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Le transit-oriented development (TOD) est un principe d’aménagement développé aux États-Unis dans les années 1990. Le TOD a été porté par Peter Calthorpe, un architecte-urbaniste et un des fondateurs du Nouvel urbanisme, qui a contribué à sa construction théorique18.

Le concept part du constat suivant : seuls les transports collectifs en site propre (TCSP) comme

le train, le métro ou le tramway sont identifiés comme des alternatives crédibles par la population, au contraire des bus « classiques ». Il s’agit donc de prôner, autour des pôles de

transports collectifs, un développement de noyaux urbains caractérisés par une mixité

fonctionnelle, une forte densité et une haute qualité d’aménagement des espaces publics

(Meunier-Chabert, 2015, p. 56). En d’autres termes, le TOD vise à assurer une cohérence urbanisme-transport-écologie dans le but de lutter contre l’étalement urbain. C’est un modèle qui cherche à concilier la fonction urbaine et la fonction transport des pôles d’échanges. Ce retour au « village urbain », au smart growth, remet l’être humain au centre des préoccupations des planificateurs, ainsi qu’au centre des préoccupations de nouvelles formes urbaines. La méthode TOD vise à transformer des quartiers en de nouveaux pôles d’attractivité. À cette fin, la question

foncière et immobilière constitue l’un des moteurs de la relation urbanisme-transport.

Le TOD fait intervenir deux grands types d’acteurs : les opérateurs de transport (collectif) et les collectivités locales. Néanmoins, les acteurs privés à la recherche de terrains à valoriser ainsi que les associations locales désirant faire valoir les intérêts de la population ont aussi leur rôle à jouer. Au contraire de la démarche du contrat d’axe, le TOD ne repose pas sur des engagements

d’amélioration de l’offre par l’opérateur de transport. En effet, l’approche TOD a, au départ, été

développée dans le but de rentabiliser les investissements dans les grandes infrastructures de transport en commun qui ne parvenaient pas à attirer une clientèle suffisante. Cette non-obligation

d’engagement dans l’amélioration de l’offre explique d’ailleurs en partie l’échec de certains projets de TOD, qui restent des projets fortement ponctuels.

Malgré tout, il est admis que l’urbanisme TOD se construit autour de plusieurs grands principes, à l‘échelle du quartier (Meunier-Chabert, 2015) :

● Étude de l’urbanisation dans un rayon maximal de 800 m autour d’une station de

transport en commun, ce qui constitue une distance raisonnable pour le piéton ;

● Règle des quatre D19 : distance, densité, diversité, design ;

○ Densité urbaine (logements, emplois, activités, etc.) avec une hiérarchisation des fonctions (les plus denses autour de la station de transport en commun) ;

○ Mixité fonctionnelle (logements, commerces, activités économiques, équipements communautaires, espaces publics, etc.) selon le principe de la « ville des courtes

distances » ;

○ Diversité des typologies de logements et de commerces : ce qui renforce l’attractivité de la centralité et permet une certaine mixité sociale ;

○ Qualité des espaces publics : ce qui constitue une forme de compensation à la densification exigée ;

● Cheminements agréables pour les modes doux, ce qui favorise l’usage des modes alternatifs à la voiture sans en empêcher son utilisation ;

● Modèle radioconcentrique autour de la station de transport en commun : cœur commerçant, puis les bureaux, les espaces publics et les logements ;

● Implication de la communauté et de ses différents acteurs dans les processus de décision concernant les différents aspects du TOD.

19 Philosophie inspirée du smarth growth et du nouvel urbanisme. L’urbanisme TOD se rattache donc à la notion d’intensification urbaine puisqu’il mêle à la fois densité, mixité et qualité.

Figure 9 : Définition du TOD : “Mixed-use communit[ies] within an average 2,000-foot walking

distance of a transit stop and a core commercial area. TODs mix residential, retail, office, open space, and public uses in a walkable environment, making it convenient for residents and employees

to tRAVeL by transit, bicycle, foot or car”.20

L’urbanisme TOD offre pour avantage de profiter à de nombreuses politiques sectorielles. La capacité de la méthode TOD de répondre à un large panel de préoccupations des décideurs publics peut expliquer son succès à travers le monde (Meunier-Chabert, 2015). Ci-dessous, pour chaque politique sectorielle, sont listés les avantages qu’offre l’urbanisme TOD :

