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Nous avons rep´er´e quatre principes d’action consensuels dans la litt´erature. Ces principes peuvent ˆetre traduits par quatre notions : «multidiscplinarit´e», «connaissance de la situation `

a changer», «communication» et «souplesse».

• Multidisciplinarit´e

Nous l’avons compris, les auteurs s’accordent pour comprendre l’organisation comme un syst`eme multidimensionnel mˆeme si les dimensions pr´ecis´ement recens´ees varient (syst`emes technique et humain, structure et culture, etc.). Ils s’accordent aussi pour en d´eduire que seule une vision globale de l’entreprise, c’est-`a-dire qui combine des points de vue sur chacun de ses aspects, est pertinente (voir le «principe de globalit´e» de Grouard et Meston (1993)46). La n´ecessit´e de traiter conjointement et simultan´ement les diff´erents points de vue est ´egalement consensuelle (documents internes SNCF), (Crozier et Friedberg 1977),47 (Barel 2000), etc. Enfin, plus concr`etement encore, cette id´ee d´ebouche sur la recommandation d’une multi- disciplinarit´e des ´equipes projet (les sciences humaines doivent ˆetre repr´esent´ees au cˆot´e des sciences techniques), et ce quelle que soit la modalit´e de cette repr´esentation (les points de vue varient par exemple pour savoir si la multidisciplinarit´e doit se faire au niveau de l’´equipe ou des personnes).

• Connaissance de la situation `a changer

Sch´ematiquement, les ´ecrits th´eoriques fondateurs de la conduite du changement ont pour objectif global d’expliquer de quoi d´epend l’appropriation du changement, qu’il s’agisse d’in- sister sur le rˆole de la nature du syst`eme chang´e (r`egles du jeu, culture, identit´es), ou encore des acteurs (processus psychologique d’acceptation du changement, int´erˆets, attentes, peurs, etc.). Or, la le¸con g´en´erale enseign´ee au lecteur `a travers cette description des facteurs d’ap- propriation du changement est qu’une «bonne» conduite du changement d´epend enti`erement de la connaissance des caract´eristiques, universelles ou sp´ecifiques, de la situation `a changer. Quelques auteurs formulent tr`es clairement cette id´ee (Terssac Non Dat´e), (Cl´ery-Bernard 2003), (Crozier et Friedberg 1977) :

46(Grouard et Meston 1993), p.42. 47

4 Synth`ese des discours 57

«La connaissance de la r´ealit´e du fonctionnement des syst`emes en cause est fondamen- tale. Elle constitue, en fait, la premi`ere rupture possible du cercle. (...) Le changement n’a de sens que par rapport au syst`eme qu’il met en question (...).» (Crozier et Friedberg 1977), pp. 406-407.

• Communication

Par ailleurs, les auteurs insistent unanimement sur l’importance de la communication. Car un changement n’est viable que s’il est port´e par un ensemble d’acteurs suffisamment solide et coh´erent. C’est en effet un autre consensus : tous les acteurs impact´es par le changement ont un rˆole dans la r´eussite de sa mise en œuvre (Latour 1993), (Akrich et al. 1988), (Crozier et Friedberg 1977), «principe d’universalit´e» de (Grouard et Meston 1993), etc. En ce sens, la conduite du changement est avant tout une affaire de relations entre divers acteurs qui doivent, d’une fa¸con ou d’une autre, se mettre d’accord sur la pertinence d’un engagement commun vers une nouvelle situation. Or, pour se mettre en relation, les acteurs doivent com- muniquer. Trois types de communication existent, qui sont plus ou moins privil´egi´es selon les auteurs, mais toujours consid´er´es comme devant faire l’objet d’un grand soin. Il s’agit de la communication descendante, de la communication ascendante, et de la communication horizontale.

