergence n’est pas obtenue, alors le résultat est nul. Le médecin doit utiliser des méthodes d’hétéro-évaluation, et notamment faire coïncider les dires de l’enfant avec l’examen clinique. L’expérience du médecin, dans sa capacité à déterminer chez l’enfant des signes directs et indirects de la douleur, est alors une aide considérable.

L’évaluation vise à localiser la douleur, à en connaître la cause et également à en estimer l’intensité. Celle-ci est alors qualifiée de faible, modérée, intense ou très intense. Les cas illustrant la prise en charge de la douleur, peuvent être amenés à décrire précisément, de façon intimement liée avec le processus diagnostic, cette évaluation de la douleur. Cependant, ces cas illustrent aussi les procédures de traitement de la douleur [ANAES, 2000].

® Traitement de la douleur

Le traitement de la douleur consiste principalement en la prescription d’antalgiques plus ou moins puissants selon l’intensité décelée de cette douleur. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a classifié les antalgiques selon trois paliers de «!puissance!». Le palier 1 regroupe les analgésiques non morphiniques tels que le paracétamol*, l’aspirine* ou les Anti-Inflammatoires Non Stéroïdiens (AINS*). Le palier 2 comporte les agonistes morphiniques faibles et partiels. En pratique, ce sont des associations entre des analgésiques de palier 1 et des analgésiques morphiniques comme la codéine. Enfin, le palier 3 regroupe les agonistes morphiniques forts comme la morphine [Anquier, Arthuis, 2001].

Ainsi, si la douleur évaluée est faible (moins de 3/10 d’EVA), il est préconisé de prescrire un antalgique de palier 1 [ANAES, 2000]. Si la douleur est modérée, un antalgique de palier 1 ou 2 est utilisable. Si la douleur est intense, le médecin doit envisager de passer aux antalgiques de palier 2, voire 3. Enfin, lorsque la douleur est très intense, les antalgiques de palier 3 doivent être généralement prescrits, en privilégiant les voies

d’administration les plus rapides. Cette première prescription est suivie d’une phase de contrôle (ré-évaluation selon le même mode) de l’évolution de la douleur après une ou deux prises du traitement. S’il s’avère que la douleur est toujours présente (supérieure à 3/10 d’EVA), le médecin peut envisager une intensification du traitement. Dans le cas contraire, le traitement est poursuivi pendant la durée estimée de la douleur.

Le traitement de la douleur peut également, dans certains cas, faire appel à des traitements que nous avons qualifiés de «!physiques!». Par exemple, dans le cas d’une fracture, la première chose à faire pour calmer la douleur, est d’immobiliser le membre. De plus, en cas de prévention d’un geste douloureux, tel qu’une ponction lombaire, l’application d’une pommade anesthésiante est également un cas de traitement préventif de la douleur [Carbajal, 1999].

Cette méthodologie de traitement de la douleur s’acquiert grâce à l’expérience. De nombreux praticiens adaptent ces recommandations à leurs connaissances des pathologies et à leur expérience dans le domaine du traitement antalgique. Par exemple, un praticien recevant un enfant pour une otite moyenne aiguë peut décider de donner directement des antalgiques de palier 2, plutôt que de tenter, en premier lieu, de soulager l’enfant par des antalgiques de palier 1. Il sait par expérience que l’otite est une pathologie douloureuse que l’antalgique de palier 1 ne soulagera pas. Ainsi, un conflit socio-cognitif peut opposer deux praticiens lorsque l’un préconise plutôt de tenter un palier 1 puis de vérifier l’évolution de la douleur, et lorsque l’autre applique sa propre stratégie et prescrit directement un palier 2.

Un apprentissage entre pairs, dans ce cadre, s’avère être riche dans la diversité des opinions évoquées, tant la méconnaissance de la douleur et les appréhensions sur l’utilisation d’antalgiques chez de jeunes enfants sont encore grandes. Les cas cliniques issus de ce domaine constituent alors des cas exemplaires visant à illustrer cette pratique de la prise en charge de la douleur. Nous nous sommes particulièrement intéressés à ce type de cas lors du recueil d’un premier corpus de cas cliniques auprès de notre expert. Le paragraphe suivant décrit la façon dont ce corpus a été constitué.