● Transports : diminution de l’usage de l’automobile, de la congestion routière, de la pollution atmosphérique et de la production de gaz à effet de serre ;

● Transports collectifs : amélioration de la rentabilité des infrastructures de transports collectifs et des services offerts par l’opérateur de transport ;

● Qualité de vie & Santé : augmentation de la qualité de vie urbaine grâce à la diminution du temps passé dans les transports motorisés et à la pacification des quartiers urbains, développement de quartiers favorables aux modes actifs pour inciter à leur usage, permettant une activité physique régulière ;

● Foncier & Immobilier : valorisation immobilière de zones où la collectivité a massivement investi en termes de transports collectifs21 ;

● Environnement & Agriculture : ralentissement de l’étalement urbain et préservation des terres agricoles et des grands espaces, protection des beautés naturelles menacées ; ● Inclusion sociale : offre de logements diversifiés et amélioration de l’accessibilité aux

emplois pour les revenus modestes ;

20 Peter Calthorpe, The next American metropolis, New York, Princeton Architectural Press, 1993, p. 56. 21 L’urbanisme TOD peut néanmoins, a contrario, provoquer un effet pervers d’augmentation des valeurs foncières avec un risque de mise en place de phénomènes de gentrification ou d’éviction des activités et habitants initiaux.

● Consommation des ménages : diminution du budget des ménages consacré aux transports quittant un milieu périurbain, dépendant de l’automobile.

D’une manière générale, les opérations TOD sont très diverses selon les acteurs associés et leurs stratégies respectives (Meunier-Chabert, 2015), et selon le type d’opération immobilière : il s’agit autant d’opérations d’extension urbaine que d’opérations de recyclage d’anciennes friches sur des superficies très variables. La place de la voiture n’est en outre pas tranchée dans les opérations de TOD. Par ailleurs, Les méthodes de financement sont tout aussi variées (subsides, exonérations fiscales, périmètres de discrimination positive, investissements privés, etc.).

Parmi celles-ci, évoquons deux dispositifs fiscaux développés aux États-Unis : le Benefit- Assessment Financing (BAF) et le Tax Increment Financing (TIF). Le BAF repose sur le principe du cofinancement d’investissements profitant à la collectivité par la captation de la plus-value sur le foncier des investissements publics (pour cette question, nous renvoyons à la recherche R3 : « Systèmes d’informations foncières et politiques publiques » de la subvention de la CPDT 2015 – 2016). Il s’agit d’une taxe spécifique à un territoire défini et d’une durée limitée. Utilisée à plusieurs reprises aux États-Unis, les retours d’expériences montrent qu’il ne s’agit que d’une source de financement complémentaire vu les recettes récoltées. Par ailleurs, le projet de taxe est soumis à approbation par les propriétaires fonciers (Cervero et al., 2004). Le TIF est un dispositif qui n’implique aucune taxe supplémentaire. Le principe est de collecter l’augmentation des recettes de la taxe foncière engendrée par le projet de TOD pour le réinvestir dans un autre projet de TOD. La plus-value foncière provenant de l’investissement public est alors réinvestie ailleurs dans le territoire urbain (Meunier-Chabert, 2015). En Wallonie, ce système ne serait pas totalement efficace : en effet, les taxes foncières ne sont pas à même de tenir compte des plus-values issues de projets de type TOD. À tissu urbain inchangé, il apparaît assez difficile de capter les plus-values foncières ; la seule

possibilité d’augmenter les recettes proviendrait d’une densification autour des arrêts de transport collectif (CPDT, Recherche C6, Fiscalité et aménagement du territoire, subvention 2014-

2015).

Par ailleurs, d’un point de vue urbanistique, la difficulté réside dans les transitions entre des opérations de TOD, relativement denses, et les quartiers d’habitat diffus environnant, tant aux États- Unis qu’ailleurs. Ce phénomène apparait lorsque les projets de TOD reposent sur les opportunités foncières, plutôt que sur une stratégie territoriale globale. Les premières expériences sont d’ailleurs riches en enseignements sur les problèmes de gouvernance : les échecs mettent en évidence l’absence d’une vision territoriale de la part des collectivités territoriales qui arrivent alors en position de faiblesse vis-à-vis d’autres acteurs. L’absence de stratégie ne permet pas de canaliser l’investissement privé dans l’objectif du bon aménagement.

