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La distribution de cornets primaires d’un interféromètre bolométrique possède un haut degré de redondance ; comme nous l’avons démontré au chapitre 5, il s’agit là d’une condition absolument nécessaire à l’obtention d’une sensibilité statistique compétitive. Nous nous proposons donc de généraliser l’approche d’auto-calibration basée sur la redondance dans le cas d’un instrument sen- sible à la polarisation ; nous allons montrer qu’il est possible de reconstruire simultanément les coefficients des matrices de Jones décrivant les erreurs systématiques qui affectent la transmission de chaque canal polarisé (erreurs de gains complexes et de couplages) ainsi que les N6=visibilités différentes.

Nous supposerons dans un premier temps que les erreurs ne proviennent pas de l’étape de recons- truction des visibilités : des aberrations optiques induites par le combineur peuvent par exemple résulter en une fuite entre des visibilités définies par des lignes de base différentes. Nous verrons en section 10.4 que notre approche peut être généralisée de manière à prendre en compte l’intégralité des erreurs systématiques de source instrumentale.

10.2.1 Matrice de Jones

Nous suivons [167, 168] et nous supposons qu’au premier ordre, les erreurs systématiques ins- trumentales peuvent être décrite par des matrices de Jones, telle que le champ électromagnétique collecté par le récepteur i, s’écrit, en raison d’erreurs instrumentales, en fonction du champ idéal Ei =  Eix Eiy  : Ei′= JiEi. (10.4)

Chaque matrice de Jones Ji peut être décrites sans perte de généralité en introduisant les erreurs

de gains complexes et les erreurs de couplages des deux polarisations orthogonales pour chaque canal i : Ji=  1 + gx,i ǫx,i ǫy,i 1 + gy,i  . (10.5) 10.2.2 Principe expérimental

La procédure que nous proposons nécessiterait la mise en place d’une phase de calibration, durant laquelle l’instrument observerait une source de calibration quelconque (la seule contrainte étant l’importance du rapport signal à bruit), et mesurerait individuellement les Nh(Nh − 1)/2

visibilités définies par toutes les paires de cornets. Dans l’architecture actuelle de QUBIC avec lame demi-onde en rotation (cf. chapitre 7), cela est rendu possible par l’insertion d’interrupteurs

Pol X + Y

Reflected ( IL~ -30dB )

FIG. 10.2:Deux modèles d’interrupteurs polarisés réalisables en guides d’onde. Dans le premier (à gauche), deux lames métaliques orthogo- nales viennent couper le guide d’onde circulaire ; dans le second (à droite), le disque pivotant peut prendre quatre positions différentes : ouvert, fermé, polarisation x fermée, polarisation y fermée. Modélisa- tions réalisées par G. Pisano pour la collaboration QUBIC.

entre chaque couple de cornets primaires et secondaires ; selon nos collaborateurs de l’Université de Manchester, de tels composants pourraient être réalisés en technologie guide d’onde par de simples lames perpendiculaires, actionnées mécaniquement, qui viendraient couper individuelle- ment les deux polarisations. Des prototypes sont en cours de fabrication et seront bientôt testés (figure 10.2).

En phase d’acquisition des données scientifiques, tous les interrupteurs seraient ouverts, et l’ins- trument mesureraient uniquement les N6= visibilités différentes, afin comme nous l’avons vu au chapitre 5 d’atteindre une sensibilité statistique compétitive. Chaque visibilité différente Vβ est en

réalité la somme des Neq(β) visibilités de sa classe d’équivalence,

VβX = 1 Neq(β)

X

{i,j}ǫsβ

VijX, (10.6)

où nous avons introduit le vecteur des visibilités de Stokes que mesurent un instrument sensible à la polarisation, VβX =      VI β VβQ VβU VV β     . (10.7)

10.2.3 Sur-détermination du problème

En l’absence d’erreurs systematiques, des visibilités définies pour des lignes de base appartenant à une même classe d’équivalence sβ ont exactement la même valeur :

∀ {i, j} ǫ sβ, VijX = VβX. (10.8)

Pour un instrument non-idéal en revanche, les visibilités redondantes mesurées ˜VX

ij ne seront pas

parfaitement identiques, en raison des erreurs de gain ou de couplage. Ainsi, les mesures effectuées en phase de calibration peuvent s’écrire comme un système de a × Nh(Nh − 1)/2 équations

complexes (a = 2, 3, 4 est le nombre de paramètres de Stokes mesurés par l’instrument) : ˜

VijX = Mij · VβX + nij, (10.9)

où nij est le bruit de mesure et où les Mij sont un genre de matrices de Muller complexes,

Mij =      MijII MijIQ MijIU MijIV MijQI MijQQ MijQU MijQV MU I ij MijU Q MijU U MijU V MijV I MijV Q MijV U MijV V     . (10.10)

Dans le cas d’un instrument idéal, Mij est simplement la matrice identité.