La communication descendante, d’abord, concerne la transmission d’informations par la hi´erarchie aux destinataires du changement. Evidemment, son rˆole est fondamental dans le processus d’appropriation du changement dans le sens o`u elle d´etermine une grande partie de la repr´esentation que les destinataires vont se faire du changement. Ainsi, comme le souligne Virgili (2002), la communication a non seulement un rˆole de «mise en relation», mais aussi de «mise en signification». Grouard et Meston (1993) recommandent par exemple aux pilotes du changement d’´elaborer et communiquer une «vision» du changement qui ´enonce clairement et simplement le probl`eme `a la source du changement, la nouvelle situation attendue, et enfin, les moyens d’y arriver. L’objectif ´etant de fournir aux diff´erents acteurs `a la fois des rep`eres et un lien, un support de communication. Les op´erations d’ «int´eressement» et de «traduction» recommand´ees par la sociologie de l’innovation peuvent ´egalement ˆetre interpr´et´ees comme des recommandations au sujet de la communication descendante 48 : un effort maximal doit ˆetre fait par les responsables d’un projet pour trouver les mots qui traduisent le changement dans le langage du destinataire et le positionnent dans son champ d’int´erˆets. Enfin, Terssac (Non Dat´e) et Cl´ery-Bernard (2003) encouragent la communication descendante de la SNCF `

a davantage de transparence.

La communication ascendante, concerne `a l’inverse l’´ecoute du «terrain» par les d´ecideurs. Cette ´ecoute est prˆon´ee non seulement parce que la connaissance de la situation `a changer, et donc des besoins, pratiques, difficult´es ou encore pr´eoccupations des personnes qui feront concr`etement vivre le changement, est primordiale (voir les «groupes miroirs» mis en place `

a la SNCF pour valider les d´ecisions par les utilisateurs) mais aussi parce que l’´ecoute des destinataires les aide `a s’approprier le changement en leur permettant d’exprimer leurs in- qui´etudes (Kubler-Ross 1969), (Terssac Non Dat´e), etc.

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La communication horizontale, enfin, concerne la collaboration entre les acteurs co- construisant le changement, que ce soit au sein mˆeme de l’´equipe projet ou entre pilotes et destinataires du changement. Que le travail de co-construction avec les utilisateurs soit formalis´e `a travers des d´emarches participatives concr´etis´ees par des «groupes de travail» ou des «groupes semi-autonomes» (Liu 1983) ou simplement observ´e et utilis´e comme levier (relations de pouvoir (Crozier et Friedberg 1977), r´egulation autonome (Reynaud 2003), phase naturelle de n´egociation dans le processus de deuil (Kubler-Ross 1969), etc.), il est toujours mis en valeur par les auteurs.

• Souplesse

Enfin, la plupart des auteurs insistent sur l’impossibilit´e d’une maˆıtrise absolue du d´eroulement des ´ev´enements li´ee `a la complexit´e de tout projet (Latour 1993),(Grouard et Meston 1993)49 et `a l’autonomie des destinataires (Reynaud 2003), (Terssac 2003) , (Crozier et Friedberg 1977). La traduction concr`ete de cette id´ee est de deux ordres :

– Concernant la dimension temporelle ou gestion du processus, d’abord, l’impossibilit´e d’une maˆıtrise absolue se traduit par la recommandation d’une d´emarche it´erative, dans laquelle les choix ne sont pas d’embl´ee d´efinitifs (d´emarche socio-technique50), (D’Herbemont et C´esar 1999)51, (AEGIST 1996). Par ailleurs, la difficult´e d’une bonne gestion du processus, `

a la fois rigoureuse et souple, est soulign´ee (Jost 2000) et des outils sont d´evelopp´es en cons´equence (D’Herbemont et C´esar 1999).52

– En termes de comp´etences g´en´erales ensuite, on aboutit `a l’id´ee selon laquelle «confront´e au changement, il faut renoncer `a la toute-puissance et ˆetre prˆet `a ´ecouter, `a observer, `a se remettre en cause et `a s’adapter ; le pragmatisme est requis» (Grouard et Meston 1993).53