Concrètement, diverses organisations dans le monde recourent au concept de TOD. Au Québec

par exemple, c’est le cas de l’organisation d’intérêt public Vivre en Ville, qui œuvre à faire connaître

les principes de la ville durable auprès des collectivités québécoises. D’après Vivre en Ville, un « bon » TOD est un quartier animé, à proximité du transport public, marqué par une certaine densité, caractérisé par une certaine mixité fonctionnelle (la « ville des courtes distances ») et une mixité sociale, ainsi que par un haut niveau de qualité des espaces publics au service des modes actifs22.

22 Voir “Vivre en Ville (2013). Retisser la ville : [Ré]articuler urbanisation, densification et transport en commun, coll. « Outiller le Québec », 120 p.”

Figure 10 : Un « bon » et un « bad » TOD (Vivre en Ville, 2013).

Cependant, malgré leurs nombreux avantages et le nouveau produit immobilier urbain qu’ils créent, un certain nombre d’obstacles limitent l’expansion des projets de TOD :

● Comme cela a déjà été observé dans le cadre de la recherche 2003-2005 de la CPDT, la littérature des TOD dont celle de Meunier-Chabert ne tient pas compte du statut et du rôle

de la station de transport en commun. C’est pourtant un aspect central à prendre en

compte lors de l’application sur le terrain du modèle TOD.

● Il y a un manque de formalisation du concept de TOD et peu de standards, méthodes,

systèmes existent pour aider les acteurs d’un projet de TOD23. La réussite d’un projet dépend alors souvent de la clairvoyance exceptionnelle d’un leader ;

● Les projets TOD s’insèrent dans un cadre réglementaire fragmenté et requièrent la

participation active de nombreux acteurs qui poursuivent souvent des objectifs différents, ce qui accroît les risques en matière de complexité, d’incertitude, et de coûts ;

● Les institutions financières peinent à modifier leurs pratiques de financement pour s’adapter à ces nouveaux produits immobiliers mixtes et multiclients ;

● Des résistances surgissent à cause des changements aux pratiques qui doivent avoir lieu pour favoriser la réussite des TOD.

● Le transport lui-même ne peut stimuler le marché immobilier, celui-ci va donc devoir recevoir des incitatifs pour atteindre les objectifs de densité, de mixité de fonctions et de logements ;

● L’accroissement de la valeur des biens immobiliers a un double impact :

23 À l’inverse, le concept de “contrat d’axe” est formalisé dans un guide méthodologique destiné aux collectivités et aux opérateurs de transport.

○ Il oblige les autorités locales à intervenir pour préserver un pourcentage raisonnable de logements abordables ;

○ Il provoque le remplacement des petits commerces traditionnels par des magasins de chaînes.

En conclusion, le TOD reste pour beaucoup de collectivités et de décideurs publics et privés, un ensemble de principes théoriques dont ils peinent à savoir comment les appliquer dans leurs propres milieux. Les expériences réussies ont souvent été l’apanage d’initiatives locales. Il y a peu

de méthodes de travail, d’indicateurs testés, et d’outils d’intervention systémiques disponibles. De plus, les contextes urbains ne sont pas similaires ; ce qui signifie une nécessaire

adaptation des projets de TOD au contexte local. La taille de la ville, son caractère urbain ou rural, son histoire, sa situation, son contexte, sa localisation à un point d’origine ou de destination des déplacements, peuvent modifier les stratégies de ses pilotes et de ses promoteurs. Enfin, et comme démontré dans la recherche 2003-2005 de la CPDT, on ne peut décliner le modèle du TOD sans

tenir compte du statut et du rôle de la station de transport en commun, ce que ne fait pas la

littérature sur le TOD.

Néanmoins, l’urbanisme TOD offre malgré tout de nombreux avantages qui touchent de manière transversale une grande partie du territoire concerné et des politiques sectorielles agissant sur celui- ci. Le principe même du TOD, qui est de rationaliser l’organisation du territoire en densifiant autour des stations de transport collectif, s’inscrit pleinement dans la philosophie actuelle de l’aménagement durable et résilient. Le principe TOD est un exemple à suivre en Wallonie, où la problématique de l’étalement urbain est toujours et plus que jamais d’actualité. Par ailleurs, il contraint les différents acteurs, tant publics que privés, à la concertation, voire à la co-construction du projet.