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Chapitre 3. Méthodologie de recherche et domaine d’étude

3. Méthodologie d’analyse des corpus ordinaires et forcés dans le cadre théorique de la

3.3 Principes d’analyse des pratiques enseignantes de mise en texte

La description des séquences et l’analyse des écrits produits vont nous permettre, dans un premier temps, de modéliser les pratiques enseignantes en jeu dans la mise en texte du savoir dans le domaine du magmatisme. Cette modélisation vise à mieux comprendre le mode de fonctionnement de l’enseignante révélé à travers l’étude des écrits. Elle sera possible grâce à des outils empruntés à la théorie à des outils empruntés à la théorie anthropologique du didactique de Chevallard (1992, 1996, 1997, 1998). Toutefois, la description des techniques enseignantes de mise en texte ne suffit pas à elle seule car les savoirs ne peuvent se réduire aux seuls textes écrits. Il est donc nécessaire, dans un deuxième temps, d’étudier les activités « en situation » de mise en texte de l’enseignante en interaction avec les élèves ayant conduit à l’élaboration des écrits. Nous cherchons à étudier ce qui se joue dans l’activité du point de vue des savoirs, de la problématisation et des pratiques de mise en texte. Cette analyse se fera selon une perspective de problématisation (Fabre 1999 ; Orange, 2000) combinée à une perspective de didactique professionnelle (Pastré, Mayen & Vergnaud, 2006). En effet, « l’analyse des apprentissages ne

peut pas être séparée de l’analyse de l’activité des acteurs » (ibid., p.145). Ce deuxième niveau

d’analyse apportera des éléments qui confirment ou infirment les hypothèses sur les pratiques de mise en texte des enseignants déduites à partir de l’analyse des textes. De plus, il apportera des informations complémentaires sur l’organisation de l’activité de ces enseignants. Ces informations seront étayées par l’analyse des entretiens d’autoconfrontation menés avec les enseignants.

3.3.1 Modélisation praxéologique des pratiques enseignantes de mise en texte et apports de la théorie anthropologique du didactique

Nous nous intéressons particulièrement à la notion de praxéologie ou d’organisation praxéologique telle qu’elle est définie dans la théorie anthropologique du didactique de Chevallard (1996, 1998). Cette notion, introduite en didactique des mathématiques, s’intéresse à la façon dont un être humain, au sein d’une institution, résout une tâche donnée. Elle vise à analyser toute action humaine en termes de bloc pratico-technique (savoir-faire), et de bloc technologico-théorique (savoir). « En toute institution, l’activité des personnes occupant une

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position donnée se décline en différents types de tâches T, accomplis au moyen d’une certaine manière de faire, ou technique, t. Le couple [T/t] constitue, par définition, un savoir-faire. Mais un tel savoir-faire ne saurait vivre à l’état isolé : il appelle un environnement technologico- théorique [q/Q], ou savoir (au sens restreint), formé d’une technologie, q, « discours » rationnel (logos) censé justifier et rendre intelligible la technique (tekhnê), et à son tour justifié et éclairé par une théorie, Q, généralement évanouissante » (Chevallard, 1997, p.37). De plus, une théorie

peut justifier un ensemble de technologies dont chacune à son tour justifie et rend intelligibles plusieurs techniques correspondant à autant de types de tâches (Chevallard, 1996). A partir de ces définitions, Bosch et Chevallard (1999) considèrent qu’une organisation praxéologique ou praxéologie est formée du complexe de techniques, de technologies et de théories qui permettent d’accomplir un type de tâches. Le schéma technique/technologie/théorie vaut pour toutes les activités humaines (Chevallard, 1996). Par ailleurs, « ce qui à un moment donné ou dans une

institution donnée, apparaît comme la justification d’une certaine technique, peut aussi être considéré, ailleurs ou à un autre moment, comme une tâche en elle-même (la tâche consistant à justifier une technique), qui suppose la mise en œuvre d’une technique particulière et l’élaboration d’un environnement technologico-théorique adéquat » (Bosch & Chevallard, 1999,

p.84). De plus, une technique « a toujours une portée limitée- elle ne réussit que sur certaines

des tâches t d’un type T donné » Chevallard (1996, p.5). Ainsi, le couple

technique/technologie/théorie doit toujours être référé au type de tâches que l’on prend en considération.

Bosch et Chevallard (1999, p.92) notent également que « la mise en œuvre d’une technique se

traduit par une manipulation d’ostensifs réglée par des non-ostensifs ». Les ostensifs

représentent la partie « matérielle » de l’activité qui se donne à voir lors de la réalisation de la tâchecomme les mots, discours, écritures, symboles, graphismes et gestes. Quant aux objets non ostensifs, ils constituent les concepts, les idées, les notions, etc. Les ostensifs constituent les ingrédients des tâches, techniques, technologies et théories.

Mais quel est le véritable intérêt de cette théorie pour notre recherche ? Elle nous aide à comprendre comment les textes ont été construits, à décrire la mise en texte et à modéliser les pratiques en jeu. Nous utilisons certains éléments de ce cadre théorique, en dehors de leur champ d’origine, comme principaux instruments pour analyser nos recueils de données. La mise en texte relève d’un type de tâche enseignant dont l’accomplissement appelle des techniques particulières que notre étude se propose de décrire pour chacun des cas étudiés. Les données dont nous disposons à partir des analyses des textes et de notre recueil de données

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permettent de décrire l’environnement pratico-technique, c'est-à-dire le savoir-faire de mise en texte mis en place par les enseignants et d’avoir accès aux technologies faisant partie de l’environnement technologico-théorique. Le savoir-faire de mise en texte sera caractérisé puis comparé pour les situations ordinaires et forcées. Pour identifier les techniques de mise en texte enseignantes, il s’agit précisément de repérer les tâches de la classe, les ostensifs produits par ces tâches ou utilisés par d’autres tâches. Cela nous fera accéder aux technologies justifiant ces techniques.

