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3.4 Inflation et modes B de polarisation

4.1.1 Interférométrie optique

Nous nous proposons de donner dans cette section un bref aperçu historique des techniques d’in- terférométrie optique en astronomie (en nous inspirant notamment de [184]). Il s’agit d’un champ de recherche actif dont les potentielles retombées astronomiques sont gigantesques. La turbulence atmosphérique, qui dégrade fortement la résolution angulaire théorique, est la principale source de difficultés à laquelle sont confrontés les interféromètres optiques au sol. Si de nombreuses tech- niques ont été développées durant les quarante dernières années pour y faire face, beaucoup reste à faire. Les problèmes sur lesquels travaillent les spécialistes actuels du domaine sont ainsi assez

éloignés de ceux rencontrés durant cette thèse ; une filiation évidente existe cependant puisque nous verrons par exemple qu’un interféromètre bolométrique peut être conçu comme une version millimétrique de l’interféromètre de Fizeau.

Au début du XIXe siècle, Thomas Young réalisa sa fameuse expérience mettant en évidence

la nature ondulatoire de la lumière. Il observa, à travers un écran percé de deux petits trous, une source lumineuse ponctuelle, et vit alors une image zébrée de rayures perpendiculaires à la direc- tion des deux trous : les célèbres franges d’interférence.

Mais l’histoire de l’interférométrie astronomique ne débute qu’en 1867. Le Français Hippolyte Fizeau fut le premier astronome à saisir conceptuellement le lien existant entre le contraste de franges d’interférence imagées au foyer d’un télescope et la dimension angulaire de la source qui les produit. Il proposa d’apposer sur la pupille d’entrée d’un télescope un masque d’ouvertures per- mettant de réaliser des mesures interférométriques de diamètres stellaires [170]. Edouard Stephan expérimenta l’idée de Fizeau en 1873 sur le télescope de 80 cm de diamètre de l’Observatoire de Marseille, à l’aide d’un masque dont les ouvertures étaient espacées de 50 cm. Cela fut insuffisant pour résoudre angulairement la plupart des étoiles observées (à l’exception notable de Sirius), et Stephan dut conclure « à l’extrême petitesse du diamètre apparent des étoiles fixes » [171].

Ce n’est qu’en 1890 qu’Albert Michelson reprit l’idée de Fizeau à son compte, en jetant les bases du formalisme interférométrique et en établissant clairement le lien existant entre la visibilité des franges d’interférence et le diamètre d’un disque de brillance uniforme [172]. Il réalisa pour la première fois en 1921 avec Francis Pease une mesure de diamètre stellaire à l’aide d’un interfé- romètre construit pour l’occasion sur le télescope Hooke de 2.5 mètre de l’observatoire du Mont Wilson [173]. L’apport technologique majeur fut de procéder par recombinaison de faisceaux is- sus de miroirs individuels montés sur une poutrelle métallique, cette dernière étant arrimée à une monture de télescope classique, plutôt que par apposition d’un masque d’ouverture sur une pupille unique. Ce procédé lui permit d’atteindre une ligne de base entre pupilles de 20 pieds (6,1 m). Pease fait également état d’un système permettant d’atteindre une longueur de base de 50 pieds (15,24 m). Mais des limitations d’ordre mécanique survinrent alors (mauvais contrôle des vibra- tions des structures porteuses), et rendirent le système peu exploitable [174]. L’expérience n’eut malheureusement pas de suite immédiate.

La turbulence atmosphérique, qui dégrade fortement la résolution angulaire, est la principale difficulté à laquelle sont confrontés les interféromètres optiques au sol. La phase varie de manière aléatoire sur chacune des sous-pupilles constitutives du réseau interférométrique, dans un temps de cohérence qui est typiquement de l’ordre de la dizaine de milliseconde dans l’infrarouge. Ces variations de phase dégradent le contraste des franges d’interférences et le rapport signal sur bruit sur la visibilité.

Antoine Labeyrie développa dans les années 70 la méthode dite « d’interféromètrie des tavelures » ou « speckle interferometry » [175], qu’il exploita sur de grands télescopes pour retrouver la résolution théorique dont les prive l’atmosphère. Une caméra très sensible est utilisée pour filmer l’image avec des poses suffisamment courtes, quelques millisecondes, pour figer les tavelures. Par analyse de Fourier, il est ensuite possible de filtrer les tavelures et de reconstruire une image à haute résolution de la source observée. Son utilisation a mené à nombre de découvertes, dont la lune de Pluton, Charon, la qualité binaire de certaines étoiles autrement perçues comme singulières, et la détection de taches solaires à la surface d’étoiles géantes comme Bételgeuse (voir figure 4.1). Labeyrie et son équipe, construisirent à l’Observatoire de Nice un premier « Interféromètre à 2 Télescopes » (I2T), avec lequel ils obtinrent en 1974, des franges d’interférence sur Véga [176].

FIG. 4.1: La surface de Bételgeuse en proche infra-rouge à 1,64 micron, obtenue par l’interféromètre IOTA. Le diamètre de l’étoile avoisine les 40 mas (milliarcseconde), la taille des détails reconstruits 9 mas.

L’interférométrie astronomique s’est depuis largement internationalisée, et un grand nombre d’interféromètres à deux voies ont vu le jour (PTI, IOTA/FLUOR [177]). Le passage d’une recom- binaison interférométrique à plus de deux télescopes est aujourd’hui crucial pour l’imagerie par synthèse d’ouverture, rendue possible via la technique dite de clôture de phase (voir chapitre 10). Les premières mesures du terme de clôture avec plus de deux ouvertures ont été obtenues grâce à des masques pupillaires [178]. La transposition de cette technique à trois télescopes réellement indépendants n’a été réalisée que récemment par deux interféromètres astronomiques COAST (Cambridge Optical Aperture Synthesis Telescope) [179] et NPOI (Navy Prototype Optical Inter- ferometer [180]). Le VLTI (Very Large Telescope Interferometer), lancé par l’ESO en 1993, forme un ensemble de 4 télescopes optiques et infra-rouges de 8,20 m et de 4 télescopes auxiliaires de 1.80 m. Ces petits télescopes sont capables de se déplacer le long de voies ferrées de façon à former, en couplage avec les grands, un interféromètre équivalant à un télescope optique de 200 m.