Les EIAH

Les Environnements Informatisés pour l’Apprentissage Humain (EIAH), sont des systèmes d’apprentissage avec ordinateur, développés et évalués pour permettre à des êtres humains d’apprendre. L’article de Bruillard [Bruillard et al., 2000] faisant état de quinze ans de recherche au Laboratoire d’Informatique de l’Université du Maine en informatique éducative, explique parfaitement l’évolution du sigle EIAO vers EIAH. Cet article précise tout d’abord que développer des systèmes d’apprentissage avec ordinateur revient à gérer différents modes d’interaction!: entre apprenants!; entre apprenants et tuteurs!; entre un(des) apprenant(s) et un(des) logiciel(s)!: «!Il s’agit de concevoir des environnements complexes, intégrant des machines assumant plusieurs rôles avec des acteurs humains différents!». L’humain et sa(ses) place(s) au sein du dispositif d’apprentissage entrent plus que jamais au centre des préoccupations des chercheurs. Ainsi, Bruillard souligne que la

notion de distance dans les apprentissages vient notamment opérer des évolutions dans les architectures des systèmes informatisés pour l’éducation. Ces nouveaux systèmes assistent, désormais, à la fois l’activité des apprenants et celle des enseignants. Ils visent notamment à répondre à des problématiques de co-apprentissage et «!d’assistance à des humains distants!».

A titre d’exemple dans les travaux de recherche en EIAH, nous pouvons citer le projet européen ARIADNE (Alliance of Remote Institutional Authoring and Distribution Networks for Europe), qui vise à développer des outils et méthodologies pour la production, la gestion et la mutualisation de matériaux pédagogiques médiatisés et de programmes de formation sur Internet [Ariadne - http]. Des projets sont également menés dans ce sens au LIUM, avec par exemple le projet Télé-Apprentissage qui vise l’élaboration d’outils dédiés à la formation à distance. Ce dernier a conduit au développement d’un ESSAIM, un Environnement pour le Suivi pédagogique Synchrone d’Activités d’apprentIssage Médiatisées [Desprès, 2001] et au système SPLACH pour l’apprentissage coopératif par projet [George , 2001]. Des projets plus récents sont également en cours dans d’autres équipes, comme le projet AMBRE (Apprentissage de Méthodes Basé sur le Raisonnement à partir de l’Expérience), un EIAH utilisant un processus d’apprentissage proche du raisonnement à partir de cas pour l’enseignement de méthodes [Guin-Duclosson et al., 2002].

Avec le sigle, ce ne sont pas seulement les systèmes informatiques qui ont évolué, c’est également la discipline de recherche. En effet, l’approche pluri-disciplinaire du domaine de recherche s’affirme et se renforce dans les recherches en EIAH. D’après Delozanne, [Delozanne, 2001], les caractéristiques des EIAH peuvent être énoncés, d’une part, du point de vue informatique et, d’autre part, du point de vue des sciences humaines. En informatique, la recherche en EIAH s’intéresse aux processus de communication entre les hommes et des machines dans des situations d’apprentissage. Cette recherche s’appuie sur d’autres disciplines avec lesquelles elle partage des objets et des méthodes d’expérimentation. Du point de vue des sciences humaines, la recherche en EIAH se focalise plutôt sur les processus d’apprentissage humain dans des situations de communication entre des hommes et des machines. Cette recherche s’appuie sur des dispositifs techniques qui fournissent aux chercheurs à la fois des instruments d’expérimentation et des outils pour une «!ingénierie des situations d’apprentissage!». Ainsi, les équipes de recherche se constituent aussi bien d’informaticiens, que de didacticiens, de linguistes ou de psychologues. Les travaux menés permettent le développement de prototypes informatisés mais également une observation de l’usage des EIAH et des scénarios d’apprentissage qui en découlent.

En France, la recherche en EIAH s’organise autour de cette pluridisciplinarité, tant au niveau de l’informatique, qu’au niveau des sciences de l’homme et de la société. En effet, le département Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication (STIC) du CNRS a créé une quarantaine de Réseaux Thématiques Pluridisciplinaires. Parmi eux, le RTP39 «!Apprentissage, Education et Formation!» a été mis en place, précisément pour s’intéresser aux questions soulevées par la conception, la réalisation et l’évaluation des EIAH. Selon le texte d’orientation de ce réseau, disponible sur le site du RTP39 [RTP39 -http], l’enjeu est de «!donner à ces recherches des fondements qui apportent les moyens d’un travail scientifique commun dans le champ partagé des EIAH (enjeux pluridisciplinaires), mais préserver cependant la diversité des problématiques (enjeux disciplinaires)!». Ce réseau regroupe la plupart des équipes françaises qui travaillent dans le domaine.

Une thématique de recherche en EIAH vise, en particulier, l’élaboration d’outils supports d’apprentissage collectif. Ces outils visent principalement à définir et à expérimenter des environnements d’apprentissage de groupe autour d’activités collectives. La distinction n’étant pas toujours faite entre coopération et collaboration, ces systèmes peuvent être regroupés sous le terme d’Environnement Interactif d’Apprentissage Coopérant (EIAC). En anglais, le sigle CSCL (Computer Supported Collaborative Learning) est le plus utilisé [CSCL - http]. Ces systèmes se fondent sur le principe éducatif de l’apprentissage collaboratif/coopératif. Selon Johnson et Johnson, «!l’apprentissage coopératif existe dès que des étudiants travaillent ensemble pour accomplir des objectifs d’apprentissage communs!» [Johnson et al., 2000]. Les expérimentations menées dans ce domaine visent alors à répondre à la question!: «!Est-ce que l’apprentissage collaboratif est plus efficace qu’apprendre seul!?!» [Dillenbourg et al., 1996]. Ainsi, les EIAC offrent des fonctionnalités «!informatiques!» d’interaction permettant à des groupes d’apprendre ensemble. La plupart de ces systèmes canalisent des interactions entre apprenants, en proposant aux groupes des activités communes de résolution de problèmes. Les connaissances à acquérir sont des connaissances en construction et le public visé est bien souvent constitué d’apprenants en formation initiale. On peut citer en exemple le système SPLACH [George, Leroux, 2001], dédié à l’apprentissage à distance et par projet dans le domaine de la robotique, ou encore les systèmes développés par l’équipe de M. Baker, dans le cadre de l’apprentissage coopératif des sciences⁵ [Baker et al., 1999].

Le paragraphe suivant détaille en particulier ces recherches sur les interactions entre apprenants dans les EIAH.