Cependant, pour analyser les pratiques de mise en texte des savoirs, les outils empruntés de la théorie anthropologique du didactique de Chevallard (1996) ne suffisent pas à eux seuls et il est nécessaire de ne pas se limiter aux modélisations praxéologiques. C’est ainsi que nous passons à l’étude de l’activité en situation dans une perspective de problématisation et de didactique professionnelle.

3.3.2 Analyse de l’activité de mise en texte en situation dans une perspective de problématisation et de didactique professionnelle

L’étape suivant la modélisation praxéologique des pratiques de mise en texte consiste à étudier l’activité en situation. Nous repérons, pour chaque séquence, les phases de travail à analyser (débat scientifique, documentation scientifique, etc.) au vu de leur rôle dans la mise en texte et le passage d’un texte à l’autre. A ce stade, ce sont les discussions disponibles via les enregistrements et les transcriptions effectuées qui constituent les supports des analyses. Nous cherchons à travers cette étude à avoir des éléments de réponses aux questions suivantes :

- qui des élèves ou de l’enseignant construit les différents textes et comment ? ;

- quel lien existe-t-il entre l’activité en situation et les textes produits ? en quoi cette activité participe-t-elle dans la construction des textes ? ;

- retrouve-t-on des traces de la problématisation lors de la mise en texte orale ? et comment cette problématisation évolue-t-elle avec l’avancée de la séquence ?

Après avoir déterminé les phases d’échanges à exploiter, nous reprenons les séances dans leur ordre de déroulement afin de mieux de comprendre comment les textes ont été construits. Cette analyse se fait selon une perspective de problématisation combinée à une perspective de didactique professionnelle.

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- Dans une optique de problématisation, nous nous centrons sur les savoirs discutés et construits lors des phases étudiées. Pour les débats scientifiques, nous construisons les macrostructures qui donnent à voir un résumé général de ces moments et de leur dynamique (Fabre & Orange, 1997 ; Fabre, 1999). La macrostructure d’un débat représente « un espace qui

n’est ni strictement chronologique, ni strictement logique, mais qui s’efforce de rendre compte du développement de l’argumentation » (Fabre, 1999, p. 201). C’est une construction avec des

propositions de type question/réponse qui permet de repérer les problèmes et les controverses abordées. Ceci nous fournira des repères pour étudier l’activité de problématisation. Puis, nous analysons les interactions entre l’enseignant et les élèves, les argumentations et les raisonnements mobilisés par les élèves en activité pour identifier d’éventuelles traces de construction des nécessités.

Le rôle de l’enseignant dans l’avancée des débats et dans la gestion du processus de problématisation en interaction avec les élèves le long des phases d’échanges sera abordé ainsi que les difficultés rencontrées. L’analyse des productions langagières des élèves et des enseignants permet de caractériser les savoirs construits dans la classe ainsi que leur mode de construction. Ceci nous permet de voir si la problématisation se fait et de suivre ses traces dans la séquence en relation avec les écrits produits.

- Dans une optique de didactique professionnelle, l’activité de l’enseignante en interaction avec les élèves sera étudiée à partir de l’analyse de son observation et de ce que cet acteur dit de son activité. « La didactique professionnelle a pour but d'analyser le travail en vue de la formation

des compétences professionnelles. […]. Son hypothèse : l'activité humaine est organisée sous forme de schèmes, dont le noyau central est constitué de concepts pragmatiques » (Pastré,

Mayen & Vergnaud, 2006, p.145). Elle s’appuie ainsi sur la théorie de conceptualisation dans l’action d’inspiration piagétienne et développée par Vergnaud (1990, 1995). Par définition, un schème est une totalité dynamique fonctionnelle et une organisation invariante de l’activité pour une classe donnée de situations (Vergnaud, 1996). C’est la dimension conceptuelle présente au cœur de l’activité qui rend cette dernière analysable. Nous considérons, à la suite de la didactique professionnelle, que même si l’activité enseignante donne à voir une grande variabilité des pratiques, « il y a néanmoins une part d’invariance dans cette activité » et c’est ce qui est désigné par le terme « d’organisateur » (Pastré, 2007, p.82). Analyser l’activité de mise en texte des enseignants en interaction avec les élèves consiste à « repérer des concepts pragmatiques qui

sont de véritables organisateurs de l’action, en ce sens qu’ils permettent aux acteurs de faire un diagnostic de la situation dans laquelle ils se trouvent » (Pastré, 2002, p.9). Dans cette

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recherche, nous cherchons à mettre à jour les concepts pragmatiques mobilisés par les enseignants pour agir en situation de mise en texte. Rendre compte de ces concepts sera utile pour comprendre ce qui organise l’activité et le choix de mise en texte des enseignants.

Ces analyses seront étayées par l’étude de la transcription des entretiens d’autoconfrontation auxquels se sont livrées les enseignantes pour commenter et expliciter leurs pratiques lors des débats portant sur les modèles explicatifs des élèves. Les entretiens d’autoconfrontation seront catégorisés en fonction des thématiques abordées par l’enseignante. Les commentaires des enseignantes, leurs justifications, leurs explications sur le déroulement des situations de débat serviront pour identifier les concepts organisateurs de leur activité. En effet, les enseignants « exposés à l’image de leur propre travail, mettent d’abord en mots, à l’usage du partenaire-

spectateur, ce qu’ils pensent en être les constantes » (Clot & Faïta, 2000, p.26). Ainsi, notre

analyse s’appuie sur des données issues des analyses externes et des entretiens d’autoconfrontation.

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