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Chapitre 2. Etude épistémologique et historique du magmatisme dans le cadre de la

3. L’explication du magmatisme dans l’histoire des sciences de la Terre

3.1 De l’explication locale à l’explication centrale magmatique

3.1.2 Continuités et ruptures dans les explications de Buffon

Buffon (1778) change de position et prétend que les « montagnes n’ont pas été composées par

les eaux, mais produites par le feu primitif, et qu’elles sont aussi anciennes que le temps de la consolidation du globe » (ibid., p.535). Les montagnes ont ainsi une origine ignée : elles sont

composées de matières comparables à celles de l’intérieur du globe et résultent du feu primitif. L’action de l’eau est cette fois-ci ultérieure à celle de feu : elle agit en surface en déposant des coquillages et des matières arrachées en couches d’argiles et matières calcaires qui composent les collines et enveloppent les montagnes. Les roches n’ont plus une origine aqueuse, elles proviennent du refroidissement de la matière fondue constituant le globe lors de la première époque de la formation de la Terre. En effet, la conception de l’histoire du globe terrestre de Buffon (1778) 33 stipule que celui-ci a été fluide au moment de sa formation comme en témoigne le renflement de son équateur et l’aplatissement de ses pôles. Cette fluidité est la conséquence du feu et le globe garde toujours le reste de l’état de fusion en disposant, dans ses profondeurs, d’une chaleur intérieure. Même si Buffon rend cet état de fusion à l’origine de la formation des roches, les phénomènes volcaniques gardent toujours une explication locale justifiée par la mise à feu des matières combustibles qui existent déjà dans le volcan (figure 9). Pour lui, les éruptions volcaniques commencent avec le retrait de l’eau de la surface lors de la 4ème

époque de la formation de la Terre, à une période qui connaît le refroidissement de la surface. Le retrait de l’eau est une étape nécessaire pour la production d’une quelconque éruption car l’eau éteindrait le feu qui s’allume « par l’effervescence des matières pyriteuses et combustibles » (Buffon, 1778, p.134). Il n’empêche que les matières combustibles ont besoin quand même d’une quantité déterminée d’eau pour entrer en effervescence, « […] et ce n’est ensuite que par le choc d’un

33 Buffon (1778) résume l’histoire de la Terre en sept époques. Après la fusion du globe terrestre (1ère époque), la

matière s’est consolidée suite au refroidissement et a formé les roches intérieures ainsi que les masses de la surface (2ème époque). Par la suite, il a suffit que la température de la surface baisse pour que les eaux, jusque là, à l’état de vapeur se condensent et couvrent les continents (3ème époque). Ces eaux se retirent à la 4ème époque où les volcans commencent à agir. Au cours de la 5ème époque, les éléphants et autres animaux vont habiter les terres du nord. La séparation des continents se fait pendant la 6ème époque suivie d’une dernière époque (la 7ème) où la puissance de l’homme a secondé celle de la nature.

69 Formation des roches Action du feu Structure de la Terre Le globe possède une chaleur intérieure

Phénomènes volcaniques  La fermentation des pyrites provoque la mise à feu des matières combustibles présentes dans le volcan  Phénomènes superficiels et locaux

grand volume de feu contre un grand volume d’eau que peuvent se produire leurs violentes éruptions » (ibid.). C’est pour cela que les volcans en action se situent près des côtes de la mer

ou sur les îles et ceux qui sont éteints se situent dans les terres, loin de l’eau.

Buffon (1778) garde son explication des phénomènes volcaniques comme produits de la combustion des matières inflammables. Ce sont des phénomènes superficiels, distincts de la chaleur interne. Cependant, les roches qui étaient le produit de l’eau sont maintenant le résultat du refroidissement d’une matière fondue remontant de l’intérieur du globe à travers l’écorce terrestre. L’histoire du globe de Buffon est orientée de la fusion initiale vers le refroidissement complet. Il n’y a guère de liaison entre la chaleur intérieure et les phénomènes volcaniques (figure 9).

Figure 9. La chaleur interne explique la formation des roches tandis que les phénomènes volcaniques sont expliqués séparément par Buffon (1778).

Les premières explications buffoniennes, conférant aux roches une origine aqueuse, peuvent être qualifiées de neptunistes alors que les secondes, qui évoquent une origine ignée de plutonistes. Ces deux thèses neptunistes (ou vulcanistes34) et plutonistes vont se confronter avec force au cours du XVIIIe siècle et du début XIXe siècle et marquer les controverses, les débats et les querelles de l’époque.Avant de se pencher en détail sur les caractéristiques du modèle centraldu

34 Lorsqu’il s’agit d’évoquer une origine volcanique des basaltes, on parle de vulcanisme. « Le plutonisme est une conception différente, soutenue par Hutton […] qui attribue une origine ignée au granite et non seulement au basalte » (Gohau, 1990, p.104).

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magmatisme, nous nous attardons, dans le paragraphe suivant, sur les querelles qui ont animé les débats liés au problème de la formation des roches crustales. Ces querelles ont préparé le chemin à l’édification du modèle central et ont joué un rôle capital dans le passage d’une explication locale du magmatisme à une autre centrale. L’émergence des thèses neptunistes et plutonistes témoigne de la préoccupation capitale des scientifiques de l’époque à expliquer la formation des roches de la croûte terrestre dont la diversité n’a pas cessé de surprendre35. Comment ces roches se sont-elles formées ? Et quelle est leur véritable origine ? Des questions qui ont été, parmi tant d’autres, au cœur des controverses occupant les scientifiques de l’époque.

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