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4.2 Interférométrie hétérodyne dédiée au fond diffus cosmologique

4.2.3 Principe théorique

Nous introduisons ici les rudiments de formalisme, communs aux interféromètres hétérodyne et bolométrique, permettant la compréhension des liens entre les observables mesurées par ces instruments et la science du CMB.

Les visibilités, observables standard de l’interférométrie

Le principe de l’interférométrie est d’utiliser la différence de marche entre deux ondes électro- magnétiques émises par la même source mais collectées par deux récepteurs différents (antennes ou cornets), afin d’obtenir une figure d’interférence en les recombinant (voir figure 4.3). On appelle ligne de basele vecteur ~u, défini comme la séparation entre les récepteurs en unités de longueur d’onde λ :

~u = d~2− ~d1

λ , (4.1)

où ~d1 et ~d2 sont les vecteurs positions des deux récepteurs. Ceux-ci observent dans la même

λ x d u n u n. nο

FIG. 4.3: Schéma de principe de l’interférométrie.

direction ~n0 sur le ciel (perpendiculaire à leur séparation) avec un lobe en terme de champ élec-

tromagnétique A(~n − ~n0) ; le lobe en terme de puissance est alors B(~n− ~n0) = |A(~n − ~n0)|2.

On suppose les lobes identiques pour les deux récepteurs. Le rayonnement E0(~n) provenant de la

direction ~n est collecté par les deux récepteurs avec une différence de phase δ = 2πντ = 2π~u · ~n. Si nous introduisons le vecteur ~x tel que ~n = ~n0+ ~x, alors δ = 2π~u· ~x. Nous noterons E1(~x, t)

et E2(~x, t) les rayonnemments collectés par les deux récepteurs à un instant t, provenant de la

direction ~n sur le ciel,

Un interféromètre (qu’il soit hétérodyne ou bolométrique) est un instrument capable d’effectuer la corrélation entre ces deux signaux. Les interféromètres hétérodynes possèdent généralement un corrélateur dit "complexe", assemblage de deux corrélateurs "réels", l’un mesurant le produit des deux voies moyenné sur un temps grand devant la période de l’onde électromagnétique, l’autre mesurant ce même produit après que la première voie ait été déphasée de 90 degrés. Le premier corrélateur mesure la quantité :

Va = Z Z

A(~x)E1(~x, t)× A(~x′)E2(~x′, t)d~xd~x′



. (4.3)

Les signaux provenant de directions différentes ne sont pas cohérents de sorte que la moyenne temporelle de leur produit est nulle :

Va = Z A(~x)E1(~x, t)× A(~x)E2(~x, t)d~x  (4.4) = Z

d~xA2(~x)E02(~x)× hsin(2πνt) sin(2πν(t − τ))i (4.5) =

Z

d~xB(~x)E20(~x)×1

2hcos(2πντ) − cos(2πν(2t − τ))i . (4.6) Le second terme a une moyenne temporelle nulle et nous pouvons donc écrire :

Va= 1 2

Z

d~xB(~x)E02(~x) cos(2π~u· ~x). (4.7) Le second corrélateur mesure de même la quantité :

Vb = 1 2

Z

d~xB(~x)E02(~x) sin(2π~u· ~x). (4.8) On définit alors l’observable standard en interférométrie, la visibilité complexe comme

V(~u) = 2(Va+ iVb) = Z

B(~x)E02(~x) exp(2iπ~u· ~x)d~x, (4.9) qui n’est rien d’autre que la transformée de Fourier de la puissance provenant du champ observé. Cette relation est connue sous le nom de théorème de Van Cittert-Zernicke [185]. Un interféro- mètre mesure donc directement les modes de Fourier du ciel observé, la fréquence spatiale du mode étant donné par la séparation entre deux récepteurs. Le ciel observé est défini ici comme le ciel réel multiplié par le lobe décrivant le champ de vue des récepteurs.

Dans le cas d’un interféromètre de Fizeau ou de Michelson, le module de cette visibilité com- plexe correspond donc à l’amplitude, i.e. à la "visibilité" du constraste des franges imagées au plan focal ; de là l’origine du terme (on comprend également que, pour une source de brillance uniforme comme une étoile, cette visibilité soit fonction du diamètre de la source).

Théorème de convolution

Si le champ observé est suffisament petit (typiquement moins d’une dizaine de degrés carrés), l’approximation de ciel plats’applique et les visibilités peuvent être réécrites comme le produit de

convolution des transformées de Fourier du champ I(~n) = E(~n)E⋆(~n) et du lobe B(~n), VI(~u) = Z B(~n)I(~n) exp(2iπ~u· ~n)d~n (4.10) = Z ˜ B(~u− ~v) ˜I(~v)d~v (4.11)

où ˜I désigne la transformée de Fourier du champ et ˜B celle du lobe.