10.2.4 Radio-interférométrie traditionnelle et omniscope

Dans leurs versions standards, le radio-interféromètre et l’omniscope ne sont pas des instruments sensibles à la polarisation. La matrice de Muller se réduit ainsi à son premier élément :

Mij → MijII = GiGj, (10.11)

où Gi, Gj sont les gains complexes associés aux antennes i et j. L’équation 10.9 peut alors facile-

ment être ramenée à un problème linéaire par passage au logarithme,

vij = vβ+ gi+ gj, (10.12)

où nous avons définis,

vij = log|VijI|, (10.13)

vβ = log|VβI|, (10.14)

gi = log|Gi|, (10.15)

gj = log|Gj|. (10.16)

Pour un réseau en grille carrée de N ≥ 8 antennes, le problème devient sur-déterminé, puisque le nombre d’équations est donné par 2 × N(N − 1)/2 ∼ N2tandis que le nombre d’inconnues est

donné par 2N6=+2N ∼ 8N. Afin d’obtenir un système inversible, une contrainte de normalisation globale doit être spécifiée (la méthode ne permet naturellement qu’une calibration relative des gains) :

N −1X i=0

gi= 0. (10.17)

Le passage au logarithme d’une quantité complexe complique légerement le problème (voir [209] pour les détails).

10.2.5 Matrice de Muller pour un interféromètre sensible à la polarisation

Dans le cas d’un interféromètre sensible à la polarisation, les coefficients de ces matrices de Muller peuvent être écrits en fonction des paramètres des matrices de Jones ; si l’on adopte la modélisation de l’équation 10.5, l’expression au premier ordre de la matrice Mij est donnée par :

1 2 0 B B B B B @ 2 + g⋆

x,j+ gy,j⋆ + gx,i+ gy,i gx,j⋆ − gy,j⋆ + gx,i− gy,i ǫ⋆x,j+ ǫ⋆y,j+ ǫx,i+ ǫy,i −i

“ ǫ⋆

x,j− ǫ⋆y,j− ǫx,i+ ǫy,i

g⋆

x,j− gy,j⋆ + gx,i− gy,i 2 + gx,j⋆ + gy,j⋆ + gx,i+ gy,i ǫ⋆x,j− ǫ⋆y,j+ ǫx,i− ǫy,i −i “

ǫ⋆

x,j+ ǫ⋆y,j− ǫx,i− ǫy,i

ǫ⋆

x,j+ ǫ⋆y,j+ ǫx,i+ ǫy,i −ǫ⋆x,j+ ǫ⋆y,j− ǫx,i+ ǫy,i 2 + g⋆x,j+ g⋆y,j+ gx,i+ gy,i i “

g⋆

x,j− g⋆y,j− gx,i+ gy,i

−i“ǫ⋆

x,j− ǫ⋆y,j− ǫx,i+ ǫy,i

” i“ǫ⋆

x,j+ ǫ⋆y,j− ǫx,i− ǫy,i

−i“g⋆

x,j− gy,j⋆ − gx,i+ gy,i

2 + g⋆

x,j+ g⋆y,j+ gx,i+ gy,i

1 C C C C C A (10.18)

Nous voyons que l’équation 10.9 ne peut plus être ramenée facilement à un système linéaire6.

Le nombre d’inconnues est a × 2N6=+ 8Nh (nous supposerons a = 3 dans la suite), alors que le

nombre d’équations est ∼ N2

h. Pour un réseau en grille carrée, le système est ainsi sur-déterminé

pour Nh ≥ 20 ; les mesures effectuées en phase de calibration peuvent être utilisées pour ajuster

ce modèle et estimer les inconnues (i.e. les visibilités différentes et les paramètres des matrices de Jones). De la même manière que dans le cas précédent, une contrainte de normalisation globale des gains doit être spécifiée afin que le problème n’accepte qu’une unique solution (la calibration des gains est seulement relative).