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2. L’apprentissage avec ordinateur

2.1. Des EAO aux EIAO

Les premiers travaux concernant l’enseignement à l’aide de machines apparaissent dans les années 50. Ces machines à enseigner visent alors à programmer l’enseignement et se basent sur une approche béhavioriste de l’apprentissage [Bruillard, 1997]. Ainsi, l’enseignement est considéré comme le déroulement d’un programme, l’apprenant devant répondre aux sollicitations de la machine. Les interactions sont effectuées sous la forme de questions-réponses et la réponse à une question conditionne la question suivante. Les systèmes d’EAO sont nés dans les années 60-70 avec l’apparition des premiers ordinateurs et sont le prolongement de cette volonté de programmer l’enseignement. Les logiciels d’EAO sont généralement constitués de leçons, elles-mêmes divisées en concepts que l’apprenant doit acquérir l’un après l’autre. Une session d’enseignement se présente comme une suite de questions ou d’exercices simples que l’ordinateur propose à l’apprenant. Celui-ci doit y répondre impérativement pour pouvoir progresser dans la leçon [Caillot, 1997]. Le parcours de l’élève au cours de la session, tout comme les réponses exigées et les critères de compréhension, sont alors pré-établis. Ainsi, de tels

systèmes pré-programmés ont difficilement une vision globale du comportement et du niveau de l’apprenant. Au début des années 80, ce constat a conduit leurs concepteurs à les faire évoluer progressivement vers une meilleure adaptation à l’élève. De nouveaux systèmes sont alors conçus, bénéficiant peu à peu des recherches sur la modélisation des connaissances de l’enseignement, et sur les stratégies pédagogiques. Citons par exemple Algebrand [Brown 1985] et Alacsyma-advisor [Genesereth, 1982] pour l’apprentissage des mathématiques puis, plus tard, Starguide [Claës et al. 1988] et ensuite Appat [Brouaye et al. 1987].

Dans les années 80, l’EAO évolue vers une intégration progressive des méthodes et techniques issues de l’Intelligence Artificielle. Ces méthodes ont permis de doter les systèmes d’enseignement de capacités d’analyse et de déduction au même titre que les systèmes experts [Voyer, 1987] et de concevoir ainsi des Systèmes Tutoriels Intelligents (STI). Ces STI font partie des systèmes dits d’EIAO (Enseignement Intelligent Assisté par Ordinateur). L’apprenant est alors entièrement tutoré par un logiciel «!expert dans le domaine d’apprentissage et expert en pédagogie!» qui dialogue avec lui et l’aide dans des activités de résolution de problèmes [Bruillard et al., 2000]. Selon Mendelsohn et Dillenbourg dans [Mendelsohn, Dillenbourg, 1991], «!Les fonctions principales d’un tutoriel intelligent doivent répondre à trois questions!: quel contenu enseigner!? comment diagnostiquer les difficultés de l’élève!? quelle méthode ou stratégie d’enseignement adopter!?!».

Un STI se décompose alors en trois modules dont la fonction est de répondre à chacune de ces questions!: «!why!? who!? et how!?!» [Self, 1974]. Le module expert est composé des connaissances du domaine. Il permet la mise en œuvre du raisonnement. Le module de l’élève (appelé généralement «!modèle!») représente l’état des connaissances de l’apprenant. Ces connaissances constituent généralement un sous-ensemble des connaissances du module expert. Ce module s’enrichit tout au long de la session d’enseignement. Le module pédagogue, quant à lui, comprend les connaissances pédagogiques. Il pilote la session d’enseignement en donnant éventuellement «!la main!» au module expert, afin que ce dernier active ses connaissances de résolution de problème. Il adapte également les stratégies pédagogiques en fonction des réponses de l’élève et de leur adéquation avec les informations issues du module expert. Un quatrième module est par la suite ajouté afin de gérer l’interface entre l’apprenant et le système.

Un grand nombre de tuteurs intelligents ont été conçus entre le milieu des années 1970 et la fin des années 80. SCHOLAR est l’un des premiers, destiné à l’apprentissage de la géographie en Amérique du sud [Carbonell, 1970]. On peut citer également WHY [Stevens et al., 1982] pour la météorologie, GEOMETRY-TUTOR [Anderson, Reiser , 1985] pour la

géométrie et LISP-TUTOR [Reiser et al., 1985] pour l’apprentissage du LISP. En France, l’un des premiers projets a été conçu dans l’équipe d’EIAO du Laboratoire d’Informatique de l’Université du Maine (LIUM). Il s’agissait d’AMALIA, un tuteur pour le calcul algébrique [Vivet et al., 1988]. Ce projet sera par la suite à l’origine de QUIZ, un tuteur enseignant les stratégies d’enchères au bridge [Labat, Futtersack, 1990] ou encore d’ELISE [Delozanne, 1992], un logiciel d’apprentissage du calcul algébrique.