Le lobe primaire régit donc la couverture sur le ciel dans l’espace direct et la résolution de l’instrument dans l’espace des visibilités (cf. chapitre 8).

Visibilités polarisées

Si les récepteurs permettent de différencier les deux polarisations transverses, un interféromètre peut naturellement mesurer la polarisation du champ observé en terme de paramètres de Stokes. Le corrélateur requis dans le cas de l’interférométrie hétérodyne est alors un peu plus complexe d’un point de vue instrumental. On définit les quatre visibilités de Stokes comme :

VX(~u) = Z B(~n)X(~n) exp(2iπ~u· ~n)d~n (4.12) = Z ˜ B(~u− ~v) ˜X(~v)d~v (4.13)

où X = {I, Q, U, V } indexe le paramètre de Stokes. Lignes de base et plan uv

Dans un instrument possédant N récepteurs (antennes ou cornets dans le domaine millimé- trique), toutes les corrélations possibles sont généralement formées. Les Nb = N (N−1)/2 lignes

de base, définissent Nbvisibilités ; autrement dit, l’instrument mesure à chaque instant Nbmodes

de la transformée de Fourier du ciel observé. Si les récepteurs sont coplanaires, on peut définir un plan vectoriel dit plan uv, auxquels appartiennent les lignes de base définies, rappelons le, comme la séparation entre les récepteurs en unités de longueur d’onde,

~uij =

~ dj − ~di

λ (4.14)

où ~diet ~djdonnent la position des cornets i et j, et λ est la longueur d’onde à laquelle opère l’ins-

trument. La figure 5.4 montre par exemple la distribution des lignes de base pour une configuration de récepteurs en grille carrée.

La synthèse d’ouverture

Lorsqu’un interféromètre a mesuré suffisamment de points dans le plan uv, la transformée de Fourier "spatiale" inverse des visibilités permet de reconstruire une image du ciel : ce procédé est connu sous le nom de synthèse d’ouverture. Dans de nombreux cas, il est possible d’obtenir de très

bonnes images, même à partir d’un recouvrement incomplet du plan uv, grâce à des algorithmes de déconvolution non-linéaires (voir chapitre 10).

Notons au passage que Martin Ryle et Antony Hewish ont conjointement obtenu le prix Nobel de physique en 1974, « pour leurs recherches novatrices en radio-astronomie physique », et plus particulièrement dans le cas de Ryle, « pour ses observations et inventions, en particulier dans la technique de synthèse d’ouverture ».

Les techniques de synthèse d’ouverture constituent à elles seules un vaste champ de recherche actif. Nous n’avons pas eu l’occasion d’approfondir ce sujet durant cette thèse, pour deux raisons, la première étant que notre problème prioritaire était l’étude conceptuelle de l’instrument, la mise en place de son architecture et l’estimation de sa sensibilité, la seconde étant que le principal objectif d’une expérience dédiée au mode B de polarisation du CMB est l’estimation des spectres de puissance angulaire (et non des cartes donc, même s’il est possible, si l’on cherche à reconstruire celles-ci, de s’appuyer sur toutes les techniques existantes de synthèse d’ouverture).

Estimation des spectres de puissance angulaire

Ces spectres de puissance angulaire peuvent en effet être directement estimés à partir des visibi- lités sans passer par une étape de création de carte, puisque comme nous l’avons vu, les visibilités ne sont rien d’autre que les modes de Fourier du champ observé. Il est possible de montrer, que dans l’approximation plane, les multipôles sont reliés à la norme des lignes de base par

ℓ = 2π|~u|. (4.15)

Nous verrons au chapitre 8 qu’un estimateur non biaisé simple du spectre de puissance est donné, à chaque multipôle, par la variance des visibilités définies pour les lignes de base correspondantes,

Cℓ= 2 Ω× 1 N6=(ℓ) N6=(ℓ)−1X i=0 (V(~ui)V⋆(~ui)− Nii), (4.16)

où N6=(ℓ) est le nombre de visibilités de différentes directions mais de même norme|~u| = ℓ/(2π), où Ω est l’intégrale du lobe primaire des récepteurs, et où Niisont les termes diagonaux de la ma-

trice de covariance de bruit des visibilités mesurées. Des méthodes de maximum de vraisemblance standards permettent d’obtenir aisément la meilleure estimation des spectres de puissance à partir du jeu de visibilités complexes mesurées, comme nous le verrons au chapitre 9.