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Le principe des plaques photos de Lippmann .1 Histoire

jet optique

2.3.1 Le principe des plaques photos de Lippmann .1 Histoire

En 1891, Gabriel Lippmann présenta [41] à l’Académie des Sciences à Paris une photographie couleur du spectre du soleil obtenue grâce à son nouveau type de plaques photographiques. Plus tard, en 1894 [42], il publia un article où il expliquait comment ses plaques photographiques étaient capables d’enregistrer des informations colorimétriques ; théorie qui se base sur des ondes lumineuses stationnaires et qu’il développa à partir de 1886, soit quatre ans avant qu’Otto Wiener [15] n’enregistre pour la première fois une onde stationnaire lumineuse.

Le principe des plaques photographiques de Lippmann repose en fait sur l’enregistrement dans l’épaisseur d’une émulsion photosensible de l’interfé-rogramme d’un interféromètre à deux ondes d’une simplicité déconcertante : la face avant d’un miroir. En effet, comme nous le verrons dans le paragraphe suivant l’onde stationnaire qui se crée à la surface d’un miroir est équivalente aux interférences issues d’un interféromètre à deux voies. Dans son article de 1894, Gabriel Lippmann est sans doute le premier à relier l’équation de l’interférogramme d’un faisceau lumineux avec le spectre de ce faisceau. La photographie interférentielle (autre nom de la photographie de Lippmann) est alors vécue comme une révolution et représente une démonstration pra-tique de l’aspect ondulatoire de la lumière, chose pour laquelle il recevra

d’ailleurs le prix Nobel en 1908. Malheureusement le procédé de la photogra-phie interférentielle est complexe et long à mettre en œuvre, et ce, malgré les efforts de Gabriel Lippmann et surtout des frères Lumière. C’est pourquoi elle est rapidement rangée parmi les concepts scientifiques et techniques

n

max

nmin

λ = 650 nmorange λ = 540 nmvert

Indice optique dans l'épaisseur de la plaque photo

Figure 2.17 – Plaque photo de Lippmann de la fin du XIXèmesiècle

Sur la partie de droite on peut voir une simulation de l’indice optique de la plaque photo pour une ligne verticale

forts élégants mais néanmoins inutiles ; d’autant plus que personne à cette époque ne s’est aperçu des potentialités de ces plaques en matière de spec-troscopie. Outre un certain regain d’intérêt pour les travaux de Lippmann de manière sporadique dans les années 50-60 (en rapport avec l’holographie) et à la fin des années 70 (Lindegren et Dravins [43]) en astrophysique, ce n’est qu’au milieu des années 90, grâce aux progrès dans le domaine des détec-teurs, que des scientifiques s’intéressent à nouveau à l’échantillonnage des ondes stationnaires créées à la surface d’un miroir. Ainsi, en 1995, Connes et le Coarer [44], revisitant le concept de la photographie interférentielle, pré-sentent celle-ci comme un spectromètre 3D et proposent même d’utiliser les nouvelles technologies pour réaliser des détecteurs basés sur ce principe. Il faudra néanmoins attendre 2007 pour que cette proposition [45] soit mise en œuvre de manière effective (mise en œuvre protégée par deux brevets [46, 47]). Dans l’intervalle, des alternatives ont été publiées (Sasaki et al. [48] et Knipp et al. [49]) mais elles s’apparentent moins à la photographie interférentielle de par le fait qu’elles n’utilisent qu’un seul détecteur.

2.3.1.2 Le principe

Pour introduire le principe de la photo de Lippmann nous ne saurions mieux le faire que Lippmann lui-même. Voici ce qu’il a écrit en 1894 [42] :

« On peut fixer l’image de la chambre noire, avec son modelé et ses couleurs, en employant une couche sensible transparente et continue, d’épaisseur suffisamment grande, adossée pendant la pose à une surface réfléchissante qu’il est commode de constituer par une couche de mercure. On développe et l’on fixe au moyen des réactifs usités en photographie. Si l’on regarde par réflexion la couche redevenue sèche et éclairée par la lumière blanche, on retrouve l’image de la chambre noire fidèlement reproduite.

Figure 2.18 – Vu au micrsocope d’une plaque photo de Lippmann tronquée

Ce phénomène est dû aux interférences lumineuses. Pendant la pose, les rayons incidents formant l’image interférent avec les rayons réfléchis par le mercure ; il en résulte des ondes lumineuses stationnaires1, dont l’amplitude varie d’une manière continue d’un point à l’autre suivant l’épaisseur de la plaque. La densité du dépôt photographique et par suite son pouvoir réflecteur varient, par suite, d’une manière continue en fonction des coordonnées. Ainsi, lorsque l’on regarde l’image déve-loppée, la lumière reçue par l’œil est réfléchie, non par une surface réfléchissante, mais par un volume doué d’un pouvoir réflecteur variable dans toute son étendue2. Chacun des rayons qui parviennent à l’œil est la résultante d’une infinité de rayons élémentaires3. Dans le calcul de cette résultante, il est nécessaire de tenir compte non seulement de la variation du pouvoir réflecteur en fonction de la profondeur, mais encore des différences de phase dues à la différence des chemins parcourus par la lumière. »

Ce passage introductif de la note à l’Académie des Sciences de Paris écrit en 1894 est porteur de trois notions remarquables. La première (1) est la présence d’ondes stationnaires lumineuses à la surface d’un miroir et la possibilité de les enregistrer. La seconde (2) est que bien avant l’apparition des réseaux de Bragg, Gabriel Lippmann en présente déjà les principes. En effet, la dernière phrase de ce passage n’est ni plus ni moins que la présenta-tion du principe des réseaux de Bragg. Sur la figure 2.18 on peut voir qu’une vue au microscope d’une coupe d’une plaque de Lippmann rappelle très fortement celle d’un réseau de Bragg. Enfin, il introduit ici (3) de manière très naturelle la possibilité de décomposer une lumière polychromatique en une somme d’ondes monochromatiques. Il a par ailleurs fait directement

appel à la transformée de Fourier à propos des lumières polychromatiques :

« Il est ainsi nécessaire de formuler la théorie de cette photographie interfé-rentielle en termes plus larges. Le point de départ est le constat que l’amplitude résultant de l’interférence varie selon une fonction qui est continue même dans le cas d’une simple lumière. Le cas général est dérivé à partir d’une analyse basée sur l’outil mathématique de Fourier. Il peut ainsi être démontré que la photographie de couleurs composées est possible. »

Cette utilisation de la transformée de Fourier constitue l’une des contri-butions les plus importantes de l’optique du 19`eme siècle. Par ailleurs, dans sa note précedente [41] Gabriel Lippmann précise que pour pouvoir obtenir une photo couleur il faut une gélatine continue dans laquelle les substances photo-sensibles ne forment pas de grains, ou, « s’il y a des grains, il faut qu’ils soient de dimensions négligeables par rapport à la longueur d’onde lumineuse », il est difficile de ne pas y voir une intuition assez proche du théorème de Shannon-Nyquist, d’autant plus qu’il a aussi décrit un phénomène de re-pliement du spectre.

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