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3.2 Anisotropies de température

3.2.2 Anisotropies primaires

La forme du spectre de puissance angulaire des anisotropies s’explique principalement par la physique du plasma primordial, par la géométrie de l’univers et par la nature des fluctuations de densités primordiales. Nous essayons de décrire ici qualitativement la manière dont ces processus physiques engendrent ces anisotropies primaires.

Oscillations acoustiques du fluide photons-électrons-baryons

Le mécanisme des oscillations acoustiques s’examine plus facilement dans l’espace de Fourier. Remarquons d’abord ce point crucial : tous les modes spatiaux d’une même taille passent simulta- nément en dessous du rayon de Hubble, et commencent à osciller simultanément ; si bien que lors

de la recombinaison, la phase de l’oscillation atteinte par un certain mode est proportionelle à sa longeur d’onde. Autrement dit, on s’attend à observer des oscillations dans le spectre de puissance des anisotropies. Les pics impairs correspondent aux modes figés par la recombinaison en phase de compression, les pics pairs correspondent aux modes figés en phase de dilatation.

La masse des baryons déséquilibre l’oscillateur en changeant le rapport entre pression et gravité au sein du fluide ; l’amplitude des sur-densités est ainsi plus importante que celle des sous-densités. Ceci explique pourquoi les pics pairs du spectre de puissance sont moins élevés que les pics im- pairs (si on fait abstraction de l’amortissement de Silk bien-sûr), et pourquoi le rapport Ωb/Ωm

est intimement lié à l’amplitude relative des pics pairs et impairs (voir figure 3.3). Nous avons en particulier vu au chapitre 2 qu’il est très difficile pour les modèles sans matière noire d’expliquer la hauteur importante du troisième pic par rapport au second.

Effet Sachs-Wolfe

L’effet Sachs-Wolfe est le mécanisme par lequel les fluctuations de densité du fluide photon- baryon laissent une empreinte sur la température des photons du fond diffus. Il résulte de la com- binaison de deux processus opposés. La température moyenne des photons tombés à l’intérieur d’un puit de potentiel gravitationnel est plus élevée d’un facteur

∆T T = 2 3 δΦ c2 , (3.17)

où δΦ est la variation relative du potentiel gravitationnel. Il faut cependant prendre en compte le fait que ces photons subissent un redshift gravitationnel en s’échappant du puit,

∆T

T =−

δΦ

c2. (3.18)

La somme de ces deux effets voit la perte d’énergie l’emporter sur le gain, ∆T T =− 1 3 δΦ c2. (3.19)

Ainsi, les points froids (de température inférieure à la température moyenne) du fond diffus cos- mologique correspondent en réalité à des sur-densités au sein du plasma primordial.

Effet Doppler

Les électrons diffuseurs ont une vitesse propre, induisant un effet Doppler sur les photons. L’effet Doppler est ainsi minimal pour une fluctuation ayant atteint un extremum de densité, et maximal pour une fluctation de densité moyenne (la fluctuation est dans ce cas "en train" de s’effondrer ou de se dilater), ce qui explique l’anti-corrélation de cet effet avec l’effet Sachs-Wolfe, comme on le voit sur la figure 3.3. Notons par ailleurs que cet effet est sous-dominant (ce ne serait pas le cas si la masse des baryons était négligeable).

Amortissement de Silk

Les échelles plus petites que le libre parcours moyen des photons à la recombinaison sont pro- gressivement gommées dans le spectre de puissance, comme on le voit sur la figure 3.3. Ce pro-

FIG. 3.3: Contributions au spectre de puissance de l’effet Sachs-Wolfe (courbe violette) et de l’effet Doppler (courbe bleue claire). On note l’anti-corrélation des crètes. La somme des deux contributions est re- présentée avant (courbe rouge) et après (courbe bleue foncée) prise en compte de l’amortissement de Silk. Graphe tiré de [111].

cessus a été prédit par Silk en 1968 [105]. L’épaisseur de la surface de dernière diffusion (la recombinaison n’est pas instantanée) accroît cet amortissement.

Perturbations adiabatiques

L’observation des anisotropies aux moyennes échelles a permis de trancher entre deux scénarios distincts qui prévalaient à la fin des années 1980, pour la génération des fluctuations primordiales : les perturbations isocourbes, signature des modèles de défauts topologiques et les perturbations adiabatiques, signature des modèles d’inflation.

Dans le cas des modèles d’inflation à un champ scalaire, on peut en effet montrer l’existence d’une relation particulière entre les contrastes de densité des différentes espèces. A une sur-densité de matière noire, correspond ainsi une sur-densité de photons, et donc de température, de manière originelle. Autrement dit l’inflation génère en tout point des fluctuations de densité proportionnel- lement identiques pour tous les composants du fluide primordial : ce sont les fluctuations adiaba- tique. Les fluctuations isocourbes seraient telles que la somme des fluctuations de densité de toutes les espèces soient nulles. La figure 3.4 montre la différence de prédiction des deux modèles.

Echelles au delà de l’horizon

Les échelles plus grandes que le degré sur la carte 3.6 n’étaient pas liées causalement à la recom- binaison et les anisotropies observées sont directement les fluctuations primordiales de densité ; l’homogénéité constatée est ainsi particulièrement intriguante (voir section 3.4.1). Le fait que le

FIG. 3.4: Spectres de puissance de température et de polarisation pré- dits (par intégration numérique) par Bond et Efstathiou [112] dans un célèbre article en 1987, i.e. sept ans avant la première détection des ani- sotropies de température ! Pour un modèle cosmologique SCDM, avec h=0.75, un spectre primordial invariant d’échelle, dans le cas de fluc- tuations adiabatiques (à gauche), dans le cas de fluctuations isocourbes

(à droite). Remarquons l’absence de pic de réionisation à basℓ dans le

spectre de polarisation (Zaldarriaga n’a pas encore soutenu sa thèse...), ainsi que l’amplitude trop importante du troisième pic dans le spectre

de température, provenant de la valeur trop élevée deΩm(Ωm = 1

dans le modèle SCDM alors considéré) !

spectre de puissance angulaire des anisotropies soit plat aux grandes échelles indique la (presque) invariance d’échelle du spectre des fluctuations primordiales ; comme nous le verrons dans la suite de ce chapitre, ceci constitue le plus fort argument en faveur des modèles inflationnaires.