La recherche en matière d’apprentissage avec ordinateur a conduit progressivement à une modification de l’architecture de ces systèmes. En effet, la faiblesse des STI réside principalement dans le fait que la modélisation des connaissances du module pédagogue, du modèle de l’élève et du module expert, s’avère difficile à mettre en œuvre [Bruillard, 1997]. Les difficultés d’élaboration du module pédagogue ont, en particulier, mis en évidence la nécessité de l’intervention d’un tuteur «!humain!». C’est alors la remise en cause de «!l’ordinateur comme tuteur!». L’accent est désormais mis sur l’élaboration de systèmes visant à assister l’élève et l’enseignant dans leurs activités respectives.

Parallèlement aux EIAO, se sont développés dans les années 80 des logiciels de type micromondes. Ces logiciels sont davantage centrés sur la notion d’apprentissage, plutôt que sur celle de l’enseignement, et en proposent une approche constructiviste. Contrairement aux STI, ce n’est pas l’ordinateur qui joue le rôle du tuteur et enseigne à l’apprenant, mais c’est ce dernier qui gère lui-même son apprentissage, en totale autonomie et à l’aide de l’ordinateur. Dans un environnement de type micromonde l’apprenant évolue dans un univers abstrait représentant une simulation simplifiée du domaine qu’il étudie. En manipulant les concepts de ce monde abstrait, l’élève construit ses propres représentations et connaissances à propos du domaine. L’exemple le plus connu de micromonde est LOGO [Papert, 1981] pour l’apprentissage de la programmation, introduit plus tard en France par Jacques Perriault. Cette catégorie de logiciels trouve néanmoins sa faiblesse dans le manque de guidage et d’assistance offerts à l’apprenant, qui travaille en totale autonomie et peut se trouver assez perdu lorsqu’il rencontre des difficultés.

Comme un compromis entre les systèmes plutôt directifs, tels que les STI, et les micromondes plutôt ouverts et libres, se développent au début des années 90 les Environnements interactifs d’Apprentissage avec Ordinateur (EiAO). Les recherches se centrent alors davantage sur les besoins de l’apprenant. Elles visent parallèlement à intégrer l’enseignant dans la conception des systèmes, en lui définissant un rôle et en lui proposant des outils spécifiques à la gestion de son activité nouvelle [Bruillard et al., 2000]. Cette évolution du sigle EIAO permet de spécifier les nouvelles orientations de recherche en informatique éducative [Baron et al., 1991]. Tout d’abord, le terme

Enseignement a été remplacé par le terme Apprentissage car ces systèmes s’intéressent désormais davantage à l’activité d’apprentissage de l’apprenant et à la construction de ses connaissances, plutôt qu’à la manière dont ces connaissances lui sont transmises. Ensuite, le mot «!Assisté!» par Ordinateur est remplacé par «!Avec!» Ordinateur, pour mettre en évidence la nouvelle place de l’ordinateur dans le processus éducatif. L’ordinateur n’est plus le tuteur. Il devient l’un des acteurs du scénario d’apprentissage induit par l’EiAO, au même titre que l’enseignant ou encore les co-apprenants. Nous pouvons citer comme exemple de systèmes EiAO, le système APLUSIX, dans le domaine de la factorisation des polynômes et la résolution d’équations [Nguyen, Nicaud, 1995], le système SCHNAPS d’aide à la résolution de problèmes en chimie [Blondel, 1996] ou encore Télé-Cabri, un système de communication qui permet à un élève de résoudre à distance un problème de géométrie à l’aide de Cabri-géomètre [Balacheff et al., 1996]. Par ailleurs, dans les nouveaux EiAO, les aspects interactifs et coopératifs de l’apprentissage entrent dans les préoccupations des chercheurs du domaine, avec par exemple le projet ROBOTEACH pour l’apprentissage coopératif de la robotique [Leroux, Vivet, 1996].

A la fin des années 90, l’évolution et la généralisation des technologies de la communication, et notamment celle du réseau mondial, viennent placer la notion de distance au centre des problématiques de recherche en informatique éducative. De nouveaux systèmes se développent et mettent l’accent sur l’aspect distribué et coopératif des apprentissages, avec comme principale préoccupation : «!replacer l’humain au centre du dispositif d’enseignement!». Le paragraphe suivant présente cette dernière génération de systèmes éducatifs, présentés désormais sous le sigle EIAH (Enseignement Informatisé pour l’Apprentissage Humain) [Balacheff et al., 1997].